Présidents : Toute ressemblance est fortuite

Alors que la cote de popularité de Macron est au plus bas et qu’il enchaîne les polémiques, voilà qu’un projet atypique et néanmoins génialissime voit le jour. Un film sur notre vie politique présidentielle, mettant en scène nos deux bons vieux copains de la présidence française, Nicolas Sarkozy et François Hollande réalisé avec maîtrise par la réalisatrice de Coco avant Chanel, Anne Fontaine. Mettant un terme (temporaire on l’espère) à son long cycle de films consacrés aux héroïnes, la réalisatrice, qui était déjà passé l’année dernière par la case Police, s’attaque aujourd’hui à nos dirigeants. Un sujet polémique qui démontre, par sa seule existence, que la politique en France est au cœur de notre débat national.

Présidents est une comédie bien ficelée mettant en scène les illustres acteurs Jean Dujardin dans le rôle de Nicolas Sarkozy et Grégory Gadebois dans le rôle de François Hollande. Nicolas n’en peut plus de son retrait de la vie politique, ce qui n’est d’ailleurs pas une fiction, et prévoit de se représenter aux futures élections, voyant la côte de popularité de Macron diminuer jour après jour. Seulement, il ne peut réussir seul, il lui faut un allié. C’est là que François intervient, son grand rival de 2012 deviendra son allié de 2022 contre un ennemi commun. Il entreprend donc une alliance entre ces deux partis opposés pour conquérir les votes des français.

En voilà une comédie plaisante à voir avec un humour convaincant. Il faut dire que le matériau de base était propice. Comment rendre plus drôles des personnages qui l’étaient déjà à ce point à leur insu ? Entre l’incapacité totale de François de faire une phrase grammaticalement correcte en anglais et le petit excité qui sortait des phrases dont seul lui avait le secret, il faut bien admettre qu’il y avait matière à se moquer. Et les autres pays ne s’en sont pas gênés. Partant de là, difficile de savoir si le film est drôle à cause de ses protagonistes naturels ou grâce à son écriture.

Peut-être un peu les deux. Même si les personnages sont marrants avant même de les voir, ce ne sont pas eux qui jouent dans le film. Ils sont interprétés par des acteurs plus que convaincants. Jean Dujardin dans la peau de Sarkozy, c’est d’un bluffant presque glaçant. C’est impressionnant de voir à quel point il tient le personnage en lui et le crédibilise. Son naturel revient toujours à quelques instants, la pointe Dujardin s’avère récalcitrante, mais son interprétation force le respect. Physiquement, oralement, gestuellement, tout y est du petit Nicolas. Grégory Gadebois quant à lui se meut plus difficilement dans la peau du président socialiste. On le sent beaucoup moins habité au début, mais l’alchimie prend vite. Les différences physiques sont plus remarquables, la voix diffère également et la manière de se tenir ne saute pas aux yeux par rapport à la véritable personnalité politique. Cependant l’investissement de l’acteur réussit à vite rendre l’imitation crédible. En fait, la complicité et l’opposition entre les deux devient tellement fort et habité que la supercherie fonctionne à merveille. Mais nous sommes dans un film d’Anne Fontaine. Ne pensez pas que les présidents sont les seuls à jouer un rôle. Leurs femmes font force d’une telle présence qu’elles oblitèrent complètement la lumière qui règne sur leurs maris. On connaissait Pascale Arbillot dans des rôles plus en retrait, malgré son grand talent perceptible notamment dans Parlez-moi de la pluie ou Une Pure Affaire, mais il faut dire qu’Anne Fontaine réussit à l’illuminer dans ce film ne serait-ce qu’au travers d’une seule scène. Alors que les yeux sont rivés sur le discours des présidents durant leur meeting, une simple question des journalistes suffit à lui offrir l’opportunité de mettre en avant ses talents d’actrice. Il en va de même pour Doria Tillier, avec sa carrière plus jeune parvient à sublimer ses interventions. Une manière absolument magistrale de dire que derrière tout homme, il y a une femme, et surtout de remettre en question bien comme il faut la surprésence médiatique de nos dirigeants, qui ont parfois moins de choses intéressantes à dire que leur compagne.

Si les personnages fonctionnent admirablement bien, c’est dû à une écriture rigoureuse. Les ressemblances sont saisissantes car les caractères sont basés sur des faits réels, des mimiques observables, des tempéraments déjà connus. Par conséquent, toutes les propositions fictives font mouches car bien adaptées, parfaitement réfléchies et en plus de cela, relativement bien dosées. Entre les prises de paroles publiques, les petits coups fourrés en douce et les sorties sportives, on a vraiment l’impression de suivre nos deux anciens présidents au milieu d’une émission de téléréalité à la con. Le seul véritable bémol quand un sujet aussi délicieux nous ai servi sur un plateau, c’est son manque de profondeur. Quand on sait Nicolas Sarkozy au bord d’une lourde condamnation, on regrette un peu que le film soit aussi faiblement dissident. Par moment l’histoire reste trop en surface des casseroles de nos deux compatriotes et les abandonne presque dans une gentillesse rédemptrice partiellement malvenue si on entre véritablement sur le terrain de la politique. Après tout ce qu’ils ont fait de moralement questionnable durant leur mandat respectif, on espérait voir un peu plus qu’une scène avec Jean-Michel Lahmi et une autre avec Cyril Couton pour enterrer leur dignité. Mais cela reste une comédie, l’intention du film était certainement autre.

Il en résulte une comédie franche et sans équivoque. Malgré un humour parfois un peu léger, il reste simple et honnête ce qui en fait une comédie agréable et rafraîchissante. La barrière de l’adaptation des personnages tombe vite grâce aux talents des acteurs et à la force d’écriture. On se prend si facilement au jeu qu’on finit par croire que l’on regarde un documentaire et non une totale fiction. Pour une fois que nos présidents sont représentés sur grand écran comme des sérieuses têtes de turque, on ne va pas rechigner à la satisfaction que cela nous procure. 

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