Kaamelott – Premier volet : Le retour du roi

En 2009 quand s’achevait le livre VI de Kaamelott à la télévision, l’écran s’élargissait, des bandes noires typiques au cinéma apparaissaient et Alexandre Astier nous laissait entendre que Arthur reviendrait bientôt. C’est peut-être l’un des  »bientôt » les plus longs de l’histoire de la télévision et du cinéma, mais douze ans plus tard, nous y voilà enfin, Kaamelott commence sa conclusion avec un premier film longtemps espéré, qu’on avait presque craint de ne jamais voir et qui débarque en fanfare, attendu par une horde de fans en furie et ce avec d’autant plus d’impatience que sans ce foutu Covid, nous aurions tous déjà vu le film l’été dernier. Mais puisque  »la patience est un plat qui se mange sans sauce », ne boudons pas notre plaisir et savourons la perspective de retrouver le roi Arthur et sa bande de chevaliers aussi stupides qu’attachants.

Des années ont passé depuis la fuite d’Arthur à Rome et la prise de pouvoir de Lancelot sur le royaume de Logres. Durant toutes ces années, Lancelot a tout fait pour retrouver Arthur, quitte à dilapider la fortune du royaume en mercenaires saxons. Une résistance s’est organisée, menée par une poignée de chevaliers courageux mais seul le retour d’Arthur pourrait basculer l’ordre établi et amener de nouveau la paix sur le royaume…

Nous n’en dirons pas plus sur l’intrigue du film qui doit se découvrir sans en connaître les détails pour l’apprécier pleinement. Disons seulement qu’Alexandre Astier, maître de son univers depuis le début, à l’aise aussi bien dans le format court que le format plus long, mais également sur d’autres médiums comme la BD a toujours eu une ambition cinématographique pour donner à son univers une nouvelle ampleur. Très rapidement, le cinéaste/scénariste/acteur/compositeur/producteur/monteur paie son tribut à George Lucas et à la trilogie originale de Star Wars avec des influences nettes et précises, l’envie de conter un grand récit classique et mythologique étant omniprésente. Il s’agit ici de donner à Kaamelott l’ampleur qu’il mérite enfin, ampleur qui passe aussi bien par les moyens mis à disposition (enfin nous aurons le droit à un plan large de Kaamelott) que par la musique qu’Alexandre Astier a composée pour l’occasion et dont les largesses symphoniques rappellent le travail de John Williams.

Ambitieux, Alexandre Astier peut déployer son univers mais sans jamais céder à la moindre obligation narrative. Il ne s’agit pas ici de s’appuyer sur ses acquis mais d’ouvrir son film à n’importe quel spectateur, fan de la série ou non. Et si l’on ne niera pas que le fan aura beaucoup plus d’émotions, de joie et d’amusement devant le film (émotion de revoir ces personnages après tant d’années, amusement face aux clins d’œil faits à la série), la dimension classique et épique du récit, facilitant sa compréhension le permet d’être accessible à tout le monde pour peu qu’on ait envie de soutenir du cinéma français rare et différent, du cinéma épique réalisé avec un budget inférieur qu’une comédie avec Dany Boon. S’il régale les fans et qu’il les cajole régulièrement, Astier a bien compris l’importance de s’adresser au plus grand nombre et réalise donc là un double exploit, à savoir une œuvre à même de régaler les fans les plus intransigeants et les néophytes les plus complets. Impossible en effet de résister à la puissance du récit (classique certes, s’inscrivant dans la tradition du Monomythe de Joseph Campbell) qui, combinée au savoureux sens du dialogue d’Astier fait des merveilles.

Écrivant sur mesure pour ses acteurs, capable de rendre encore drôle Christian Clavier (c’est dire le talent du gars !), Alexandre Astier renoue avec ses personnages tout en en greffant de nouveaux au récit et si l’on sera surpris et enchantés de voir Sting au casting, on se régalera que Guillaume Gallienne ou Clovis Cornillac trouvent aussi bien leurs marques dans l’univers déjà bien établi du cinéaste. Il faut dire que les dialogues d’Astier, taillé pour ses acteurs, ont une telle musicalité que personne ne peut être mauvais en les déclamant et l’on se régale de sa capacité à jouer avec les mots pour des dialogues dignement hérités d’un Michel Audiard ou d’un Bertrand Blier.

Si l’on est donc ravis du spectacle, à la fois généreux et ambitieux, on ne peut s’empêcher d’avoir une pointe de frustration face au récit, mettant inévitablement de côté certains personnages secondaires n’ayant qu’une poignée de séquences à l’écran tandis que le dernier acte du film pourra paraître un brin précipité, fait pour boucler un arc narratif avant d’en ouvrir un nouveau en vue du second volet, farouchement attendu. La réalisation d’Astier, bien plus à l’aise et délaissée de certains tics un peu fâcheux, a beau avoir plus d’amplitude, reste également encore un brin figée, un peu trop télévisuelle et parfois loin d’un véritable spectacle de cinéma comme certaines scènes en auraient besoin. Qu’importe, ce n’est pas pour son sens du spectacle que l’on aime Kaamelott mais bien pour son sens du récit, sa façon de jouer avec la mythologie et avec les dialogues pour amorcer une réplique culte à quasiment chaque séquence. Drôle, épique et émouvant, venant approfondir certaines relations avec tendresse, Kaamelott – Premier volet est donc un pari réussi et la promesse de suites encore plus grandioses pour boucler cette immense quête du Graal à laquelle Alexandre Astier nous convie tous et dont on attend la suite avec impatience tout en redoutant le fait qu’elle nous rapprochera de la fin de cette merveilleuse aventure, unique en son genre dans la télévision et le cinéma français.

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