Le Lion et le Vent : « It is the wind that passes but the sea remains »

Évidemment Rimini Éditions n’avait pas prévu le coup en planifiant cette sortie vidéo mais il se trouve qu’avec le récent décès de Sean Connery, la superbe édition collector Blu-ray Mediabook (avec livret passionnant à l’appui) du film Le Lion et le Vent, disponible depuis le 11 novembre dernier est un beau cadeau à offrir aux fans de l’acteur. Ce n’est certes pas le film le plus connu de sa carrière et on pourra s’interroger sur le choix de Sean Connery pour jouer un bandit berbère mais le fait est que, magie du cinéma aidant, l’acteur a le charisme idéal pour incarner le personnage, homme imbu de lui-même, tyrannique et violent mais également paré d’un code moral très strict et d’une notion de l’honneur dont il ne se dépare jamais. Un personnage ambivalent et complexe, à l’image de John Milius, réalisateur du film, qui signait là son deuxième long-métrage.

Car si Le Lion et le Vent capte l’intérêt par la présence de Sean Connery à son casting, il s’agit en premier lieu d’un film éminemment personnel de John Milius qui s’inspire librement d’une histoire vraie pour mettre face à face deux hommes qui ne se rencontreront jamais, qui s’affronteront à distance et qui partagent de nombreux points communs. Le lion du titre c’est Raisuli, chef berbère qui, dans le Maroc de 1904 saigné à blanc par la colonisation européenne, kidnappe l’américaine Eden Perdicaris et ses deux enfants. Son but est évidemment d’en tirer une rançon et de permettre la destitution du sultan actuel du pays, Raisuli ayant pour son peuple d’autres ambitions que celles que de lécher les bottes des européens, nourrissant une vengeance due à plusieurs années d’emprisonnement. Le vent du titre, c’est Theodore Roosevelt, comptant alors être réélu à la présidence américaine et qui, face à cette affaire au retentissement international, doit la gérer du mieux possible sans pour autant se départir de son caractère fort et de ses idées bien arrêtées sur l’Amérique.

Deux personnages différents donc mais tous deux régis par un code moral qui leur est propre, sans avoir peur de recourir aux armes et à la violence. Deux hommes à qui John Milius donne toute son admiration sans pour autant sombrer dans le patriotisme aveugle, son portrait de Roosevelt n’étant pas dénué d’ironie. On a souvent taxé de Milius de macho amoureux des armes, se rêvant en général sur ses plateaux. Si l’homme a bien souvent alimenté sa propre légende, quitte à se mettre à dos une bonne partie d’Hollywood, la réalité est évidemment plus nuancée (le cinéaste se considère lui-même comme un anarchiste zen) et son talent de conteur le prouve. Dans Le Lion et le Vent, Milius a beau affirmer son admiration pour l’Amérique, il n’en demeure pas moins lucide sur son pays et sa vision de Theodore Roosevelt (magistralement incarné par Brian Keith), tout en étant pétrie d’admiration (les séquences autour du grizzly sont formidables) ne manque pas de mordant. Il faut aussi souligner son portrait complexe de Raisuli et de la situation politique du Maroc, loin des clichés que le cinéma américain pouvait réserver au monde arabe avec, comme toujours chez Milius, de mémorables lignes de dialogues.

Avec Lawrence d’Arabie en tête (il aurait d’ailleurs voulu en premier lieu Anthony Quinn ou Omar Sharif pour jouer Raisuli), Milius signe là un récit d’aventure au souffle épique et pour contredire les mauvaises langues qui le taxeraient de machiste, il fait d’Eden Perdicaris (Candice Bergen, récupérant avec panache un rôle prévu pour Faye Dunaway) une otage peu docile, femme d’une grande intelligence et d’un grand courage, qui n’a pas peur de tenir tête à son ravisseur pour mieux finir par prendre les armes pour le sauver à la fin du récit. Au cœur du film se trouvent également les deux enfants d’Eden qui, vivant dans un cocon doré au début de l’histoire, trouvent dans leur kidnapping une forme de jeu et d’incroyable liberté, leur escapade dans le désert les confrontant au monde qu’ils affrontent avec un ravissement étonnant.

Cette ode à l’aventure et au courage, offrant toute son admiration à ceux qui vivent selon leur propre code moral, est bien l’œuvre de John Milius dont on ne sait guère s’il se rêvait plus en Raisuli ou en Roosevelt. Une chose est sûre, c’est qu’il n’y avait qu’un cinéaste avec un tel caractère pour raconter cette histoire avec une telle gourmandise et une telle envie de cinéma, brandissant fièrement ses références (le climax fait penser à du Peckinpah) tout en composant une œuvre farouchement personnelle dont il serait fort dommage de se priver.

1 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*