Rebecca : La première est toujours la meilleure

Il est incroyable de constater combien certains films gardent leur puissance intacte et combien cinéastes traversent les âges avec une grâce absolue. C’est le cas de Rebecca, réalisé en 1940 par Alfred Hitchcock, conte gothique et vénéneux à l’audace encore étonnante de nos jours. Le film ayant 80 ans, on pouvait évidemment penser qu’en 2020, il y avait encore des choses à dire sur le roman de Daphne du Maurier et sur ce qu’il pouvait raconter de notre époque à travers une nouvelle adaptation. C’est donc intrigué qu’on se lance dans ce Rebecca réalisé par Ben Wheatley et disponible sur Netflix depuis le 21 octobre dernier. Et c’est inévitablement déçu qu’on achève le visionnage.

Il y a des projets qui semblent voués à l’échec dès leur idée de base. Refaire Rebecca, même en arguant qu’il s’agit d’une nouvelle adaptation du roman éponyme et non d’un remake du film d’Hitchcock, c’est s’exposer aux critiques. Et clairement, on attendait mieux de la part de Ben Wheatley qui, de cinéaste singulier avec Kill List s’est transformé ces derniers temps en réalisateur semblant être partout et nulle part à la fois, prenant les projets comme ils viennent sans se soucier d’une réelle cohérence dans sa carrière. Avec Rebecca, Wheatley semble tellement écrasé par l’ombre d’Hitchcock qu’il n’ose aucune audace, aucun débordement. Son film, bien que baigné dans des atmosphères jaunes et bleues assez belles, est désespérément lisse.

Formellement, outre dans son travail sur la lumière, le film se contente du strict minimum, mais reste au moins assez agréable à regarder. Le vrai souci se situe du côté du scénario et de la direction d’acteurs, aucun membre du casting ne semblant réellement avoir quelque chose à défendre. Lily James nous refait le coup de la jeune femme maladroite devant apprendre à s’affirmer, Armie Hammer (pour qui, au demeurant, on éprouve beaucoup de sympathie) est ici d’une fadeur absolue et seule Kristin Scott Thomas, reprenant de façon assez évidente le rôle de Madame Danvers semble s’amuser et offrir à son personnage quelques traits de caractère qui, s’ils ne sont guère subtils, font plaisir à voir dans un récit aussi dénué de nuances.

Ici, la réflexion sur l’amour, la mort et les fantômes du passé est diluée dans un scénario sans aspérités, incapable de provoquer le moindre intérêt et surtout le moindre trouble là où le film d’Hitchcock en était rempli. Certes, nous sommes loin de l’indigence totale, en soi ce Rebecca se laisse regarder, mais c’est tout de même bien trop faible pour susciter un intérêt quelconque pour le film qui n’ose même pas proposer quoi que ce soit de véritablement excitant, comme ankylosé là où l’on aurait accueilli des audaces et même des trahisons avec gourmandise. Non finalement, ce film-là est comme son héroïne, il plane au-dessus de lui un fantôme, intemporel et à jamais indétrônable, celui du Rebecca d’Hitchcock, le seul, le vrai, pour toujours et à jamais.

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