La Rivière : Du courant au cou raide…

De La Saveur de la Pastèque à Et là-bas quelle heure est-il ?, des Chiens Errants à I don’t Want to Sleep Alone, le cinéma de Tsai Ming-Liang s’est toujours trouvé comme entre deux eaux, à mi-chemin entre la contemplation fascinée du spectateur et la torpeur fascinante des figures re-présentées par le réalisateur taïwanais. Arborant constamment une mise en scène précise, aux cadrages savamment élaborés et aux personnages peu loquaces le cinéma de Ming-Liang oscille entre quelques-unes des plus belles réussites du Septième Art contemporain (Les Rebelles du Dieu Néon, La Saveur de la Pastèque ou plus récemment Voyage en Occident) et des longs métrages bien moins efficaces, reposant certes sur les mêmes composantes que les oeuvres prestigieuses sus-citées mais d’un ennui oblitérant fâcheusement l’hypnose revendiquée par le cinéaste (I don’t Want to Sleep Alone, Les Chiens Errants…).

Disponible dans le coffret proposé par les éditions Survivance depuis le 12 janvier 2021 dans le même programme que Les Rebelles du Dieu Néon et Vive l’amour, La Rivière appartient malheureusement à la catégorie des films de Tsai Ming-Liang pour lesquels la lenteur rythmique et l’épure avaricieuse l’emportent sur la sidération et les impressions plastiques implacables. Récit lapidaire d’un jeune taïwanais en proie à un intolérable torticolis provoqué par sa baignade dans un cours d’eau pollué, le troisième long métrage de Tsai Ming-Liang témoigne pourtant de tous les atouts majeurs de son Oeuvre : maturation des plans et des plans-séquences statiques, beauté des cadrages mêlés de surcadrages, abîmes et autres aspérités, présence de l’incontournable Lee Kang-Sheng dans le rôle principal ou encore exploration du désir et de la solitude de ses personnages… Si le film est encore très inspiré sur le plan stylistique et dramaturgique, il finit malgré tout par lasser voire franchement ennuyer sur la longueur, tant l’aridité du dispositif et les motifs répétés jusqu’à une certaine redondance finissent de nous laisser sur la touche.

Pourtant très représentatif du cinéma de Tsai Ming-Liang (outre la méticulosité de la mise en scène et du positionnement de la caméra l’inventivité du cinéaste trouve sa source dans sa propre existence, librement inspirée de sa rencontre avec Lee Kang-Sheng alors en proie à un douloureux mal de cou en amont du tournage…) La Rivière manque peut-être d’une chair véritable ou d’un soupçon d’enjeux, à la différence des deux premiers longs métrages du réalisateur. Moins porté sur les extérieurs et encore plus près de l’intimité de ses personnages, le film appréhende pourtant certains sujets on ne peut plus audacieux (principalement l’inceste et l’homosexualité) qui – s’il ne parviennent pas à nous convaincre sur la durée – s’avèrent en substance dignes d’intérêt. La Rivière demeure à notre humble avis le moins bon film des trois oeuvres de jeunesse d’un cinéaste néanmoins fascinant dans son univers formé de silences, de caresses et de maux tacites… Une déception.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*