I care a lot : Pour l’amour des vieux…

Ne vous fiez pas aux apparences : derrière son visage angélique, sa blondeur lumineuse et son sourire colgate, Marla Grayson est quelqu’un de mauvais. Son métier : tutrice spécialisée dans les personnes âgées. Quand celles-ci sont jugées séniles et incapables de se débrouiller seules par un médecin, elles sont mises sous la tutelle de Marla qui les envoie en EHPAD et en profite au passage pour dilapider leur fortune. Sous couvert de s’occuper de ces personnes démunies et de se rémunérer, Marla mène donc un train de vie fort aisé derrière les apparences d’une femme professionnelle et attentionnée. Ayant dans sa poche des médecins et des directeurs d’EHPAD, elle magouille pour mettre sous sa tutelle les personnes qu’elle juge susceptibles de lui rapporter gros. Mais Jennifer, sa dernière victime en date, est loin d’être l’adorable petite vieille solitaire qu’elle prétend être, sa mise sous tutelle étant remarquée par des gens dangereux. L’arnaque tant rodée de Marla est au bord de la rupture et elle va devoir ruser pour s’en sortir…

Disponible sur Netflix depuis le 18 février dernier, I care a lot a un pitch sacrément prometteur, d’un cynisme assez savoureux, tout du moins sur le papier. Car si le film de J Blakeson brasse large au niveau des thématiques, s’attaquant au capitalisme, au sexisme et à la détresse humaine, il n’en demeure pas moins cruellement dénué d’ironie, tout juste gentiment méchant. Or, pour faire de son personnage principal un salaud réussi (autrement dit, pour lequel on va s’attacher quand bien même ses actions sont mauvaises), il faut un minimum de second degré (comme dans Le loup de Wall Street) ou de profondeur émotionnelle (comme dans Les Soprano ou Breaking Bad). Rien de tout cela ici, le film jouant la carte simpliste de l’insolence légère où notre héroïne a une vue bien tranchée sur le monde (‘’il y a les proies et les prédateurs’’, bonjour l’originalité…) avec un discours ironique sur le capitalisme que le cinéaste ne va jamais suivre jusqu’au bout dans son récit.

Prometteur (on rêve d’un pitch similaire écrit par les frères Coen par exemple), I care a lot dilapide rapidement tout son potentiel, incapable d’adopter un véritable point de vue sur toutes les thématiques abordées, le film ne proposant au final pas de réelles observations sur la société qu’il entend critiquer. Reste donc un thriller gentillet, se croyant original avec un mordant qu’il n’a pas, incapable de transcender sa proposition initiale pour livrer un film qui se regarde certes sans déplaisir mais qui n’en demeure pas moins parfaitement oubliable. J Blakeson tente bien de noyer le poisson en proposant des décors et des costumes très colorés et en castant de très bons acteurs mais rien n’y fait. Peter Dinklage a beau être excellent, son personnage de gangster classe mais capable d’accès de colère n’a rien de nouveau et si Rosamund Pike est le choix idéal pour camper Marla (forcément, après Gone Girl), elle n’est pas aidée par une écriture hasardeuse. Non seulement le personnage perd toute sa crédibilité à mesure que le récit avance mais elle est en plus peu aidée par une relation amoureuse (avec une femme pour être plus ‘’woke’’) sans aucun intérêt pour le récit, le personnage de sa petite amie jouée par Eiza Gonzalez étant honteusement inexistant à l’écran.

Si encore I care a lot versait dans la satire acidulée (d’autant qu’il a à priori toutes les clés pour se lâcher, la facilité avec laquelle Marla met les gens sous tutelle étant ahurissante), on pourrait aisément lui pardonner ses rebondissements écrits à la truelle. Mais dénué d’ironie et sans empathie aucune pour Marla, on en vient à souhaiter la mort du personnage pour ce qu’elle a fait, la mise sous tutelle de Jennifer étant finalement la goutte d’eau faisant déborder le vase pour un personnage sans scrupules, arrachant les personnes âgées à leur foyer et à leur famille pour dilapider leurs comptes bancaires. Dès lors que Dinklage entre en scène en antagoniste énervé pour les bonnes raisons, difficile de vraiment frissonner pour Marla dont le destin nous est dès lors indifférent, le scénario nous faisant au contraire rager à mesure qu’elle semble éviter tous les obstacles mis sur sa route. Vous l’aurez compris, la terrifiante Amy de Gone Girl est loin (voilà un film rempli d’ironie et de nuances) et Pike est ici seulement utilisée pour sa capacité à donner vie à ce genre de personnage sans que le réalisateur ne pousse plus loin sa réflexion (et l’on se dit que l’actrice aura définitivement du mal à trouver mieux comme rôle dans sa carrière). I care a lot est donc un pur produit de catalogue Netflix, sans véritable identité, simplement pensé pour se la jouer cool sans prendre la peine de l’être réellement, aussitôt vu, aussitôt oublié et c’est tout de même bien dommage car derrière tous ses défauts se cachaient certainement un bon film…

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