Désigné Coupable : Condamné avant d’être jugé

Dans la guerre contre le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre, un mauritanien, accusé d’être impliqué dans son organisation, est illégitimement détenu au camp de Guantanamo, du 4 août 2002 au 17 octobre 2016. Voici son histoire. Mohamedou Ould Slahi n’est pas une personne à qui l’on peut envier le sort. Malheureusement connu internationalement, le film base son histoire sur les mémoires de ce prisonnier, Guantanamo Diary (Les Carnets de Guantanamo). C’est le réalisateur écossais Kevin McDonald qui s’en charge, connu notamment pour le film Le Dernier Roi d’Écosse, mais aussi pour ses documentaires Un jour de Septembre et La Mort Suspendue. Ayant une conséquente carrière dans le documentaire, Kevin McDonald semble alors plus que légitime pour relater cette histoire très controversée d’un abus politique inhumain et immorale.

Alors que les attentats du 11 septembre ont choqué le monde et anéanti psychologiquement les États-Unis, dans la lutte contre le terrorisme, un nom surgit, Mohamedou Ould Slahi. Accusé d’être impliqué dans l’organisation des attentats par son rapprochement familial avec un certain membre du groupe insurrectionnel Al-Qaïda. Un groupe duquel il s’est pourtant détaché rapidement avant qu’il gagne en popularité dans les années 90′. Après quelques déboires avec la justice dont il ressort innocenté, son pays natal, la Mauritanie, décide de le remettre à la justice américaine. Soupçonné de nouveau pour ses affiliations avec des membres condamnés pour terrorisme ou organisation terroriste. Il est remis à la Jordanie, qui après plusieurs mois d’enquête et d’interrogatoire, l’innocente de nouveau, avant d’être de nouveau inculpé par les États-Unis qui récupèrent des aveux sous torture d’un membre d’Al-Qaïda, prétendant qu’il était aux commandes d’une partie du plan des attentats. Après des années de torture et d’interrogatoire, validées par le secrétaire à la défense, le juge James Robertson accède à la demande d’habeas corpus du prisonnier. Un amendement fondamentale permettant à tout prisonnier de connaître les raisons de son accusation et de ne pas être emprisonné sans jugement. Il est libéré en 2010 avant que l’administration Obama ne fasse appel et le garde en prison 6 années de plus.

Cela fait de nombreuses années maintenant que le monde sait à quel point la justice américaine a été dure, violente, ultra répressive et immonde envers les accusés et détenus de terrorisme. On en avait eu une vision assez triste à travers les yeux de Kathryn Bigelow dans son film Zero Dark Thirty. Les successions d’une politique Bush qui ne souhaitait définitivement pas négocier avec les terroristes. Au point qu’on leur retire tout droit fondamental humain. Il est assez consternant de voir à quel point la justice américaine, sous couvert de politique antiterroriste ultra répressive, fait fi de tous ses principes fondamentaux du droit humain. Alors qu’on pensait à l’époque ces agissements nés d’une politique Bush conservatrice, la politique Obama, dont il a reçu un prix Nobel de la paix, démontre qu’elle n’était pas aussi gentille/lisse et encore moins innocente. On oscille entre obstruction au bon accès aux informations et délit d’entrave envers les représentants de la loi. Une véritable démonstration de dictature de la part d’un pays qui a pourtant donné beaucoup d’efforts en vain pour prouver la culpabilité d’un seul homme. Désigné Coupable nous montre une Amérique dont la justice ne défend que ses propres intérêts. Et préfère mettre en avant une justice où « est coupable qui n’arrive pas à prouver son innocence » plutôt que « est innocent qui n’arrive pas à prouver qu’il est coupable ». Une belle marque de respect que de rendre hommage, par ce film, à cette victime, Mohamedou Ould Slahi, ayant perdu un tiers de sa vie en torture. Un autre homme que l’on aurait aimé voir derrière la caméra est indéniablement Clint Eastwood dont le point de vue nous aurait régalé.

Dramaturgiquement parlant, le film est impeccable. Très fort, très propre et visuellement sans erreur. Seulement la narration est assez attendue. Même sans connaître l’histoire de ce prisonnier, on s’attend assez évidemment à la suite des rebondissements. On se doute vite du procédé mis en place et des résultats obtenus. Le jeu d’acteur est minutieux, Jodie Foster et Tahar Rahim mènent littéralement le rythme de la production. Les dialogues manquent toutefois de profondeur par instants, un tantinet trop hollywoodien dans les enjeux et les révélations. Cela donne un sentiment incomplet au long-métrage comme s’il manquait d’un liant entre tous les acteurs majeurs de ce scénario pour permettre de crédibiliser véritablement les enjeux perpétuels.
Ce qui décuple le sentiment du film est surtout l’horreur de cette histoire choquante. Un simple récit suffit déjà à nous mettre en émoi tant la dramaturgie est intense. Étonnement, c’est Benedict Cumberbatch qui convainc le moins ici. Lui que l’on peut retrouver actuellement en salle dans Un Espion Ordinaire pour quelques enjeux similaires. Son personnage incarne malgré lui quelques penchants revanchards mal placés qui ne trouvent pas tout à fait leur place dans cette histoire. Contrairement à Jodie Foster qui s’impose avec force et emmène Shailene Woodley dans son sillage. Ce duo d’actrice fonctionne et se complète à merveille. Deux archétypes éloignés de caractères qui apportent leurs talents et leurs forces de conviction. Une véritable coopération qui dicte la narration avec beaucoup de limpidité.

Désigné Coupable raconte donc une histoire tragique avec beaucoup de précision et de profondeur. De manière parfois trop prévisible, trop attendue. L’émoi est tout de même perceptible et intense. Une production à la fois osée et maîtrisée dans sa globalité. Une belle découverte qui rend hommage au courage et à la force de caractère de ce mauritanien qui a tenté autant que faire se peut de fuir les problèmes. 

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