Every Breath You Take : Mortel Transfert

Figure indé-tendance, sublime outsider du cinéma américain, frère cadet de Ben et poto loyal de Matt Damon, Casey Affleck hante les productions cinématographiques US de sa présence discrète mais certaine : capable d’accoucher de quelques-unes des réussites majeures de ces vingt dernières années (le sublime Gerry de Gus Van Sant, L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford…) tout en se faisant la main sur des projets beaucoup plus anecdotiques (le très décevant The Killer Inside Me, par exemple…) l’acteur américain séduit souvent de sa beauté frêle un rien androgyne et de sa voix brisée, plaintive, comme presque au bord des larmes… Sans doute moins lisse, plus coloré et plus diversifié que son frère aîné dans ses choix artistiques, Casey Affleck demeure une des cinégénies les plus saisissantes du Cinéma du XXIème Siècle, mélange étonnant de vulnérabilité et de veulerie indéchiffrable… Quelle belle surprise de le revoir dès le 4 juin 2021 dans le rôle principal du très classique (mais très réussi) Every Breath You Take de Vaughn Stein, thriller psychologique pur et dur au cœur duquel il prête ses traits à Philip, un psychiatre à la quarantaine bien sonnée doublé d’un père de famille à priori sans histoires qui va volontairement déroger à la règle déontologique consistant à ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle… S’ensuivra, dès le premier quart d’heure du métrage, le suicide de l’une de ses patientes au passif familial particulièrement chargé puis la quête vengeresse du frère de ladite victime (extraordinaire Sam Claflin aux faux airs de Matt Dillon, jouant ici un personnage pour le moins menaçant…) : ce qui commençait comme une quelconque intrigue familiale dans la veine très classique d’un certain cinéma indépendant va peu à peu se muer en un suspense anxiogène et destructeur de haute volée, jouant des erreurs des uns et de la perversité des autres avec une redoutable efficacité.

Difficile de parler de Every Breath You Take sans en déflorer les mystères et les puissants rebondissements en formant l’intérêt premier. Si la réalisation s’en tient à des ficelles et à des effets de manche sans dépassement majeur, l’interprétation globale tient du petit miracle : Casey Affleck et Sam Claflin forcément, mais également la jeune India Eisley impeccable en adolescente torturée, rebelle et manipulée. Malgré une ampleur moindre que celles de certains chefs-d’œuvre du genre (le remake des Nerfs à Vif de Martin Scorsese revient beaucoup à l’esprit au regard de certaines scènes et situations, notamment dans sa dimension tendancieuse et dans la quête revancharde du personnage de James incarné par Sam Claflin…) Every Breath You Take parvient à captiver et à fasciner sur la longueur, le registre adopté et l’atmosphère retranscrite l’emportant sur le canevas traditionnel du métrage. En outre la lumière feutrée, hivernale des images participe à transmettre un malaise insidieux aux spectateur, à l’image d’un récit qui – s’il ne démarre pas véritablement sur les chapeaux de roues – va crescendo dans sa portée inquiétante et angoissante. On notera entre autres choses une remarquable scène de poursuite en voitures lors du troisième acte du film de Vaughn Stein, arrivant à point nommé dans un film jouant de ses ambiguïtés psychologiques permanentes…

En explorant la (les) culpabilité(s) de son (ses) personnage(s), Every Breath You Take redéfinit la morale et ses limites, semblant opposer le manque d’intégrité initial du personnage de Philip aux agissements terribles du frère de la victime des premières minutes. Le réalisateur n’épargne ni notre anti-héros fautif ni son antagoniste, signant un thriller malsain mais définitivement efficace, proche du face-à-face ou de la chasse à l’homme mentale, un tantinet introspectif soit, mais résolument qualitatif. Une réussite.

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