Soul: Une philosophie de vie

Co-réalisé par Pete Docter (Monstres et Cie, Vice Versa, Là haut) et Kemp Powers, Soul est un film que l’on attendait depuis longtemps. On espérait fortement qu’il sortirait au cinéma. Cependant monsieur Covid en a décidé autrement. Il devait initialement sortir en novembre dernier mais c’est finalement le 25 décembre dernier qu’il est diffusé sur Disney +. Sans doute pour tenter d’égayer notre Noël « pas comme les autres ». Les pays ne disposant pas (encore) de cette plateforme de streaming pourront le sortir dans les salles obscures. Et ils ont, d’une certaine manière, bien de la chance. 

Que se passe-t-il quand une âme se sépare de son corps ? Il existe différentes interprétations quant à la vie après la mort. Et bien Pixar en a une vision assez particulière. Selon eux, il y a le Grand Avant et le Grand Après. Tout cela étant régi par des conseillers aux mêmes prénoms : Michel, « l’assemblage des champs quantique de l’univers ». Une fois passées l’arme à gauche, les âmes sont conduites dans une sorte d’escalator vers leurs destinées. La plupart sont choisies en tant que mentors dans le Grand Avant, en conseillant, de ce fait, les petites âmes avant leur entrée sur terre. Dans le cas contraire, elles vont dans le Grand Après. Des noms joliment trouvés pour ce qui signifie le début ou la fin de vie. 

Soul raconte l’histoire de Joe Gardner, un New Yorkais d’une quarantaine d’années passionné (mais vraiment) par le Jazz. Seulement, il n’a jamais pu percer dans son domaine et devient donc professeur de musique pour des élèves désintéressés. Alors qu’il rend visite à sa mère, il reçoit l’appel d’un de ses anciens élèves. Ce dernier lui propose de jouer pour une musicienne de renom. Euphorique à cette idée, il ne voit pas la bouche d’égout ouverte dans la rue et se retrouve séparé de son corps après sa chute. Une bien stupide mort que Disney camoufle gentiment.

Il atterrit alors dans le Grand Avant. Le lieu où les petites âmes développent et gagnent des passions avant d’être transportées dans un enfant nouveau-né. Afin de ne pas se retrouver dans le Grand Après, Gardner doit travailler avec une jeune âme (toutes bleues, toutes mignonnes), 22. Ça va être difficile pour lui puisqu’elle a une vision sombre de la vie. Mais s’il veut retourner sur Terre, il n’aura pas le choix.  Le début d’une expérience enrichissante. 

À première vue, ce film d’animation remplit les cases typiques d’une production Pixar/ Disney. Nous avons un personnage principal ayant des rêves (Jamie Foxx en VO, Omar Sy en VF), une quête initiatique, 22 l’âme sarcastique, (Tina Fey en VO, Camille Cottin en VF) et un guide avec Vendelune.  Tous les trois forment un parfait trio signé Pete Docter. Il est toutefois dominé par le Tandem Joe/22. Donc, l’optimiste et la grincheuse (qui ne sont pas sans rappeler Joie et Tristesse de Vice Versa)

Le doublage des personnages est dans l’ensemble assez réussi. Et également en version française même si Omar Sy peine à se détacher de sa voix originale. Pour qu’un doublage soit impeccable, il faut que l’acteur se délaisse un minimum de sa personnalité pour se fondre dans celle de son rôle. Toutefois ici, il n’y arrive pas. Sa voix ne colle pas vraiment au caractère du personnage. Alors que nous avons un Joe peu sûr de lui, son doublage montre au contraire un homme au caractère bien trempé.

Camille Cottin, elle, fusionne parfaitement avec 22. Pour celle qui a déjà expérimenté le doublage cette année avec Petit Vampire, jouer une cynique n’est pas quelque chose qui lui est étranger. Dans son rôle d’Andréa Martel (Dix pour cent) ou en tant que Camilla (Connasse), elle n’est pas dépaysée non plus et apporte beaucoup d’humour au personnage. Sa vision de la vie nous fait sourire tout en nous émouvant. Peut-être parce qu’au fond, c’est son personnage qui s’approche le plus de la vérité au sein du récit.

Par l’intermédiaire de ses personnages, les thématiques du film sont assez explicites. Avec la quête de soi et le but d’une vie dans une mise en situation intelligente. 22 soulève des points intéressants : pourquoi vivre si c’est pour mourir dans quelques années ? Est-ce que nous naissons avec une âme ou est-ce que l’âme se forge au cours de nos vies avec nos passions, nos envies et nos rêves ? Et comment nous nous formatons à devenir ce que la société voudrait que l’on soit ? Dans ce sens les Michel seraient une personnification de la société. Leur intérêt est de construire littéralement les individus à partir de caractéristiques réductrices.

Sans rentrer dans de profonds cours de philosophie, Soul pose ces quelques questions afin que l’on puisse réfléchir sur nos vies. Si le film semblait dès le début dire que, le personnage « a raison » d’aspirer à plus grand qu’être prof de musique, on se rend compte au final qu’on est complètement passés à côté du message. Par l’exemple de Joe, Soul veut nous montrer qu’après avoir eu les choses que l’on souhaite on prend conscience de leurs futilités. Finalement, il faut profiter, ressentir, se focaliser sur le plus important, prendre le temps de vivre. Et comme, le dit si bien Gardner nous passons la majorité de notre vie sous le mantra : Métro, boulot, dodo. Un schéma tout tracé depuis notre enfance. Mais aujourd’hui, alors que nous passons des fêtes de fin d’année singulières, cette idée commence à devenir obsolète. 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser en regardant la bande annonce, le Jazz n’est pas assez exploité. Bien qu’il soit classé dans la catégorie « Célébrons les héros de la communauté Noire » sur Disney+, on n’y retrouve finalement pas grand-chose de la culture noire hormis le Jazz. Et c’est bien décevant surtout pour les personnes qui souhaitent regarder un film engagé, le classement du film dans cette catégorie étant assez trompeur.

La musique jongle donc entre des notes vibrantes de batterie/ contrebasse digne d’un bœuf et des thèmes plus mécaniques rappelant les jeux vidéo des années 80. En résumé, lorsque nous sommes à New York, c’est le Jazz et dans les autres mondes (l’avant et l’après), la musique change afin de séparer les lieux. De ce côté-là c’est un peu dommage car les courts passages Jazzy sont tout simplement magnifiques. Et on ressent que Joe en est lui même captivé. Dès qu’il joue la magie opère, rien ne peut l’arrêter. C’est très beau à regarder. 

Encore une fois, priver ce film d’apparaître sur grand écran, c’est sacrifier le travail des réalisateurs. Tant au niveau de la musique que de la qualité de l’animation. La palette de couleur y est cohérente. Des tons chauds allant du beige au marron (rappelant fortement l’automne avec un petit côté rétro) pour New York et des couleurs plus vives dans le Grand Avant. Ce qui est également intéressant dans Soul, c’est que le long métrage joue avec les effets. Dans ce film pensé avec une animation en 3D nous avons à plusieurs reprises des effets de 2D. Un choix qui se retrouve dans notamment Vice Versa avec qui Soul partage des points communs. Les réalisateurs utilisent des codes bien connus par la maison tout en tentant d’y apporter un soupçon de nouveauté (sans toutefois y parvenir). 

Comme tout bon Pixar qui se respecte, Soul s’ancre dans l’univers vaste de la compagnie. Au sein du film apparaissent ainsi de multiples références aux autres productions de la maison mais on vous laisse les découvrir. Ces clins d’œil classiques sont, bien évidemment, intégrés au sein des 22 autres films du studio. Le jouet Nemo dans Montres et Cie, le chien Doug de Là-haut dans Ratatouille… Ce sont des détails pouvant paraître insignifiants mais on peut y voir un moyen discret de rappeler que les longs-métrages Pixar sont liés. Chacun des films a un thème précis : le deuil (Là-haut), l’écologie (Wall-E), la peur (Monstre et Cie), l’amitié (Toy Story) … Ici, nous avons un mélange entre le deuil d’une certaine manière, la peur et le sens de la vie. 

Soul n’est pas un film qui révolutionne le genre. Est-il cependant un bon film pour cette période de fêtes ? Oui, par la qualité de l’animation réaliste et le thème qui n’est pas nouveau mais parfait en vue du contexte actuel. De ce fait, il est probable qu’il touche plus les parents que les enfants (ses thématiques étant étonnamment adultes). Il manque cependant d’émotions et de cœur pour totalement convaincre. Le film suscite avant tout des questionnements sans pour autant nous emporter dans un tourbillon d’émotions, comme les productions précédentes de Pixar, dommage.

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