Fast and Furious 9 : De la bêtise dans le moteur

Tirant déjà sur les ficelles de la vraisemblance et de la surenchère depuis plusieurs opus, la saga Fast and Furious ne s’est pas encore relevée de l’absence tragique du personnage de Paul Walker qui apportait à celui de Vin Diesel un équilibre et une alchimie qui faisait parfaitement tourner la machine sur les opus 5 et 7. Paul Walker décédé et son personnage retiré des affaires dans l’univers de la franchise, Vin Diesel vampirise désormais l’écran et, également producteur, fait tourner toute la saga autour de lui, ajoutant volontiers des récits dramatiques censés le rendre plus complexe et plus attachant. Vin Diesel ne semble pourtant pas se rendre compte qu’il a la même capacité de jeu que les Dodge qu’il conduit et trimballe son marcel et son crâne chauve avec un sérieux papal dans des films qui ont depuis longtemps dépassé toutes les sphères de la vraisemblance.

Après un huitième film qui se prenait beaucoup trop au sérieux, Fast and Furious 9 introduit ici un peu plus de plaisir régressif en marquant le retour de Justin Lin à la réalisation. En résulte des séquences d’action aussi invraisemblables qu’elles sont funs, celles-ci étant l’un des gros points positifs de cette saga qui n’a jamais prétendue être subtile. Une fois encore, l’intrigue tourne autour de Dom et de sa sacro-sainte famille. Alors que Dom et son équipe récupèrent un artefact dans un avion s’étant écrasé, Jakob Toretto, son petit frère disparu depuis longtemps à la suite de la mort de leur père, fait son apparition et s’impose comme le rival de cet épisode. Si John Cena impose un charisme indéniable dans la peau du personnage (avec beaucoup plus de conviction que Vin Diesel), difficile de réellement s’attacher aux enjeux du récit et de le considérer comme une menace tant la saga fait régulièrement un point d’honneur à transformer les antagonistes d’un film en alliés pour le film suivant. Connaissant l’amour de Dom pour le concept de la famille, le spectateur habitué de la franchise n’a plus qu’à attendre que le parcours de rédemption trouve sa place entre deux courses-poursuites et explosions de voitures.

Privé d’un réel méchant, Fast and Furious 9 n’en surprend pas moins quand il creuse en flash-back la relation entre Dom et Jakob. Incarnés avec une force indéniable par Vinnie Bennett et Finn Cole (vu dans Peaky Blinders), Dom et Jakob jeunes apportent, en l’espace de quelques scènes (travaillées avec une belle allure) une profondeur bienvenue dans le scénario, creusant de façon crédible les rapports entre les deux frères. Hélas le récit retombe vite dans ses travers, multipliant les rebondissements dignes d’un soap-opera (mourir n’a finalement guère d’importance dans cette saga tant on y revient facilement à la vie) et s’organisant autour d’un Dom tâchant de s’imposer en figure christique, prêt à tout sacrifier pour sauver ceux qu’il aime.

Au milieu de cet immense foutoir scénaristique où les incohérences s’enchaînent à un niveau stratosphérique quitte à multiplier les apparitions inutiles, les scénaristes semblent s’être amusés à donner à Roman Pearce (Tyrese Gibson) la même lucidité qu’aux spectateurs. Régulièrement dans le film, Pearce s’interroge sur les invraisemblances de leurs aventures et leur étrange capacité à ne pas se faire tuer alors qu’ils multiplient les cascades mortelles. La réflexion méta n’est pas poussée plus loin mais il est intéressant de constater que les scénaristes ont pris conscience qu’ils ont désormais repoussé toutes les limites et ont clairement passé un cap duquel il sera difficile de revenir. S’aventurant ouvertement sur le terrain de l’espionnage high-tech avec des gros moyens (improbable quand on revoit le premier film), Fast and Furious est désormais un mastodonte semblant même dépasser ses propres créateurs sauf Vin Diesel qui met toujours autant de cœur (et de ridicule) à jouer sa partition avec un premier degré confinant à l’hilarité. Qu’importe au final, la mission (celle de divertir en reposant le cerveau) est accomplie même si la machine est boursouflée et clairement bien plus drôle qu’elle ne le voudrait. Avec la saga, il serait exagéré d’en demander plus.

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