Les Apparences : … se montrent parfois trompeuses.

Le cinéma de Marc Fitoussi est difficile à cerner. Il oscille depuis ses débuts entre comédie et drame, notamment le remarqué La Ritournelle avec Isabelle Huppert, l’une de ses trois muses en compagnie de Sandrine Kiberlain et Émilie Dequenne.
Pour Les Apparences, disponible en DVD depuis le 27 janvier chez M6 Vidéo, il s’attache les services de Karin Viard, au centre de ses expatriés français à Vienne, ville froide qui ne se dévoilera guère dans ce film aux rebondissements multiples. 

Karin Viard incarne Eve Monlibert, femme d’Henri, célèbre chef d’orchestre de l’Opéra de Vienne, qui ont tout pour être heureux. Elle travaille à l’Institut français menant une vie apparemment sans fausse note, jusqu’au jour où Henri succombe au charme de l’institutrice de leur fils.
Le film débute comme une comédie sociale guindée autour des expatriés français à Vienne. L’ambiance baigne dans une hypocrisie dorée, les masques bien solidement accrochés dans les dîners et autres réceptions où les couteaux valsent dans le dos des absentes, trompées et quittées se retrouvant à Paris dans un trois pièces à Malakoff. Autour des bouchées de chocolats autrichiens et des bulles de champagnes, les poules cocottent avec cette crainte de retourner auprès des modestes. Ève s’échappe tel quelle de la présence de sa mère ramenée rapidement à l’aéroport. Elle s’échappe également d’une lectrice assidue de sa bibliothèque, Mme Belin incarnée par la rafraîchissante Évelyne Buyle. Ève tombe alors de haut avec la découverte de la liaison de son mari. Son monde peut s’écrouler à tout moment. Marc Fitoussi s’attache à cet instant au livre de Karin Alvtegen, Trahie, dont il s’inspire librement. Au lieu de se taire et de subir, Ève épie son mari puis l’institutrice, avec qui elle va commencer un jeu de manipulation dangereux.

Les Apparences essayent d’être sauvegardées pour Ève au cœur de ce conglomérat de Français froids. Elle est cette « Ève » de Mankiewicz qui s’est assuré un rôle de premier ordre sur le point de chuter. Elle erre alors pour s’enivrer un soir et les réactions vont s’enchainer. Les Apparences chabroliennes souhaitées par Fitoussi se conjuguent avec l’obsession Hitchcokienne dans les rues de Vienne. Une escapade d’un soir se transforme en un vertige infernal entraînant le couple vers l’irrémédiable. Marc Fitoussi orchestre un schéma associant à merveille deux maîtres, Chabrol vénérant Hitchcock à l’image de la nouvelle vague, plus particulièrement François Truffaut, cité en clin d’œil au détour de quelques séquences. Comme une évidence enfin de voir le cinéma français convoquer les deux artistes au sein même d’un thriller bourgeois aux faux-semblants empoisonnants. La séquence à l’opéra, lors de la représentation d’Henri, est la parfaite symbiose de ce triangle pervers entre Ève, Tina (Laetitia Dosch) et Jonas (Lucas Englander). L’instant de bascule plongeant Ève dans les dédales infernaux de ses actes. Les retournements sont assurés, chacun jouant les cartes en leurs faveurs avec une issue convenue. Le plus important est dans l’épilogue, les apparences toujours chez un coiffeur puis dans l’appartement en déménagement où Henri sort de son mutisme pour exprimer sa raison. Que penser de Benjamin Biolay, acteur forcé de par sa notoriété, dont les rôles s’adaptent au chanteur et non le contraire. Ce qui en fait un (f)acteur risque pour une œuvre dans son empathie. Son apparence taiseuse lui laisse ici du crédit se dévoilant dans l’épilogue alors que tout le long-métrage, il lui suffisait d’un regard pour le saisir. Homme en dehors de toute cette connivence superficielle, il s’attache à une instit banale pour retrouver une certaine vérité. La réalité d’un monde qui ne l’entoure plus, seulement des apparences dont il se coupe pour rester intact. Ce que le dernier regard face caméra d’Ève dans la calèche laisse présager plus ou moins le contraire la concernant.

Les Apparences est justement un film qui les cache à merveille. Difficile de se laisser convaincre à découvrir ce film qui nous entraîne, finalement, dans une histoire retorse diablement menée par Marc Fitoussi. Le réalisateur assume ses références pour mieux en jouer. Karin Viard l’accompagne avec beauté et conviction dans un rôle inhabituel pour cette actrice qui continue de nous surprendre, et ce toujours en bien. Les Apparences sont donc sauves pour ce film aux airs guindés se révélant être une agréable réussite.

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