Old : Ils étaient 11

Glass fut une frigide déception lors de sa découverte pour sa sortie en 2019. Venant conclure une surprenante et déboussolante trilogie nommée Eastrail 177 débuté avec le précis Incassable, récit cartésien autour des actes super-héroïques, M.Night Shyamalan n’a pas répondu aux attentes placées dans sa démarche à élaborer un univers cohérent malgré ses intentions enthousiasmantes, notamment la proposition Split, tout aussi surprenante.
On brasse le chaud et le froid depuis une dizaine d’années avec le réalisateur remarqué avec Sixième Sens. Depuis Phénomènes et ses péripéties vaseuses pour Hollywood, chaque nouveau film du réalisateur ne crée plus l’émoi, pire une certaine crainte se ressent à chaque nouveau projet. M.Night Shyamalan est cette fois de retour avec Old, adaptation du roman graphique français Château de Sable dessiné par Frederik Peeters et écrit par Pierre-Oscar Lévy sorti chez Atrabile en 2010. Et après projection du film, notre avis n’a pas pris une ride.

Il était une fois l’histoire d’un cadeau de trois filles à leur père pour la fête dédiée. Ces trois filles offrent Château de Sable à M.Night, leur papa, dont l’intrigue stimule d’emblée son imagination. À savoir, une famille s’arrête pour quelques heures sur un atoll isolé où ils découvrent avec effroi que leur vieillissement y est drastiquement accéléré et que leur vie entière va se retrouver réduite à cette ultime journée. Ils sont dix personnes – deux familles + quelques ajouts – qui décident de rejoindre cette plage privée proposée par l’hôtel comme un privilège. Pitch accrocheur qui, entre les mains de M.Night Shyamalan, peut se révéler être de l’or. Et le film est une réussite jusqu’à l’éclatement de son troisième acte dont les rebondissements et autres révélations se fracassent telle une vague sur un rocher. Pourtant tout débute parfaitement avec cette famille partant se régénérer dans les Tropiques. Malgré l’enthousiasme des enfants, on perçoit un malaise entre les parents. Ils sont en instance de séparation et la femme est malade. Rien ne semble potentiellement jouer sur le récit même, mais Shyamalan s’attache à construire des personnages incarnés donnant du grain à moudre à un casting prestigieux. En cela, Vicky Krieps – après nous avoir renversés par son charme dans Phantom Thread – incarne cette mère perdue dans ses choix et sur son avenir avec cette maladie. Le mari incarné par Gaël Garcia Bernal semble incapable de reprendre la situation en main. Il compte sur les vacances pour raccrocher les wagons.
Tout ce petit monde part donc en escapade sur cette plage paradisiaque rejoint par un médecin, sa femme bien plus jeune, leur fille et la grand-mère paternelle. Chacun va alors révéler ses failles au fur et à mesure des péripéties effarantes qui vont se dérouler sur ce lieu où le temps va se compter pour eux.

Avec Old, on pense énormément à Rod Serling et Agatha Christie. L’association peut se montrer surprenante, mais Old se voit comme la concision de Ils étaient Dix et Meurtre au Soleil au centre d’un épisode de La Quatrième Dimension. Il y a comme un faux air de polar dans ce film fantastique où le meurtrier se révèle être le temps. Ainsi, tel le coupable que l’on cherche avec impatience tout le long des pages chez cette chère Agatha, il est chez Shyamalan en chacun des personnages. Le temps va jouer contre eux, une heure comptant pour 2 ans et une journée pour 50 ans de vie. Shyamalan déroule son jeu des deux familles avec incision permettant l’éclatement des comportements et des réactions psychologiques et physiques de chacun comme tout bon récit de l’auteur anglaise. Chaque personnage révèle leur véritable visage face à l’adversité du temps qui les décompte d’une vie trop précieuse. Si le long-métrage ne fait jamais preuve de la moindre philosophie potentielle pourtant propice à ce type de récit, il déroule une morale bien américaine sur les valeurs familiales dont la solidarité est une force pour préserver les liens et l’amour. On ne s’attendait à rien d’autre de la part de Shyamalan qui conduit son récit accrocheur avec fermeté.

Shyamalan prouve de nouveau toutes ses capacités à mener un récit sous tension constante. Le réalisateur réussit à nous tendre, et cela dès les premières images du film créant une oppression montant crescendo. La nervosité est à son comble sur cette plage qui n’apporte aucune réponse viable perdant ses personnages à vieillir inlassablement pour sentir la mort approchée. Shyamalan se permet même de nous détourner le regard sur quelques séquences fortes et gores entre une extraction d’une tumeur ou la distorsion d’un corps manquant cruellement de calcium. Le réalisateur de Signes réussit son pari de nous happer en enfer sur sable fin et eau turquoise. Mais il casse l’enivrement d’une heure et vingt minutes de film avec un dernier acte explicatif pour les cancres du fond. Ne souhaitant pas laisser son spectateur en plan malgré toute notre envie d’en rester là rassasié par une réussite crispante, l’auteur justifie son dispositif et brise la chaîne de confiance avec son spectateur retrouvant ses défauts l’ayant mené à justifier et gonfler Incassable. Shyamalan prouve son manque de confiance flagrant envers son cinéma avec ses explications sans queue ni tête. Il déroule alors un jeu de révélations où la caméra se permet des envolées lyriques absurdes détournant le cadre comme un aveu d’impuissance, n’y croyant point lui-même. Perturbant sort réservé à ce film qui se conclut à l’image de Nightmare Island, telle une incongruité navrante pour la matière passionnante dont le cœur du film recèle. Rien n’annonçait un tel déballage gerbant d’idioties outre les reflets pas bien inquiétants perçus ici ou là au loin sur une falaise. On aurait dû y prendre garde alors que la confiance s’était réinstallée entre Shyamalan et l’un de ses premiers fans, déçus finalement du sort réservé à une proposition passée entre les mains de Docteur M.Night & Mister Shyamalan.

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  1. Édito – Semaine 30 -

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