After Dark, My Sweet : La mort viendra bien assez tôt

Après avoir édité Comme un chien enragé en 2019, Carlotta Films continue son travail sur les débuts de James Foley, cinéaste très intéressant dans les années 80 et 90 dont les dernières réalisations en date (Cinquante nuances plus sombres et Cinquante nuances plus claires) sont loin de traduire le talent qu’il avait et qu’il a désormais bradé à Hollywood puisqu’il faut bien payer ses impôts. De l’aveu même de Foley, After Dark, My Sweet, adaptation d’un roman du génial Jim Thompson (paru chez nous sous le titre La Mort viendra, petite) est le film qui lui ressemble le plus, phrase lourde de sens quand on voit combien le résultat final est d’un ton résolument désespéré, fidèle à l’univers noir de Thompson où les personnages sont des être brisés courant à leur perte généralement en toute connaissance de cause, comme attirés par leur destin tragique par une force qui leur est supérieure…

Sous le soleil californien, Kevin Collins, ancien boxeur évadé d’un hôpital psychiatrique fait la rencontre de la belle Fay. Celle-ci, veuve noyant son chagrin et son existence dans l’alcool propose à Collins de rester chez elle pour lui tenir compagnie et faire quelques menus travaux. Mais très vite, Bud, ex-policier corrompu propose à Collins un mauvais coup : l’enlèvement d’un gosse de riches qui pourrait leur apporter la fortune. Collins a beau sentir le coup fourré, il accepte, décidé à ne pas se laisser manipuler…

On reconnaît au synopsis une histoire comme Thompson les affectionnait particulièrement où les personnages suintant le romantisme et le désespoir n’ont généralement pas d’autre choix que de se laisser aller au destin qui les attend, avec une lucidité particulièrement étonnante. Collins le répète plusieurs fois dans le film : il a beau avoir l’air idiot, il est loin de l’être et sa voix-off est là pour l’affirmer. Il a certes des troubles psychiatriques mais il voit bien plus clair dans cette vie que les personnages l’entourant, Fay et Bud ayant tendance à se mentir à eux-mêmes pour mieux supporter une existence solitaire et vide de sens. Ce kidnapping, dernière possibilité pour les personnages à s’enrichir et effectuer un nouveau départ, a beau sentir mauvais dès le début, il n’en constitue pas moins une opportunité, chose rare dans ce coin désertique et par conséquent, il serait presque dommage de ne pas passer à l’acte.

James Foley qui a très vite été attiré par le projet tire le meilleur parti de ce récit noir et désespéré. D’une part, l’écriture est ciselée, bénéficiant d’un sens du dialogue subtil, chaque séquence confrontant les personnages étant bourrée de tension et de non-dits, l’amour et la trahison ne cessant de se chevaucher entre Collins et Fay. D’autre part, en situant l’action dans des endroits ensoleillés, Foley ne fait qu’accentuer la détresse émotionnelle de ses personnages et souligne l’écart ironique entre le beau temps permanent et le destin de ses anti-héros qui ne parviendront pas à se faire une place au soleil dans un endroit où il n’en manque pourtant pas.

Retranscrivant parfaitement à l’écran la moiteur enfiévrée des écrits de Thompson (écrivain, qui rappelons-le, a été adapté plusieurs fois de façon fabuleuse – Guet-apens, Série noire et Coup de torchon étant là pour le prouver), After Dark, My Sweet est presque une déclaration d’amour à l’auteur tant Foley marque le film d’une empreinte romantique désabusée. Il faut souligner l’interprétation à fleur de peau de Jason Patric dans le rôle principal, offrant une palette de nuances à un rôle difficile qui aurait pu vite sombrer dans la caricature. Avec cette intensité qui lui est si particulière, Patric rend son personnage attachant jusque dans ses errements et vient nous faire regretter qu’il n’ait pas mené la carrière qu’il méritait, son dernier grand rôle remontant au Narc de Joe Carnahan en 2002. Face à lui, Rachel Ward, actrice rare mais formidable, vient donner une belle épaisseur à Fay, loin d’être la femme fatale caricaturale du genre tandis que Bruce Dern se montre forcément irrésistible en malfaiteur roublard, menteur et pas si féroce qu’il veut bien le faire croire. Un trio de talent dans un film néo-noir à redécouvrir d’urgence vous l’aurez compris et l’on peut remercier une fois de plus Carlotta pour la fabuleuse découverte.

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