Sans Aucun Remords : Une poupée russe dans une poupée russe…

Est-ce que Michael B. Jordan est en passe de devenir la nouvelle icône du cinéma d’action ? Voilà une question qui taraude depuis son explosion en 2015 pour le rôle d’Adonis Creed dans le film de Ryan Coogler qui offrait un sublime héritage à la saga Rocky. Bien évidemment, depuis le début des années 2000, B. Jordan était déjà bien présent. Une présence parfois minime (Hardball) quand elle n’était pas entachée par un échec cuisant au box-office (Les Quatre Fantastiques de Josh Trank). Mais il faudra se tourner du côté du cinéma indépendant américain où Ryan Coogler lui offrira un rôle en or massif en 2013 pour un film qui mériterait d’être nettement plus reconnu, Fruitvale Station. C’est véritablement cette année-là que Michael B. Jordan a tout prouvé selon nous. Il y interprète un rôle qui lui permet de couvrir une large palette de jeu. Et si, sous la houlette de Coogler, il est capable du meilleur, il est fort dommage de constater que la plupart des autres réalisateurs ne lui permettent pas de s’émanciper à sa juste valeur. Non pas qu’il soit moins convaincant chez les autres, seulement on s’évertue à l’enfermer dans des rôles énervés où on lui demande de froncer les sourcils plus que de raison, et rien d’autre. Il va sans dire qu’avec un film comme Sans Aucun Remords, on ne s’attendait pas forcément à un rôle complexe à jouer en terme de nuances expressives. Le film d’action semble lui convenir, et on ne va pas bouder notre plaisir pour un rôle où l’on sait qu’il fera parfaitement le job. Mission réussie ici ?

John Kelly est membre des SEAL. Alors qu’il est en quête de réponses et de justice après le meurtre de sa femme enceinte par des soldats russes, il découvre un vaste complot international. Il va poursuivre ces assassins coûte que coûte, avec l’aide d’une confrère et d’un mystérieux agent de l’ombre de la CIA. Cette mission très sensible menace d’entraîner les États-Unis et la Russie dans une terrible guerre totale. John devra révéler les secrets tout en évitant une catastrophe.

Adapté du roman éponyme de Tom Clancy, Sans Aucun Remords est le nouveau film réalisé par Stefano Sollima (le réalisateur de l’excellent A.C.A.B. et de la suite de Sicario). Le style nerveux de Sollima était tout indiqué pour reprendre les écrits de Clancy. Tom Clancy est un nom qui devrait parler à la communauté des gamers puisqu’il a souvent été adapté. Parmi les franchises célèbres nées des oeuvres de Clancy, retenons Splinter Cell, Rainbow Six ou encore Ghost Recon. Clancy était un écrivain passionné d’espionnage qui a souvent écrit des histoires sous fond de Guerre Froide. Ses œuvres étaient particulièrement documentées, ce qui rendait la lecture riche et passionnante (parfois même prémonitoire puisqu’il a connu un regain d’intérêt après les attentats du 11 septembre pour y avoir décrit un crash d’avion terroriste similaire dans son roman de 1994, Dette d’Honneur, ainsi que dans celui de 1996, Sur Ordre). Sans Aucun Remords n’échappe donc pas au contexte familier de son auteur, il y oppose les États-Unis et la Russie au cœur d’un complot politico-militaire tout en n’omettant pas d’y ajouter des affrontements particulièrement violents. Initialement prévu en salle, le film atterrit finalement sur Prime Video et crée l’événement ces derniers jours au sein de la plate-forme. 30 ans après la fin officielle de la Guerre Froide, les écrits de Tom Clancy paraissent toujours aussi modernes et actuels. La complexité de l’intrigue où chaque chapitre amène un nouveau rebondissement a dû donner du fil à retordre aux scénaristes Taylor Sheridan et Will Staples. Difficile de rendre digeste un flot incessant d’informations. Bien qu’il ne soit pas d’une grande complexité à comprendre, il faudra néanmoins rester focus tout le long du film afin de ne louper aucun cliffhanger (il y en a un environ toutes les 20 minutes). La grande qualité de Sollima pour ne pas nous perdre est de rendre dynamique son montage et de nous plonger de la meilleure des manières au cœur de l’action, offrant la part belle à sa tête d’affiche qui aura droit à des séquences musclées de très haute envergure.

S’il repose essentiellement sur la condition physique de Michael B. Jordan, Sans Aucun Remords est un film qui n’oublie pas de mettre en lumière les partenaires de jeu de son héros. Jodie Turner-Smith confirme ses innombrables nominations dans les catégories « révélation » qu’elle avait eu dans différentes cérémonies l’année dernière pour son rôle dans Queen & Slim. Nouvelle figure emblématique au cœur du mouvement Black Lives Matter, elle sert Michael B. Jordan avec une aura incroyable. Le film aurait pu se reposer uniquement sur sa relation avec le héros qu’il aurait suffit à nous faire passer un moment satisfaisant. Car, oui, Sans Aucun Remords, malgré ses qualités, demeure un film correct sans pour autant dynamiter le genre. Malgré son casting impeccable et sa réalisation rondement menée, il garde, tout de même, un aspect quelque peu indigeste à force de vouloir changer tous ses enjeux systématiquement. S’il ne perd pas en dynamisme, il perd quelque peu en qualité. Approchant les 2h de durée, ses twists incessants peuvent avoir raison de certains spectateurs qui pourront y voir un mauvais tour de passe-passe de la part de scénaristes ne sachant pas comment conclure leurs arcs narratifs. Et on ne pourra pas blâmer ces spectateurs puisqu’ils auront raison de crier au gavage. Fort heureusement, Sollima jouit d’une brillante maîtrise lors des séquences d’action où, là, Michael B. Jordan brille excellemment. Malheureusement, hormis la séquence d’assaut dans sa maison, il cédera à la tentation d’un jeu mono-expressif qu’il aura rarement autant atteint (même dans Black Panther il était plus nuancé, c’est dire). Mais alors, pourquoi n’arrivons-nous pas à lui en vouloir ? Parce que se rattacher aux émotions qu’il nous procurait dans Fruitvale Station et Creed ne peuvent plus se suffire à elles-mêmes. Quel est le secret magnétique de son charisme ? Si la réponse n’est pas encore à notre portée, on peut supposer que c’est en partie à cause de ses capacités à savoir porter des scènes d’action à bout de bras. La séquence en prison (qui nous aura rappelé, toute proportion gardée, celle dans les toilettes de la prison dans The Raid 2) nous a donné de sacré frissons. Et des frissons, ce n’est pas ce qui manque au film de Sollima. On le répète, les séquences d’action sont spectaculaires et tiennent parfaitement en haleine (le crash d’avion, l’assaut dans l’hôtel russe). Voilà pourquoi Sans Aucun Remords peut se targuer d’avoir une seule et unique raison d’être vu : Michael B. Jordan ! Malgré ses faiblesses de jeu, on nourrit une tendresse particulière pour cet acteur qui n’a pas encore trouvé LE rôle qui confirmera tous les espoirs que nous plaçons en lui.

Sans Aucun Remords, même s’il possède autant de qualités que de défauts, demeure un film suffisamment plaisant pour vous divertir le temps de sa durée. La solide réalisation de Stefano Sollima et le charme de Michael B. Jordan passeront sous silence les facilités scénaristiques. D’autant que la fin laisse supposer une possible déclinaison d’une des séries de jeux adaptés des écrits de Clancy pour laquelle nous serons les premiers à payer notre ticket pour assister au spectacle en salle. Décidément, notre bienveillance de gamer nous perdra…

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