Sator : Soyez tous maudits !

On n’arrête plus les hurluberlus de chez Shadowz dans leur conquête de pépites méconnues. Si nous émettions un avis assez positif (malgré de grosses réserves) concernant Caveat la semaine dernière, nous continuons d’explorer les nouvelles exclus sur la plate-forme. Et dans le genre production indépendante menée avec force et conviction, Sator se pose d’emblée comme un sérieux concurrent. Jordan Graham l’a écrit, produit et réalisé, le tout en lui consacrant sept années de sa vie. Sator est un film terriblement personnel, profondément torturé et qui transpire l’acharnement de son auteur à vouloir creuser toute la noirceur qui traîne au fond de lui. Sator est un film qui laissera pantois plus d’un spectateur. Une œuvre aussi rattachée à son auteur laisse supposer un investissement total de la part du public qui la reçoit. Pas sûr qu’un néophyte y soit spécifiquement réceptif, mais une telle proposition mérite un vif intérêt mine de rien. Nul doute que cette nouvelle séance Shadowz nous aura donné du fil à retordre. Difficile de mettre des mots sur une œuvre aussi complexe que Sator. Shadowz prouve encore ses envies de catalogue varié où l’éclectisme des genres est plus que mis à l’honneur ici.

Isolée dans une forêt désolée, une famille brisée est observée par le Sator, une entité surnaturelle qui tente de les réclamer.
À mi-chemin entre Le Projet Blair Witch, The Lords of Salem, The Witch et Hérédité, Sator ajoute sa pierre à l’édifice du film satanique avec un panache déroutant. Déroutant d’abord par son fond. Si le résumé du film tient sur un mouchoir de poche, c’est sans compter sur l’exigence du récit. En effet, nous suivrons perpétuellement le personnage d’Adam, dont on ne saura jamais vraiment garantir les liens avec le reste de la famille qui apparaît à l’écran. Adam vit reclus dans une cabane isolée au milieu des bois, loin des autres membres de sa famille. Il chasse le cerf, accompagné de son chien et occupe ses soirées à écouter des récits enregistrés sur le mythe du Sator. Plutôt terre à terre, il essaie de se convaincre que l’entité n’est qu’une fable et que le mal qui touche sa famille est d’un ordre psycho-pathologique. Du moins, en théorie, c’est ce que nous avons à peu près compris du film. En effet, Sator déroule son récit sur diverses temporalités. On ne saura jamais à quel moment le présent rencontre le passé et le futur. Jordan Graham sème la confusion et plonge le spectateur au cœur d’un chaos absolument terrifiant. Si, d’aventure, vous arriviez à bien identifier qui est qui, ce sera déjà un très grand pas. Sator est un film qui ne prend jamais son spectateur par la main. Nous sommes lâchés au milieu de la nature hostile et le but du jeu est de pouvoir échapper aux griffes du Sator.

D’un autre côté, le film déroute par sa forme. Sator change le ratio de son cadre, joue avec des contrastes dans une lumière naturelle folle qu’il fait s’affronter avec des noirs et blancs sublimes. Si le fond demeure le plus déroutant, il faudra vraiment se rattacher à la forme pour tenter d’y voir plus clair. Jordan Graham réfléchit ses cadres avec une précision millimétrée. Il laisse le temps à ses plans de vivre, instaurant un climat oppressant à chaque séquence. Ajouté au travail sur les ambiances sonores volontairement austères, Sator peut se targuer de foutre réellement les pétoches. Ce qui provoque l’effroi réside en sa capacité à laisser vivre les scènes. Jordan Graham étire le temps, il triture les méninges et les estomacs, il nous oblige à scruter les moindres recoins de ses images. Exit les jump-scares bon marchés, Graham renoue avec l’essence même de ce qui fait un vrai film d’épouvante : un univers à l’identité bien marquée qui attrape son spectateur par les tripes. Pour sûr qu’il y a de sacrés sueurs froides qui vous attendent si vous êtes réceptifs à la proposition. Jordan Graham prouve qu’il a de la ressource pour devenir un futur grand nom de l’horreur indé. D’autant, de ses propres aveux, Graham vend son film comme une vitrine de ce dont il est capable de faire. Quand on vous dit qu’il porte le projet à lui tout seul, ce n’est pas un euphémisme. Non seulement, il tourne son film au sein de la demeure de sa grand-mère. Grand-mère qui joue ici son propre rôle et qui aurait réellement conclut un pacte avec le Sator, ce qui lui aurait valut un séjour en hôpital psychiatrique. Graham s’est inspiré du vécu de sa grand-mère pour retranscrire l’ambiance mystique et terrifiante qui planait au sein de sa famille à l’époque. Voilà pourquoi Sator demeure également difficile à décoder, c’est vraiment très propre à l’histoire personnelle de son auteur. Mais aussi, Graham s’est chargé de toute la post-production seul. Il s’est, notamment, entiché du mixage de son film seul en apprenant le métier sur le tas. À la vue du résultat final et des immenses qualités susmentionnées concernant le son, on peut se permettre de crier au prodige. Sator est un immense CV pour Graham, et vu la qualité du projet, on se répète, il y a vraiment de quoi en tirer une future carrière surprenante. Reste à confirmer qu’il n’aura pas eu la chance du débutant et qu’il sera capable de déléguer sur une future production.

Vous l’aurez compris, Sator est un film atypique. Jordan Graham lui aura voué sept années de sa vie pour en arriver à un résultat techniquement impeccable, mais dont le fond beaucoup trop décousu peut perdre le plus inattentif des spectateurs. En revanche, il serait pure folie de passer à côté de cette proposition radicale, Sator est un film comme on n’en voit que très rarement. Une sérieuse pépite au milieu du catalogue qualitatif de Shadowz qui n’a, décidément, pas volé son statut de « première plate-forme de screaming » !

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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