Édito – Semaine 22

On en parle suffisamment dans cet édito de façon régulière, l’arrivée de la SVOD, majoritairement représentée par Netflix, Amazon Prime Video et Disney+ a bouleversé de nombreuses habitudes et combinée au Covid, voilà que, plus que jamais, la question de la chronologie des médias se pose. En France, cela fait un moment qu’elle est désuète et que l’on trouve les délais d’attente trop longs entre la sortie d’un film en salles et sa diffusion à la télévision. Aux États-Unis, ils n’ont pas ce problème puisque Warner a pu sortir plusieurs films de son catalogue en simultané, à la fois au cinéma et sur leur plate-forme HBO Max, chose impensable chez nous. Mais alors que les plates-formes devraient prochainement être autorisées à diffuser les films en France douze mois après leur sortie, voilà que Canal+ s’insurge. La chaîne, bien qu’en déclin depuis quelques années, reste une source de financement majeure du cinéma français et selon elle, cette décision pourrait vite tourner à la catastrophe. Elle réclame donc le droit de diffuser les films sortis en salles trois à quatre mois après leur sortie pour conserver son hégémonie face aux plates-formes. Sans quoi, la chaîne ne verrait plus d’intérêt à investir autant dans le cinéma puisqu’elle n’en tirerait pas grand profit…

Voilà encore un joli sac de nœuds à démêler, cœur d’une réelle problématique. À moins de pousser Netflix et consorts à investir plus largement dans le cinéma français, on voit effectivement mal comment des productions pourraient se faire en aussi grand nombre si Canal+ lâchait l’affaire. Ce conflit entre cinéma, chaînes télévisées et SVOD devrait pouvoir parvenir à un terrain d’entente, un équilibre pour maintenir l’exception culturelle française, qui nous permet tout de même de produire de nombreux films par an (même si on continue à sortir beaucoup trop de comédies navrantes mais ceci est une autre histoire…). Cela serait même indispensable pour que chacun y trouve son compte. Quand la télévision est apparue dans les foyers, tout le monde pensait qu’elle signerait la mort du cinéma. Les deux ont au contraire trouvé un beau moyen de coexister. Il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas avec l’arrivée de la SVOD surtout que les chiffres de la semaine qui vient de se dérouler prouvent bien que l’appétit pour le cinéma est toujours aussi féroce chez nous et que ce n’est pas parce que nous avons passé près d’un an en compagnie de Netflix et de Disney+ que nous avons oublié les salles.

Il faudra donc se poser et réfléchir à une solution pour que tout le monde soit heureux, pas seulement les gros groupes brassant du pognon (on est encore ébahis de savoir qu’Amazon a officiellement racheté la MGM pour 8.45 milliards de dollars) mais surtout les spectateurs à qui l’on ne doit retirer aucun moyen de voir un film. Nous ne sommes pas extrémistes au point de vouloir fusiller une personne préférant attendre qu’un film soit diffusé sur une plate-forme ou à la télévision plutôt que d’aller le découvrir en salles. Chacun doit y trouver son compte mais l’on doit surtout rendre les films plus accessibles, notamment dans les cinémas de province pour que les cinéphiles puissent découvrir ce dont ils ont envie. Il y a du travail donc et cela risque d’être chaotique mais il n’est pas insurmontable et il est surtout au service d’une cause plus grande que nous : le cinéma, qui mérite mieux que d’être traité comme une façon de gagner du fric, lui qui nous a tant appris.

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