Enola Holmes : Élémentaire…

Sherlock Holmes a une petite sœur ? Nous n’en sommes pas vraiment sûrs. En tout cas dans les recherches effectuées à cet effet, rien ne ressort dans les écrits d’Arthur Conan Doyle. Il a un frère, Mycroft, mais pas de traces d’Enola dans la généalogie canonique de ce cher Sherlock.
Enola est en effet la création de Nancy Springer, héroïne au cœur d’une série de romans pour adolescents depuis 2006 avant une adaptation en bandes dessinées. Enola, prénom étrange signifiant Alone (seule) à l’envers, ce qu’elle ne sera jamais vraiment au cœur de ses multiples enquêtes. Ce premier film s’inspire tout naturellement du premier tome écrit par Nancy Springer, La Double Disparition, édité chez Nathan en 2007. Enola est, dans cet univers, la cadette de la famille Holmes, née en 1884. Elle vit seule dans la campagne britannique avec sa mère, Eudoria, qui l’éduque de manière peu orthodoxe. Quand Eudoria disparaît mystérieusement, Enola se retrouve obligée de contacter ses frères, Mycroft et Sherlock, qui ont respectivement 27 et 20 ans d’écart avec elle. Ce dernier étant un célèbre détective, Enola pense qu’il pourra l’aider à retrouver la trace de sa mère. Néanmoins, quand ils découvrent que leur petite sœur est loin d’être un modèle de sagesse et de politesse, ils décident de l’envoyer en pensionnat pour la rendre acceptable en société. Mécontente, Enola se déguise et s’échappe en direction de Londres où elle est amenée à résoudre un mystère.

La petite sœur va se retrouver être une aspirante détective héritant de l’intuition et de l’intelligence de son célèbre frère. Aussi aventureuse (mais pas droguée, le côté sombre du détective étant totalement effacé), elle s’échappe de toutes les conventions infligées par son frère Mycroft pour se trouver au cœur d’un long et sombre méli-mélo. Long, trop long film familial d’abord produit pour le cinéma par Legendary Pictures et Warner Bros avant que Netflix rachète les droits pour combler les trous d’un planning infecté par la COVID-19.
Disponible depuis le 23 septembre 2020, Enola Holmes brise, tout le long métrage, le quatrième mur pour que l’on comprenne mieux ses agissements. L’introduction s’évapore ainsi sans la moindre intention de cinéma accélérant les origines familiales et la compréhension des aptitudes de la jeune fille élevée de manière libérale par sa mère incarnée machinalement par Helena Bohnam Carter. Bienvenue donc chez les Holmes et une adaptation littérale par la forme d’un réalisateur ne s’imposant jamais réellement par son style. Un peu du Secret de la Pyramide saupoudré d’une touche pop à la Guy Ritchie sauf qu’il manque Robert Downey Jr en Sherlock. Ici, c’est l’imposant Henry Cavill qui incarne le détective dans ses premières enquêtes et au début de sa célébrité. Cavill n’est par son style jamais un Sherlock Holmes convaincant, dépassé par sa petite sœur ayant toujours un coup d’avance. Cavill est un parfait Superman, mais un Sherlock à la carrure beaucoup trop massive pour s’imposer dans un rôle somme toute complexe. 

Quid de la petite Enola ? Incarnée par la vive et malicieuse Millie Bobby Brown, elle sort du prisme Stranger Things pour se révéler être une future grande star d’Hollywood. Charmante en tout point, elle est de tous les plans et ravira les bambins qui se retrouveront dans cette élaboration d’un personnage féminin fort et moderne s’ouvrant au monde alors que les suffragettes réclament les droits des femmes. Après avoir affronté Godzilla, Millie Bobby Brown s’éclate dans ce rôle libre interpellant en permanence son spectateur. La plateforme SVOD se réjouit de capitaliser de nouveau – et à raison – sur cette jolie bouille qui risque de vampiriser rapidement tout le cinéma US. En attendant, elle incarne la sœur de Sherlock Holmes avec entrain en dépit d’un film qui ne lui rend point la monnaie de sa pièce. Piètre tentative de féminiser un héros populaire de la littérature anglaise en pleine ère #MeToo tout en s’arrangeant de réécrire bêtement l’histoire en incrustant des personnages de tous horizons au cœur d’un Londres du début du 20e siècle. Disney fait des petits et l’on se retrouve avec une serveuse Afro-Anglaise qui pratique le karaté ou quelques personnages asiatiques. L’hypocrisie d’une industrie du divertissement qui ne sait plus où donner de la tête pour plaire, alors que la simple solution est de contextualiser un récit en bonne et due forme et d’être sincère avec le produit vendue. Ce que Disney, ou ici Legendary Pictures avec Enola Holmes, ne sont jamais prenant ses consommateurs pour des demeurés finis.

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