Palm Springs : Pourvu que les petits-fours soient goûteux…

Quand on s’attaque à un sujet aussi éculé que celui de la boucle temporelle, il faut s’armer lourdement pour ne pas tomber dans la redite. La culture populaire aura gardé en mémoire le désormais célèbre film de Harold Ramis, Un Jour Sans Fin, comme figure de proue et modèle inéluctable du genre. Il faut bien avouer que si le film garde son aura tout à fait intacte aujourd’hui, c’est en grande partie grâce aux talents inimitables de Bill Murray. Difficile de rivaliser avec le fameux jour de la marmotte qui le rendait dingue dans le film sorti en 1993. Beaucoup s’y sont essayés, très peu ont marqué les rétines. Alors, quand débarque Palm Springs sur Prime Video, création originale made in Hulu (la plate-forme de streaming rachetée par la Fox aux États-Unis), il est quasi-impossible de l’aborder non sans certaines appréhensions. Plutôt remarqué sur la toile, il est vite devenu le film qu’une nouvelle génération de cinéphiles, qui ne doivent probablement pas avoir entendu parlé du film de Ramis, porte aux nues en criant au chef-d’oeuvre. Seulement, quand les critiques plus confirmés ont commencé à tomber également sous le charme, il n’en fallut pas plus pour susciter notre curiosité. Qu’avions-nous à perdre après tout ? Au mieux, nous aurions eu une bonne surprise, au pire, Palm Springs aurait tué le temps comme n’importe quelle production bien calibrée que l’on retrouve dans le genre. Non pas que nous doutions de ses qualités divertissantes, loin s’en faut. Nous attendions un regard neuf, une fraîcheur qui dynamise le genre et qui irait chercher plus loin que les poncifs inhérents à ce genre de comédie. Que reste-t-il de Palm Springs après son visionnage ? C’est la question que nous nous sommes posés pendant plusieurs jours avant d’attaquer ce papier.

L’insouciant Nyles fait la connaissance, lors d’un mariage à Palm Springs, de Sarah, sœur de la mariée et demoiselle d’honneur. Les choses se compliquent rapidement lorsque le duo se retrouve piégé dans l’espace-temps de ce mariage, contraint de revivre encore et encore la même journée.

Palm Springs est le premier long-métrage réalisé par Max Barbakow (qu’il co-scénarise avec Andy Siara). Comme sujet de premier essai, le jeune réalisateur fait mouche, Palm Springs est une vraie réussite. L’agitation provoquée par son film sur les réseaux sociaux est justifiée, Palm Springs marche fièrement sur les plates-bandes d’Un Jour Sans Fin sans jamais singer son modèle. En effet, la force première du film réside en l’acceptation de ses ressorts scénaristiques. Le film prend le postulat de la boucle temporelle comme un acquis chez le spectateur. Il rentre directement au cœur de son sujet pour mieux développer les enjeux qui vont lui être insufflés. Devoir tenir la distance sur 90 minutes de scènes répétitives est un challenge qu’il relève haut la main. La force scénaristique du film réside dans la dualité qu’il met en place entre Nyles (qui vit les mêmes journées depuis des lustres) et Sarah (qui découvre son dessein malgré elle et voudra tout faire pour s’en sortir). Ainsi, le film joue énormément sur deux poids, deux mesures. D’un côté, Nyles est totalement résolu à accepter son triste sort. De l’autre, Sarah cherche à tout prix à s’en échapper. Cette dernière tentera absolument tout, malgré les avertissements de Nyles qui lui préviendra à plusieurs reprises qu’il est déjà passé par là, qu’il a déjà tout tenté, et que ça ne marche pas. De fait, le jeu des contradictions donne lieu à des séquences particulièrement savoureuses. Palm Springs est un solide complément au film d’Harold Ramis. D’autant qu’il accentue ses effets et ses rebondissements avec brio en incluant un troisième personnage piégé, lui aussi, dans cette boucle (J.K. Simmons est impérial, comme toujours). Le film peut se permettre beaucoup plus de choix que si le héros avait été enfermé seul dans cette boucle. Même si les actions demeurent semblables à celles de Bill Murray dans le modèle susmentionné, Palm Springs possède une aura qui lui est propre et se démarque sans problème pour jouer dans la cours des grands sans jamais rougir.

Palm Springs doit beaucoup à son duo de tête. Andy Samberg prouve, une fois encore, qu’il est une relève sûre de la comédie américaine et forme, avec Cristin Milioti (remarquée dans Le Loup De Wall Street), un couple résolument moderne. Les deux personnages ont suffisamment de corps et de richesse dans leur écriture qu’on pourrait les suivre sur un million de journées sans jamais y trouver une once d’ennui. Quel beau duo, sincèrement. On a envie d’être ami avec eux, on a envie de partager leur fardeau, on a envie de les voir déconner, s’aimer, se déchirer, se rabibocher… L’illusion est parfaite, ils se sont parfaitement trouvés. En ce sens, c’est ce qui manquait à Un Jour Sans Fin. En dépit de l’amour qui naîtra entre Bill Murray et Andie MacDowell, les enjeux sont sensiblement différents ici. Palm Springs redistribue ses cartes en permanence et dessine, petit à petit, une conception des plaisirs simples de la vie tellement banale qu’elle en devient attachante. Se faire rappeler qu’il n’y a rien de mieux que la famille et l’amour c’est un peu facile, mais quand c’est fait avec honnêteté comme ici, difficile de faire la fine bouche. Après tout, Palm Springs ne cache jamais sa valeur de comédie classique qui distille de vrais moments loufoques au milieu afin de dynamiter son concept. On regrettera toutefois une fin un peu trop expédiée. On aurait aimé en savoir un peu plus sur les conséquences du choix final des héros et comment cela s’est concrétisé dans le temps. Sans rentrer dans les détails, il manque à Palm Springs une digne conclusion afin de s’imposer définitivement comme un nouveau modèle du genre. Qu’à cela ne tienne, il réussit à nous donner envie d’y revenir, et rien que pour faire naître ce genre de sentiment, on peut dire qu’il a gagné son pari.

Palm Springs souffre, comme n’importe quel film au sujet similaire, de l’inévitable comparaison avec Un Jour Sans Fin. Seulement, celui-ci se démarque positivement afin de trouver son propre rythme, ses propres enjeux et offre une expérience rafraîchissante qui dépasse le simple divertissement lambda qu’il aurait pu être. Une vraie surprise qui n’est pas exempte de défauts, mais qui est suffisamment remplie de bonnes idées pour susciter un vif intérêt.

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