Édito – Semaine 3

21h, 20h et maintenant 18h, l’heure du couvre-feu décrétée par le gouvernement pour tâcher d’éviter un nouveau pic d’épidémie et surtout un reconfinement déjà mis en vigueur dans certains de nos pays voisins. On se demande encore à quoi peut bien servir un couvre-feu imposé aussi tôt dans un pays paralysé de tous les côtés. C’est pour éviter ‘’l’effet apéro’’ nous dit-on. Effectivement on a vu, entre 18h et 20h, des gens se masser auprès de certains bistrots et cafés pour boire un coup mais surtout pouvoir recréer du lien social, chose que le gouvernement nous enlève peu à peu, à grand renfort de restrictions parfois difficiles à comprendre. Éviter la propagation du virus c’est une chose, mais autant le faire intelligemment.

Alors que tout le monde se résigne presque déjà à un troisième confinement se profilant pour février/mars, on apprend avec stupeur que dans certains pays européens, notamment en Espagne et au Portugal, les lieux culturels n’ont pas été refermés et que théâtres, cinémas, opéras et cirques assurent leurs projections et représentations avec des salles forcément moins remplies, mais néanmoins ouvertes. Si chaque pays est différent, on se demande encore pourquoi, au pays de Molière et des frères Lumière, nos lieux culturels sont toujours fermés. Avant déjà cela nous semblait une aberration totale (les centres commerciaux bordéliques ouverts, mais les cinémas avec des distanciations se respectant facilement fermés, ça reste forcément en travers de la gorge) mais désormais cela apparaît de plus en plus comme une honte totale à l’heure où notre Ministre de la Culture ne peut pas faire grand-chose à part ‘’réfléchir à un modèle de réouverture’’ comme si cela semblait demander un effort totalement harassant et qu’il fallait tout réinventer alors qu’un peu d’organisation suffirait à faire vivre nos lieux culturels et donc, la vie sociale.

Car il ne s’agit pas pour nous d’aller se pinter la gueule au troquet du coin avant 20h (enfin maintenant on ira le faire avant 18h) et de câliner tous les gens qu’on croise, simplement un lieu culturel, quand bien même on y respecte les distanciations, est avant tout un lieu où l’on crée du lien social, où l’on partage quelque chose, une expérience à même de combler notre solitude. Il nous faut plus que des mails, des sms, des conférences zooms avec toujours les mêmes collègues pour être épanouis, il nous faut sortir et retrouver de la vie. Nous-mêmes dans la rédaction nous en avons fait l’expérience, les festivals de Deauville et de Lyon, masqués et avec le respect des gestes barrières, ont fait un bien fou, nous ont aérés l’esprit nous apportant un peu de vie. Il ne nous semble pas demander beaucoup, il ne nous semble pas que cela soit totalement aberrant, nous ne voulons pas être prioritaires sur des questions plus urgentes, nous voulons simplement être écoutés, vraiment. Pas avec la promesse de dates pour statuer sur de nouvelles dates pour statuer sur une éventuelle réouverture qui ne se fait pas. Il nous faut du concret, il nous faut de l’espoir, chose qu’on nous a totalement enlevé en décembre dernier en disant que lieux culturels ne rouvriraient pas. Depuis on sent la profession résignée, blasée, en attente.

En attente de quoi ? Que des chiffres tombent pour que le gouvernement prenne des décisions. Et vu la somme d’incohérences et de mauvaise gestion accumulées dernièrement, on ne croit même plus dans le bon sens du gouvernement, parti quand le virus est arrivé. En attendant nos bureaux de rédaction sont vides et tristes, nos agendas privés de projections presse et nos regards rivés sur les sorties vidéo et les plates-formes SVOD pour avoir de l’actualité. Le grand écran nous manque, à Bercy Village, lieu de nos réunions habituelles idéalement situé entre l’UGC Bercy, la Cinémathèque française, une Fnac et une boutique indépendante de comics, la cour est vide. Si l’on s’approche suffisamment des cinémas où trônent des affiches vieilles de plusieurs mois, on sentirait presque l’odeur des sièges et on entendrait presque le bruit agaçant du pop-corn mâché bruyamment. Tout ça nous manque, on en rêve et l’on attend qu’un jour, peut-être cette année, tout rouvre, que les lumières s’éteignent et que l’on voyage, dieu sait que nous en avons grand besoin.

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