Concrete Cowboy : « I’m gonna take my horse to the old town road »

Production originale Netflix avec l’accompagnement de Lee Daniels sortie le vendredi 02 Avril sur la plateforme et réalisée par Ricky Staub, Concrete Cowboy met en scène l’acteur vedette Idris Elba. Il s’agit d’une adaptation du roman Ghetto Cowboy, écrit par Greg Neri (également producteur délégué du film) sorti en 2009. Vu le titre relativement transparent, inutile d’en faire une traduction littérale. A ceci près qu’on notera la différence assez conséquente entre le titre original et ce que le titre du film peut laisser supposer. Le titre initial laissant entendre plus de thématiques sous-jacentes. Difficile de prévoir à l’avance ce que peut valoir cette production, le réalisateur étant connu pour n’être que l’assistant réalisateur de blockbuster très moyens.

Concrete Cowboy raconte l’histoire de Cole (Caleb McLaughlin, le jeune Lucas Sinclair de la série à succès Stranger Things), un jeune adolescent récalcitrant enchaînant bagarres à l’école. Excédée, sa mère l’envoie chez son père, ex-détenu de prison, reconverti en véritable cowboy. Ce changement radical de train de vie le bouleverse et le confronte à la dure réalité de la vie. Un constat de départ classique et récurrent qui peut cependant avoir beaucoup de choses à dire. D’autant plus lorsqu’il est inspiré de faits réels en plus d’être adapté d’une nouvelle.

Bien que les Etats-Unis ont longtemps influencé le cinéma de leurs westerns, on ne peut plus dire que le sens premier du terme « cowboy » ai la même signification qu’autrefois. Il symbolise pourtant toujours l’homme viril, courageux, entreprenant et individualiste que l’imaginaire collectif lui a construit au fil du temps, notamment grâce au cinéma. De Comancheria à Nevada, et en passant aujourd’hui par Concrete Cowboy, on peut noter une résurgence du genre au milieu d’un mode de vie contemporain. Et au sein d’une société de plus en plus féministe, il est légitime de se demander pourquoi le symbole même de la masculinité américaine fait sa réapparition et que cela peut-il bien signifier comme message ? Car le rôle même du cowboy dans son écriture existe déjà partout sur grand écran, dans tous les genres et sous toutes ses coutures. À en croire son titre, Concrete Cowboy semble vouloir réaffirmer un peu plus la place du cowboy dans notre société actuelle. Comme si le film parlait enfin du vrai rôle des cowboys, de ce qu’ils sont réellement. Et le choix de Idris Elba pour représenter cette communauté n’est pas anodin. Il s’agit d’un acteur fort, qui impressionne et sait imposer son aura et sa présence. Ce n’est pas le premier rôle de père intransigeant et froid qu’il joue. Le mythe du cowboy tel qu’on le connait dans son sens le plus populaire correspond parfaitement bien à l’acteur et il en joue ici à merveille. Pourtant, que ce soit dans Comancheria ou Nevada, pour ne citer qu’eux, la personnification du cowboy dans sa structure la plus simple n’est qu’une excuse à un sous-texte souvent bien plus profond. Concrete Cowboy n’échappe pas à cette règle.

L’une des idées que l’on pourrait se dire en premier lieu est le fait d’y ajouter une dimension raciale, les cowboys étant noirs pour la plupart. Mais là encore, même s’il s’agit également d’un message de fond important et abordé de manière subtile, ce n’est encore pas la thématique centrale. En vérité ce qui joint irrémédiablement chaque production de western contemporain est l’aspiration à une nouvelle forme de liberté. Ce que le film montre assez bien c’est qu’il n’est plus possible d’être un cowboy que l’on imagine traditionnel. Avoir un ranch, des chevaux, ce désir de liberté et de gambader sur leur dos est un plaisir qui s’amenuise au fil du temps. Les infrastructures ne peuvent plus subsister de la même manière, l’utilisation des chevaux comme moyen de locomotion ou de fret se fait de plus en plus rare, la mondialisation (entre autres) ne laisse plus de place à ce genre d’activité. Le long-métrage évoque beaucoup cette nostalgie du temps écoulé qui ne refera plus surface. Si le genre du western peut avoir encore quelques beaux jours devant lui c’est très certainement grâce à cet inconscient d’hommes et de femmes aussi libres que le vent et aux frontières illimitées.

L’histoire même de Concrete Cowboy est extrêmement attendue mais jamais mélodramatique. Bien que convaincant et émouvant, le film n’en fait jamais trop. Il est même relativement mature dans la résolution de ses conflits, a quelques exceptions près, même si c’est diffusé sur Netflix, ça n’en reste pas moins du cinéma. Et pour cela la réalisation est vraiment propre. Le travail visuel est assez minutieux et tend vers cette crédibilité qui offre au film une vraie profondeur philosophique. Par ailleurs quelques plans, quelques photographies rappellent grandement l’imagerie de certains grands westerns de l’époque Eastwood. Quant aux acteurs, c’est certainement le point fort du long-métrage. Outre le charisme et la sympathie qu’inspirent Idris Elba, on peut admettre que le reste du casting s’en sort admirablement. À commencer par Caleb McLaughlin, que certains auront peut-être du mal à voir ailleurs que dans la série Stranger Things mais qui conduit son rôle très justement faisant le lien entre le spectateur et l’aventure qu’il suit. Son acolyte de jeu Jharrel Jérôme, qui joue son partenaire Smush, découvert notamment grâce au film Moonlight montre encore une fois son immense talent. Nous retrouvons également le rappeur Method Man, éminent membre du Wu-Tang Clan mais les personnages les plus intéressants sont quelques protagonistes habitants de la ville de Philadelphie. Esha, Paris, Al, Miz, plus que des personnages de Concrete Cowoy ils sont de vrais cavaliers de Fletcher Street, la rue de Philadelphie dont les écuries sont menacées de fermetures dans le film. Tant d’acteurs de la vie quotidienne dont on peut entendre les pensées durant le générique de fin. Diverses réflexions sur l’avenir, le passé et les choix de vie à faire ou ne pas faire, donnant une dimension vraiment concrète au film.

Ce que l’on peut retenir de ce film n’est pas sa structure scénaristique. Les rebondissements de l’histoire, bien que poignants sont surtout une excuse au message de fond du film. Une ode à la liberté, à la réalisation soignée et au jeu d’acteur impeccable. Cette production Netflix ne vous restera pas en mémoire telle une pépite du septième art, mais son message demeure intemporel et prend une dimension encore plus contemporaine que jamais. Un très bon film en perspective malgré un scénario attendu dans ses grandes lignes.

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