Madame Claude : Attirance vaine d’une certaine époque.

Disponible depuis le 2 avril 2021 sur Netflix, Madame Claude réalisé par Sylvie Verheyde, évite les embouteillages dès la réouverture des salles de cinéma pour s’offrir une visibilité à l’international grâce à la plateforme SVOD. Depuis le succès des films Balle Perdue et Bronx d’Olivier Marchal, vendre un film français à Netflix est une bonne échappatoire pour sauver les meubles et rentrer dans les frais. Ainsi Madame Claude s’offre une carrière claire et bien plus forte qu’une sortie en salles confidentielle pour un film noir d’auteur sur peu de copies. Mais pour quel résultat  ?

Madame Claude est une figure fantasmatique prise dans les tourments de la Ve république entre De Gaulle et Valérie Giscard D’Estaing. Mère maquerelle d’une centaine de petites jeunes femmes au détour des années 1970, côtoyant un parterre de personnalités, son imposant carnet d’adresses a attiré les intérêts de l’état, notamment des Renseignements Généraux pour ajuster leurs pions et manigancer des chantages hauts placés. Photos coquines et compromettantes ou frontalement clé centrale pour atteindre certains diplomates, Madame Claude a servi d’intermédiaire pour le milieu intermède, tout en fréquentant des stars dans les nuits paillettes de la capitale. Une époque dorée entre Marlon Brando, Le shah d’Iran ou John F.Kennedy pour une chute inévitable et dramatique que conte ce film.

Long-métrage pour le cinéma, Madame Claude trouve une dérobade sensée en se rendant visible via Netflix. Métier sulfureux pour des relations-chocs et chics, le parcours de Fernande Grudet (véritable nom de Madame Claude) n’a finalement rien de cinématographique. Just Jaeckin avait, au cœur des années 1970, déjà romancé le parcours de cette ex-prostituée devenue une figure du milieu parisien incarnée par Françoise Fabian. Sylvie Verheyde adapte librement, mais fidèlement l’histoire débutant avec l’Affaire Markovic entre Madame Pompidou et Alain Delon. Le milieu s’agite, car l’état se mêle des combines suite à l’assassinat de l’ex-garde du corps de la star du cinéma français. Madame Claude est dans l’entremise de cette histoire sans qu’on l’en sache plus. Markovic est un sujet tabou, un courant d’air ne venant jamais entraîner le film vers un positionnement clair, à savoir le fonctionnement et la personnalité de Madame Claude. Là le bât blesse dans ce film démonstratif laissant apparaître la carrure de Marlon Brando arrivant en grande pompe pour une après-midi avec quatre filles ou John F.Kennedy cité au détour d’une conversation pendant des vacances dans une villa. Oui et alors  ?

Madame Claude avance un regard sur la femme Fernande et sa gestion de cette entreprise qui va connaître la crise. Outre ce point de vue sur une Dame de Fer, ses amourettes avec un certain André (Paul Hamy piètre acteur), sa jalousie compulsive et ses relations tendues avec sa mère et sa fille apparaissant au détour d’un palier pour disparaître au coin d’une rue la nuit, Sylvie Verheyde n’établit rien de concret en termes de cinéma. Le film est une déception, un raté pourtant mené fièrement par Karole Rocher, actrice fétiche de la réalisatrice. Elle incarne une Madame Claude forte et inébranlable, un air distingué camouflant une douleur profonde. L’actrice est la principale qualité du film, de tous les plans ou presque, confirmant sa capacité à porter un projet sur ses épaules. Éternelle second rôle dans la série Braquo d’Olivier Marchal ou dans Polisse de Maïwenn, elle se féminise enfin un peu pour prendre la lumière incarnant avec style une icône d’une certaine France. L’actrice est notamment bien accompagnée par un casting trois étoiles entre Roschdy Zem assurant par sa carrure, Pierre Deladonchamps toujours aussi détestable par son rôle et Garance Marillier qui, après Grave, trouve un merveilleux et ambigu rôle d’une jeune fille en fuite débarquant chez Madame Claude devenant sa protégée. La jeune actrice de 23 ans bouffe littéralement l’écran révélant ses failles et son dilemme au fil de l’histoire. Avant de la retrouver dans le prochain film de Julia Ducourneau, Garance Marillier démontre sa capacité à devenir une grande du cinéma français, un talent encore brut se forgeant idéalement avec des choix risqués, mais posés. 

Madame Claude apparaît comme une déception. Ne proposant pas la moindre vision claire ni la moindre interprétation définie d’une personnalité indigne d’intérêt, le film tourne rapidement à la démonstration d’une époque sulfureuse sous couvert d’une mise en scène se référençant au style de Claude Mulot, Just Jaeckin ou Michel Lemoine. Une érotisation de l’image saupoudrée d’une bande originale synthétique nous plongeant au cœur d’une période anarchique où le sexe se mêle à l’exercice du pouvoir et autre cachotterie. Une ère au parfum de fantasme jamais filmique pour un sou bien malgré elle.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*