Honeydew : Miellat indigeste

Week-end Shadowz placé sous le signe des exclusivités cette semaine. Deux nouveautés à découvrir via le catalogue afin de lancer les hostilités de fin de vacances scolaires. Si nous vous avions déjà parlé de Await Further Instructions au sein de nos colonnes (excellente découverte du PIFFF en 2018, que nous vous invitons grandement à dévorer sans modération), il nous semblait logique de vous parler de Honeydew, seconde exclusivité Shadowz de ce mois-ci. Premier long-métrage écrit et réalisé par Devereux Milburn, il a été vendu par la plate-forme comme un film à la mise en scène classieuse, à la bande-originale déroutante et à son ambiance redéfinissant le sens du mot « glauque ». Tout un programme sur lequel nous nous sommes jetés à corps perdu, soucieux de vous proposer un film édifiant et atypique.

Sam et Rylie, un jeune couple, partent faire du camping sauvage dans le cadre de recherches entrepris par Rylie sur une étrange bactérie infectant les champs de blé. Celle-ci provoque des nécroses importantes et a décimé tout le bétail s’étant nourrit du blé infecté. Dans la nuit, ils sont chassés par le fermier du coin qui leur somme de quitter son champ. Ils sont contraints de trouver refuge dans la maison d’une vieille fermière et de son fils particulier. Ils commencent bientôt à avoir des envies étranges et des hallucinations.

Qui dit premier long-métrage, dit excès de générosité, Honeydew n’en est pas exempt. Devereux Milburn démontre un savoir-faire non négligeable dans sa mise en scène. Le soin apporté aux cadres est d’une maîtrise à saluer. Le bonhomme semble être un fervent admirateur du cinéma de Brian De Palma, et surtout du Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper. En revanche, avoir de solides références n’a jamais vraiment fait un bon film (sauf exception tarantinesque, cela va sans dire). Il faut les digérer, les assimiler et savoir les recracher sans risquer de tomber dans un plagiat indigeste. Malheureusement, Honeydew ne parviendra jamais à transcender ses modèles. Milburn use et abuse de split-screens à toute berzingue, mais jamais (ou presque) ils ne seront justifiables afin d’élever leur signification plus loin qu’un simple choix technique de montage. Là où chez De Palma (qui rendait déjà hommage à Hitchcock), les split-screens avaient des enjeux bien précis et calibrés. Honeydew se veut être une lecture moderne de Massacre à la Tronçonneuse, et à tous les points de vue. Climat anxiogène, absence d’images gores, étirement du temps qui fait sombrer les personnages dans la folie… Tous les éléments de l’œuvre de Tobe Hooper sont disposés méticuleusement et remis au goût du jour. Seulement, une fois encore, cela fonctionne difficilement. Le film traîne en longueur et s’allonge jusqu’à n’en plus pouvoir alors que les enjeux sont clairs dès l’apparition de la fermière, on sait que Sam et Rylie se jettent dans la gueule du loup. Il y a une chose que Devereux Milburn n’a pas pris en compte pour son film, et qui est capital pourtant : c’est la culture de son spectateur. Depuis 1974, des ersatz de Massacre à la Tronçonneuse ont pullulé dans tous les sens. Le spectateur connaît les tenants et aboutissants inhérents aux rejetons de ce film culte. Honeydew cherche désespérément l’hommage, mais finit par singer car il n’offre pas de vraie surprise lors du dernier acte. Le film retarde au maximum son climax tout simplement car il ne sait pas où emmener le spectateur. Une bonne demi-heure en moins aurait rendu le propos plus dynamique. On aurait acclamé un film pas original pour un sou, mais qui aurait eu le mérite d’être efficace à défaut de surprendre. Ici, la fascination des premiers instants laissera place à l’ennui et ce sentiment nous amènera à pointer du doigt ce qui fait cruellement défaut à Honeydew : son scénario.

En effet, le scénario écrit par Milburn aurait mérité d’être digéré, réécrit et mieux assimilé. A force de vouloir trop bien faire, il en oublie de développer concrètement tous les axes narratifs qu’il met en place. La relation distendue qui se joue dans tous les non-dits entre Sam et Rylie ne sera jamais claire, l’introduction de la bactérie qui touche autant les animaux que les hommes devient un artifice et n’est jamais traitée (alors que le film insiste énormément dessus en ouverture), le mobile des fermiers est survolé… Trop de potentiels bons éléments gâchés par un manque fulgurant d’expérience, tout simplement. Honeydew aurait dû se focaliser sur une seule et même idée et l’exploiter dans tous les sens. En fin de compte, on se retrouve avec un melting-pot de plein d’éléments qui devraient concorder ensemble, mais qui ne matchent jamais compte tenu du manque de conclusion en bonne et due forme. C’est un vrai gâchis et c’est fortement désolant puisque le casting joue à la perfection. Sawyer Spielberg (fils de Steven) est une vraie révélation. Il affronte l’étrange Barbara Kingsley avec un aplomb certain, c’est un vrai plaisir d’assister à la séduction qui opère entre la victime et son bourreau. Malin Barr, qui campe Rylie, fait du mieux qu’elle peut. Elle est laissée totalement à l’abandon par Milburn, elle erre au milieu des plans sans jamais n’être rien d’autre qu’un ressort scénaristique mineur en fin de film : une raison de pousser son mari à vouloir survivre. Et même de ce côté là, on a du mal à y croire qu’il y a véritablement de l’amour entre les deux. Chacun est horripilé par les défauts de l’autre, ils s’envoient bouler sans arrêt…difficile de les croire quand ils se disent « je t’aime ». Pourquoi nous amener un couple visiblement au bord de la rupture pour ne jamais rien en faire de vraiment vibrant ? Et des questions qui commencent par « pourquoi » on pourrait vous en sortir des tas. Non, non et trois fois non, Honeydew loupe littéralement le coche. En dépit d’une réalisation soignée (la photo est à tomber par terre par moment), d’un joli casting et d’une ambiance dérangeante bien installée, mais mal maîtrisée, Honeydew est loin, très loin, de valoir son étiquette de Massacre à la Tronçonneuse moderne.

Honeydew est une copie à améliorer. Devereux Milburn possède des qualités évidentes, mais doit encore redoubler d’efforts afin de mieux délivrer ses sujets. Pour un premier film, il pèche par excès d’ambitions. Le film est une gigantesque vitrine qui se voit comme un étalage des acquis de son auteur, mais qui oublie terriblement de bien faire vivre le tout. En résulte une œuvre imprécise, impersonnelle et indubitablement creuse.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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