Our Friend : Un ami qui vous veut du bien

Il est de ces films qui vous aguichent parfois par la simple sympathie que vous inspirent leurs acteurs principaux. C’est le cas ici du film Our Friend, réalisé par Gabriela Cowperthwaite, adapté de l’histoire vraie relatée dans l’article The Friend : Love Is Not a Big Enough Word par Matthew Teague. La cinéaste, une habituée de ce genre d’histoires après deux premiers documentaires en 2010 et 2013, est passée aux fictions basés sur une histoire vraie. En 2017 d’abord, avec Megan Leavey qui relate l’histoire de Megan Leavey, une marine ayant servi l’armée américaine déployée en Iraq en 2005 avec son chien, Rex. Puis en 2019 avec ce film dont Casey Affleck jouera le rôle de Matthew Teague, le narrateur de sa propre histoire. En plus du petit frère de Ben on y retrouve l’actrice Dakota Johnson, révélée bien malgré nous par la saga à succès Cinquante Nuances de Grey, ainsi que l’acteur nounours d’Hollywood et vedette de la série How I Met Your Mother, Jason Segel. Un duo qui s’était déjà rencontré, bien des années auparavant dans le film Cinq ans de réflexion et dont Jason était scénariste.

Après l’incroyable prestation de Casey Affleck dans Light of my life, il nous tardait de le revoir comme protagoniste principal d’un drame bien mené, dont il joue ici le rôle de Matthew Teague, rédacteur de sa propre histoire. Accompagné dans le film par son meilleur ami Dane Faucheux, incarné par Jason Segel, qui fera passer la vie de son couple d’ami au détriment de la sienne. Et surtout pour Nicola Teague, jouée enfin par Dakota Johnson, mère de famille à qui l’on diagnostique un cancer déjà bien avancé. Cette nouvelle accablante lui promettant un avenir bien funeste achève cette famille dont la cohésion battait déjà quelque peu de l’aile. Evidemment, l’annonce d’une telle nouvelle bouleverse forcément les habitudes et les relations. C’est là que Dane, le meilleur ami de Matthew qu’il avait perdu de vue, lâche tout pour venir soutenir cette famille en détresse jusqu’à ce que Nicole s’éteigne.

Ce simple titre montre à quel point Our Friend se veut positif et bienveillant. Il s’agit ni plus ni moins littéralement d’une lettre d’amour à Dane, cet ami dévoué à la confiance infaillible. Le film est particulièrement honnête dans ses intentions et pourtant il existe peu de films aussi démoralisants que celui-ci. Peut-être faut-il nécessairement le voir dans une humeur qui corresponde à son genre ou bien est-ce la faute à la crise sanitaire actuelle qui provoque ce rejet de voir quelqu’un progresser irrémédiablement vers son lit de mort ? Toujours est-il qu’il subsiste un malaise constant à suivre cette pauvre famille qui s’apitoie chaque jour un peu plus sur son sort. A vrai dire, la bande-annonce laissait présager un film plus poétique où la maladie ne parviendrait pas à emporter le moral de tous avec elle. Où l’ami en question réussirait à apporter une fraîcheur de vivre au sein de ce foyer, plus qu’un simple soutien. Mais le scénario relate les faits un peu trop sincèrement sans doute pour que cet aspect ressorte du long-métrage. On y voit des acteurs qui tirent la tronche pendant 2h et quand ils sourient ce n’est qu’un sourire compatissant. Jason Segel nous offre un simple et unique medley de toutes ses scènes dramatiques avec Lily Aldrin, quant à Casey Affleck, il imite son frère avec un panel d’émotions digne d’un poulpe servit en Sannakji. Reste Dakota Johnson qui compose comme elle peut un rôle qui ne lui laisse que peu d’opportunité, donnant la sensation de s’emmerder plus que d’être atteinte du cancer. A voir autant de visages au bord du suicide, la dégustation de ce film pourrait nous être aussi fatale que le plat sud-coréen sus-mentionné. Dans le fond, leur jeu d’acteur est loin d’être catastrophique, mais l’histoire patine tellement dans la semoule que leur jeu devient banal, voire trop réel. Alors forcément, quand on subit déjà la morosité du scénario, a-t-on vraiment envie de voir un jeu aussi réaliste ?

C’est dommage car l’article dont Our Friend est adapté est sans doute d’une intensité assez incroyable, et c’est cette intensité que la réalisatrice a voulu transposer au cinéma. Sauf qu’il n’est malheureusement disponible qu’en SVOD. Sur grand écran dans les salles obscures, son visionnage aurait certainement gagné en puissance, mais sur la télé dans son salon, sa raison d’être est malheureusement plus discutable. Par ailleurs le point de vue adopté laisse à désirer. La narration évolue en changeant de date régulièrement et de manière très intempestive. Avant le diagnostic, après, avant, après et bis repetita à des dates diverses. Ce ressort scénaristique peu probant rend le visionnage incompréhensible et indigeste en plus de n’avoir aucune véritable raison d’exister. Cela n’apporte franchement rien au long métrage excepté un effet de mise en scène pour complexifier une histoire finalement très simple et assez convenue dès le début. On se sent simplement moins investi en tant que spectateur car l’effet, très vite redondant, devient également rebutant. Outre rendre encore plus dramatique une histoire qui l’était bien assez, d’autres propositions auraient pu rendre le long-métrage plus intrigant. Plutôt que de suivre le trio comme un tout, il aurait peut-être été préférable de choisir un point de vue en particulier, quitte à le changer lors des grands chapitres de la vie de chacun. La quête solitaire de Dane par exemple est un chapitre fort de sa vie, mais son introduction et sa narration laisse à désirer car elle n’est pas forcément bien amenée. C’est triste à dire, mais l’une des scènes les plus marquantes et triste du long-métrage est finalement l’euthanasie du pauvre petit Carlin, scène qui n’était déjà pas forcément très bien exploitée.

Dans tout cela, et encore plus pour nous autre, public français, Our Friend ne se démarque en rien de ses pairs du cinéma dramatique. Du côté francophone, on en connaît un rayon sur les drames familiaux dans lesquels le père est un alcoolique, la mère est orpheline de naissance, l’oncle sort de 18 années de prison pour un crime qu’il n’a pas commis, le fils se fait racketter tous les matins et victimiser par ses camarades de classe, la fille s’est faite violer le mois dernier et le dernier est un bébé mort-né… La tristesse n’est pas forcément notre carte maîtresse mais c’est presque notre quotidien après les comédies raciales. Finalement, Our Friend se livre comme un drame banal, n’offrant rien de très innovant et se trouvant être plus déprimant que réconfortant comme il semble vouloir se vendre. La présence d’un acteur plutôt comique n’aide pas cette histoire à détendre l’atmosphère. Il en résulte cette désagréable sensation de passer complètement à côté d’une histoire particulièrement belle.

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