Nobody : Oh les méchants russes !!

Un film de baston avec Bob Odenkirk…voilà le seul et unique argument qui vend Nobody. Les fans de Breaking Bad (et Better Call Saul) se sentaient pousser des ailes depuis l’annonce du projet. Personnage haut en couleur de la série désormais culte, Saul Goodman est probablement l’un des anti-héros le plus apprécié de la sphère télévisuelle (pour ne pas dire le meilleur tout court). Porté par un acteur en plein état de grâce, Bob Odenkirk a littéralement explosé avec ce rôle. Il est resté dans les parages télévisuels à la fin de Breaking Bad en 2013 (il est toujours très impliqué dans l’univers créé par Vince Gilligan), on l’a vu, notamment, passer une tête dans la première saison de Fargo. Au cinéma, il était plus discret, bien qu’actif depuis le début des années 90. Il est apparu dernièrement chez James Franco dans l’excellent The Disaster Artist ou encore chez Steven Spielberg pour Pentagon Papers. Seulement, depuis que le monde connaît son énorme potentiel, personne n’avait encore osé capitaliser entièrement sur son nom en lui offrant un vrai premier rôle au cinéma. Ce sera donc pour Nobody, le second film réalisé par Ilia Naïchouller (qui était à l’origine de l’infecte Hardcore Henry en 2015) et écrit par Derek Kolstad (le scénariste de la trilogie John Wick).

Hutch Mansell est un homme apparemment banal et père de famille sans histoires. Il souffre d’un trouble de stress post-traumatique, accumule tout un tas de frustrations et ne se sent pas considéré par les siens. Une nuit, des cambrioleurs s’introduisent à son domicile. Plutôt que de s’interposer, Hutch décide de ne pas intervenir. Cette décision lâche l’éloigne définitivement de son fils Blake et de sa femme Becca. Mais le cambriolage va aussi réveiller des instincts primaires et des compétences violentes qu’il croyait avoir oubliés. Il va alors se lancer dans une quête sanglante de vengeance pour s’assurer que plus personne ne le traite comme un moins que rien.

Bob Odenkirk qui pète des bouches…et c’est tout ! Nobody est un film d’action bas du front qui met en lumière des compétences insoupçonnées chez notre acteur vedette. Pour les fans des John Wick, il n’y aura vraiment rien de neuf à se mettre sous la dent. Le script de Kolstad reprend exactement les mêmes thématiques pour les mettre à la sauce retraité. Non pas que Bob Odenkirk soit un vieillard impotent, au contraire, il sait s’impliquer dans les castagnes avec panache. Seulement, Nobody ressemble à un ersatz de Red…avec nettement plus de qualités. En effet, Red avait vocation à capitaliser uniquement sur son casting prestigieux pour ne jamais rien en faire d’intéressant. Nobody ressert son petit lot de vedettes autour d’un seul héros et lui brode des seconds couteaux merveilleux (Christopher Lloyd est impérial) qui s’offrent un dernier tour de montagnes russes dans une éclate jouissive et communicative. Oui, Nobody est sacrément bas du front…mais qu’est-ce que c’est fun ! Pourtant, beaucoup de choses ne vont pas. A commencer par la réalisation de Naïchouller. Le début du film ne laisse rien présager de bon. Le réalisateur russe nous ressert ses artifices clipesques ultra cutés pour symboliser la routine morose de son héros. Si ça fonctionne une première fois, pas besoin de nous le servir 4 ou 5 fois d’affilées. On frôle le trop-plein (et pourtant, on pensait avoir eu le pire avec Hardcore Henry en terme de nauséeux). Comme quoi, difficile de se sortir d’un moule dans lequel on a baigné si longtemps. Pourtant, Naïchouller, dès lors qu’il décide de taper dans le dur, sait poser ses cadres. La première séquence de baston dans le bus est une vraie réussite. On nous sert clairement ce pour quoi nous sommes venus : voir Bob Odenkirk casser des dents ! Et on prend le temps de bien nous découper les chorégraphies, c’est plutôt bien monté par moment.

Autre immense faiblesse du film, son scénario incongru. Il y a bien trop de zone d’ombres, trop d’éléments qui ne sont pas exploités. Trop de questions restent en suspens. Kolstad pouvait se cacher derrière la réalisation de haute volée de Leitch et Stahelski pour John Wick, seulement il n’a pas le même type de pointure ici et toutes ses faiblesses scénaristiques en paient le prix. Il faut lui reconnaître l’art de savoir magnifier son héros. En ce sens, il offre un très beau rôle de composition pour Odenkirk qui joue à la fois toutes les facettes qu’on connaissait de lui via Breaking Bad, la castagne en plus. Seulement, tous les autres personnages sont insipides. Ce sont de vraies coquilles vides. Il ne reste que le talent des acteurs pour essayer de donner un semblant d’âme à leur rôle. Les plus talentueux y arrivent (Christopher Lloyd), là où d’autres pédalent douloureusement dans la semoule (Connie Nielsen). Et ne parlons même pas du grand vilain campé par un Alexeï Serebriakov proche de l’AVC, il est d’une indigence à toute épreuve. Et pourtant…pourtant… Nobody est un film jubilatoire. On nous sert 90 minutes de n’importe quoi où on zigouille de la mafia russe aussi aisément qu’on s’assoit sur le trône pour en lâcher une bien grosse. C’est d’une vulgarité à toute épreuve. Un pur film de sale gosse qui se permet même de singer Maman, J’ai Raté l’Avion dans un final gore à souhait. Il y a Christopher Lloyd avec un fusil à pompe ! Que voulez-vous qu’on vous dise de plus ? On nous a clairement pris par les sentiments.

Vous l’aurez compris, Nobody est un film qui n’est pas exempt de défauts, loin de là. Seulement, on voulait voir Bob Odenkirk casser des gueules, on a eu Bob Ondenkirk qui casse des gueules. Ni plus, ni moins. Pour la finesse, il est définitivement acté que c’est un mot qui n’existe pas dans le vocabulaire d’Ilia Naïchouller, mais tant que ça ne frôle pas la crise d’épilepsie à la Hardcore Henry, nous en serons les premiers à en redemander. C’est crétin, c’est mal écrit, mais c’est violent, fun et décomplexé…le genre de film qu’il nous fallait pour exhumer la crise sanitaire et nous faire revenir en salle.

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