The Nest : Fissures familiales

Remarqué au dernier festival de Deauville où il a mis trois jurys d’accord (pas nous mais cela est une autre histoire) en obtenant le Grand Prix, le Prix de la Critique et le Prix de la Révélation, The Nest, d’abord prévu en salles en novembre dernier est finalement privé de sortie sur grand écran et arrive chez nous via une diffusion directement sur Canal+ le 9 février. L’occasion de se pencher de plus près sur ce deuxième long-métrage de Sean Durkin, remarqué en 2011 avec Martha Marcy May Marlene qui révélait son talent et celui d’Elizabeth Olsen. Le cinéaste a pris son temps pour en arriver à ce deuxième essai après avoir réalisé la mini-série Southcliffe et officié en tant que producteur sur plusieurs films (dont Katie Says Goodbye et le récent The Rental).

The Nest nous embarque dans les années 80. Rory, venu s’installer en Amérique pour fuir la grisaille de son Angleterre natale parvient cependant à convaincre sa femme Allison et ses deux enfants de revenir en Angleterre où il a une très belle opportunité. Persuadé qu’il va faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne pour qu’Allison continue à monter à cheval mais très rapidement l’isolement du lieu et les mauvaises décisions de Rory vont mettre à mal l’équilibre familial…

A partir de là, Sean Durkin va brosser un portrait complexe mais fouillé de cette famille et de ses failles. Alors que Rory fait tout pour clamer haut et fort son ambition et sa richesse, il ne fait que s’endetter et son style de vie flamboyant n’est qu’une illusion. Mentant aux autres comme à lui-même, fuyant les fantômes d’une enfance pauvre, Rory est bien incapable de réaliser ses limites et laisse Allison seule, en proie à ses doutes et à ses tracas, son cheval n’étant visiblement pas à l’aise dans son environnement. Il n’est pas le seul puisque leur fils cadet, harcelé à l’école, n’ose rien dire car son père a payé une fortune pour l’y inscrire et leur fille multiplie les bravades typiques d’une adolescente. En lorgnant attentivement les profondeurs du mal-être de ses personnages, Sean Durkin réussit à capter quelque chose de désespéré, regardant avec empathie Rory qui, s’il entraîne sa famille à cause de ses ambitions, n’en demeure pas moins touchant par sa volonté d’intégrer un milieu qui le rejettera toujours.

Ce portrait familial aurait pu être une grande réussite si Durkin avait résolument maintenu son cap. Malheureusement, The Nest manque d’une direction claire. Le drame est là et il ne fait nul doute que Rory est le cœur du récit et celui qui intéresse le plus le cinéaste. Pourquoi dans ce cas-là s’attarder longuement sur la possible menace du manoir envers les personnages ? On pense un moment basculer dans le fantastique au détour de quelques scènes et puis non. Le film multiplie les pistes narratives possibles, laisse entrevoir des éléments pour finalement nous refermer la porte au nez. Cette façon de ne pas savoir choisir comment articuler son récit est d’autant plus dommage que la mise en scène est impeccable, faisant preuve d’une belle maîtrise, se montrant anxiogène quand il le faut pour mieux enfermer ses personnages dans leur situation inextricable.

Face à de tels talents derrière la caméra comme devant (Jude Law et Carrie Coon, qui affiche ici des faux airs de Cate Blanchett, sont impeccables), on ne peut donc que sérieusement déplorer le manque d’unité thématique du scénario. Au final, difficile de vraiment savoir ce que The Nest veut raconter : déliquescence d’une famille ? Spirale infernale du mensonge ? Critique acerbe du besoin absolu de paraître pour se faire accepter en société ? Le film parle de tout cela mais sans jamais véritablement trancher, laissant un léger goût amer, incapable de se fixer sur une thématique forte qui aurait pu amener The Nest vers des sommets. Difficile dès lors de comprendre ce qui a pu amener trois jurys à le récompenser et pour notre part, on attendra le prochain film de Sean Durkin pour réellement s’emballer.

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