Édito – Semaine 46

L’année 2020 est décidément une année de merde, tout le monde s’accordera là-dessus. Certainement lassé de l’agitation d’un monde devenu fou et de plus en plus au bord du précipice, Sean Connery s’en est donc allé le 31 octobre dernier, achevant de faire de cette année un long tunnel noir dont on commence à désespérer de voir le bout un jour. 2020 était déjà suffisamment déprimante comme ça pour les cinéphiles avec ses cinémas fermés, ses reports de sortie à tire-larigot et ses décès à la chaîne (Michel Piccoli, Ennio Morricone, Claude Giraud, Roger Carel, Alan Parker, Kirk Douglas, Olivia De Havilland, Juliette Gréco, Guy Bedos, Max Von Sydow, Diana Rigg, Terry Jones, Ian Holm, Chadwick Boseman, Michael Lonsdale et tant d’autres encore) mais Sean Connery, plus que les autres, c’est un décès qui frappe en plein cœur.

Parce que comme le disait si bien mon cher collègue Mathieu, c’était un père de cinéma pour beaucoup d’entre nous. Sir Sean Connery traversait les générations avec panache, son charisme intact. Nombreux sont ses films que l’on découvrait enfant, au cinéma, à la télévision, en VHS ou en DVD. Il était l’éternel James Bond, le père d’Indiana Jones. Tout jeune, nous hurlions de désespoir lorsqu’il se faisait assassiner dans Les Incorruptibles et en dépit de son immense charisme, nous n’arrivions jamais à bout du Nom de la Rose tant les meurtres sur lesquels il enquêtait nous terrifiaient. Il faudra attendre nos 15 ans pour enfin avoir la conclusion de l’enquête de Guillaume de Baskerville. On s’éclatait devant Rock, on l’adorait dans Highlander, on le rayait tout de suite de notre liste de suspects dans Le crime de l’Orient-Express (naïfs que nous étions !), on s’étonnait de le voir apparaître dans Robin des Bois, prince des voleurs (nous n’avions pas encore vu La rose et la flèche) et si l’on était plus occupés à dévorer des yeux Catherine Zeta-Jones dans Haute voltige, il restait cette masse de charisme immense, ce bloc de pur talent dont on devinait qu’il ne fallait pas plaisanter avec.

Vint ensuite le temps de découvrir les films en version originale et d’apprécier son timbre de voix et son accent qui n’ont fait qu’accentuer notre admiration envers lui. Même quand il se trimballait en slip rouge dans Zardoz, on ne pouvait s’empêcher d’admirer la classe du mec. Plus tard, qu’il soit chez John McTiernan (A la poursuite d’Octobre Rouge, Medicine Man), Peter Hyams (Outland, Presidio : Base militaire, San Francisco) ou chez Sidney Lumet avec qui il eut une très belle collaboration (avec à la clé la découverte choc de The Offence, son rôle le plus sombre), l’admiration ne faiblissait pas, au contraire. On commençait à avoir suffisamment de recul pour se pencher en détails sur sa carrière, reconstituer nos souvenirs d’enfance et réaliser qu’il enchaînait films cultes et grands films. Pas étonnant que tout le monde ait l’impression d’avoir grandi sous son ombre rassurante, lui dont le flegme et la stature l’imposaient comme un modèle à admirer (même s’il ne faut pas prendre tout ce qu’il fait à l’écran pour argent comptant, les claques aux fesses et les strangulations par bikini envers les femmes dans sa période 007 n’étant pas des choses à reproduire, à moins d’un consentement mutuel, j’insiste bien là-dessus), comme un père que l’on aurait pas forcément voulu avoir (parce que bon, Henry Jones Senior ce n’est pas un super modèle non plus) mais qui nous faisait rêver. Film après film, année après année, Sean Connery vieillissait si bien qu’il suscitait l’admiration même chez les moins cinéphiles de la famille (‘’quelle classe ce Sean Connery tout de même !’’, phrase entendue inlassablement dans la bouche de mon père).

Tout le monde le connaissait, tout le monde l’aimait. Il faisait partie de ces acteurs qui, très vite, s’imposent dans l’imaginaire cinéphile et vers qui l’on revient inévitablement tout au long de sa vie, l’un de ceux dont on redoutait le départ même s’il avait pris sa retraite depuis longtemps. Il nous aura fallu un long moment pour encaisser la nouvelle et finalement l’accepter : Sean Connery est mort. Et si l’on pleure l’homme, il nous restera toujours l’acteur. Celui qui avait voulu être roi chez John Huston dans ce qui était son plus beau rôle a réussi son coup : roi il l’est, incontestablement et pour toujours.

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