Rob Zombie : Le chaos à l’œuvre

Avec pareil patronyme, pour quiconque ne connaîtrait pas bien le bonhomme et tout l’univers qui lui est associé, la tentation de l’assimiler à ces personnalités du métal sans âme, se réfugiant dans une imagerie grand guignolesque par goût de la provocation de bas étage, sans se démarquer du tout-venant, serait bien évidemment grande. Pourtant, depuis le temps qu’il est dans le circuit, partagé entre ses carrières musicale et cinématographique, s’étant fait un nom au-delà du petit cercle d’amateurs de personnalités trash et borderline, il nous semblait opportun, alors que sort directement en vidéo son troisième et tant attendu volet de la saga consacrée à la terrible famille Firefly, de nous attacher à la carrière d’un artiste ne ressemblant bien qu’à lui-même. Car en dépit d’influences parfois criantes et assumées de sa part, il semblerait bien réducteur de ne résumer sa carrière générale qu’à un gigantesque pot pourri de références mal digérées, tant il semble évident désormais, que l’on peut reconnaître un film de lui quasiment dès la première image.

Né Robert Bartleh Cummings, dans une ville du Massachusetts, le jeune garçon grandit dans un milieu circassien, dont l’univers souvent troublant lui inspirera sans aucun doute de nombreux personnages futurs. Se passionnant dans un premier temps pour le hockey, il finit par se passionner durant son adolescence pour la musique, en particulier le hard rock avec comme figures de proue des groupes aussi emblématiques que Black Sabbath, Kiss, ou l’artiste Alice Cooper, dont les univers baroques et grandiloquents auront sans nul doute infusé dans son esprit au point de lui inspirer ce personnage de scène qu’il deviendra par la suite. Passant par une école d’art et de dessin et la Pratt Institute de New York, établissement privé d’enseignement supérieur, il sera renvoyé de ce dernier en raison de mauvaises notes. Néanmoins, si les études n’étaient sans doute pas faites pour lui, il ressortira au moins de cette période cette attirance pour un milieu artistique, ce qui l’amènera à travailler comme technicien pour une émission de télévision pour enfants où il fera une rencontre décisive pour sa future carrière musicale, à savoir Shauna Reynolds (future Sean Yseult), qui deviendra la bassiste du groupe White Zombie.

En réalité, nous ne nous étendrons pas sur la carrière musicale de Rob, ce qui nous intéresse ici étant bien entendu sa carrière cinématographique. Mais ce petit retour en arrière est tout de même nécessaire pour comprendre un peu la personnalité d’un artiste total, qui n’aura trouvé son plein épanouissement qu’en se frottant à divers domaines ayant tous comme trait commun une expression d’un univers horrifique poussé de plus en plus vers l’extrême, dont le point d’aboutissement ultime aura bel et bien été son épanouissement au cinéma.

La maison des 1000 morts

Avant de réaliser son premier long-métrage, il vient naturellement à la mise en scène en s’attelant à des vidéo clips, notamment pour son propre groupe, et pour lui-même. Son goût pour les univers horrifiques poussés associés au cinéma d’épouvante classique transparaît très rapidement, avec ce petit plus de créativité montrant que le bonhomme a peut-être plus d’un tour dans son sac. Affirmant fièrement posséder une collection monumentale de films d’horreur, mais appréciant le septième Art dans son ensemble, il tirera de sa connaissance encyclopédique du genre (difficile de le prendre en défaut en la matière) un univers à la fois familier et personnel, tirant la substantifique moelle de ses multiples références pour les mener dans des retranchements vers lesquels peu de cinéastes spécialisés se seront risqués auparavant. Lorsque vient le temps de son premier long-métrage, le public pas forcément familier du musicien, est sans doute un peu sceptique. Des artistes de divers horizons faisant leur caprice pour ne récolter au final que l’indifférence ou le mépris, faute d’avoir véritablement réfléchi leurs premiers pas derrière une caméra, ils sont nombreux et pour la plupart déjà oubliés. Mais les personnalités pour qui ce passage au cinéma se fait véritable désir impérieux, et ayant de véritables choses à exprimer, se comptent sans doute sur les doigts d’une main. Et lorsque débarque ce fameux premier film, et son titre à la fois intrigant, mais faisant craindre le nanar de série Z, la surprise n’en est que plus grande. The house of 1000 corpses (La maison des 1000 morts en Français), est bel et bien un aperçu plus que satisfaisant de tout ce que sera le cinéma de Rob à l’avenir, mais à la mode premier film. À savoir que les réflexes du faiseur de vidéo clips, sont bien présents, et surtout cette façon finalement saine de tout balancer au shaker, avec cette crainte que ce premier film soit aussi le dernier. Par peur de ne plus pouvoir exprimer toutes ses idées par la suite, cette volonté de tout mettre immédiatement est donc habituelle, mais entre les mains d’une personnalité aussi affirmée que ce dernier, cela peut rapidement se transformer en or.

La maison des 1000 morts

Se situant lors de la nuit d’Halloween, fête adorée par Rob (il se mariera à cette date), le film met en scène deux jeunes couples se lançant à la recherche du célèbre Docteur Satan, tueur en série et véritable légende locale. Mais alors qu’éclate ce fameux orage typique de ce genre de film, ils sont obligés de se réfugier dans une maison mystérieuse où vit la famille Firefly, véritables cinoques adeptes de choses aussi charmantes et enviables que le cannibalisme, le satanisme et le meurtre en série. Avec ses personnalités aussi frappadingues, et, quelque part, truculentes, que le Capitaine Spaulding (interprété par le regretté Sid Haig), Otis Driftwood (Bill Moseley), psychopathe de la pire espèce et Baby, interprétée par l’épouse du réalisateur, Sheri Moon Zombie, la famille entre immédiatement au panthéon des plus beaux dingos du cinéma. Avec comme figures tutélaires les membres de la famille de Leatherface, de Massacre à la tronçonneuse, sans doute LA référence ultime de Rob, au milieu de clins d’oeil plus subtils à des films plus ou moins reconnus. Mais malgré ces références parfois voyantes, se fait déjà jour ce qui deviendra la marque de fabrique de l’apprenti cinéaste, à savoir cet amour des freaks, et surtout, un univers carnavalesque, que l’on retrouvera tout au long de sa carrière, malgré des haltes vers un état d’esprit plus roots. Mais pour le moment, l’heure est à la farce macabre, riche de détails aussi sordides que drôles, et d’une galerie de trognes pas possibles, évoluant dans un univers aussi grotesque que flatteur pour la rétine. Totalement éloigné du monde réel, coloré et poussant déjà très loin le curseur de l’horreur graphique, le résultat est aussi maladroit dans sa mise en scène (encore un peu trop bordélique et clippée) que réjouissant et prometteur en matière de personnalité. Comme une impression que l’avenir est tout tracé pour son metteur en scène qui en veut. Et cette promesse, encore à l’état d’embryon dans ce premier film, ne fera que se confirmer deux ans plus tard, lorsque l’heure des rebuts du diable aura sonnée.

The devil’s rejects

The devil’s rejects, suite directe du premier film, démarrera pourtant sur une toute autre tonalité que son prédécesseur. Exit les couleurs bariolées, l’ambiance cauchemardesque grand guignolesque, et place à la vraie sale ambiance, celle qui lorgne tout droit du côté des glorieuses seventies, avec son grain dégueulasse, ses personnages tous plus tarés les uns que les autres, son absence de morale, et son nihilisme tout sauf de façade, car emportant réellement tout sur son passage, jusqu’à la plus petite lueur d’humanité. Inutile de détailler plus en avant les tenants et aboutissants du film, si ce n’est que nous retrouvons notre chère famille en train de savourer le repos du guerrier au milieu des restes dépecés de leurs précédentes victimes, lorsque le shérif Wydell, venant venger la mort de son frère, lancera l’assaut accompagné des forces de l’ordre. Alors que la mère de famille sera embarquée, le frère et la sœur parviendront à s’enfuir, et ce sera dès lors parti pour une odyssée sauvage parsemée de cadavres bien frais, non sans s’être préalablement délectés de quelques savantes tortures du genre bien méchantes à l’encontre des pauvres hères ayant le malheur de croiser leur chemin. À vrai dire, il n’y a pas grand-chose d’autre à dévoiler, tant le tout suinte le sordide le plus ultime, le stade terminal de la dégénérescence d’une certaine Amérique profonde, peuplée de trognes improbables (l’occasion pour le cinéaste de nous placer quelques gueules du cinéma alternatif) évoluant dans un monde n’obéissant à aucune règle, si ce n’est celle de la violence et des pulsions interdites.

The devil’s rejects

Le metteur en scène s’approprie des codes esthétiques déjà bien éprouvés, avec en figures tutélaires des cinéastes majeurs tels que Sam Peckinpah, Arthur Penn, et les références éternelles à Massacre à la tronçonneuse, pour cette ambiance du Sud profond suintant de partout, où pas un personnage ne semble épargné par la sinistrose ambiante. Et les seuls personnages non dégénérés évoluant ici, ne sont condamnés qu’à être des victimes subissant mille tourments entre les mains expertes de notre sadique de service, à savoir Otis, qui passe du monstre abstrait du précédent film au monstre symbole de tous les maux de l’Amérique dans celui-ci, évoquant forcément un certain Charles Manson, mais qui aurait troqué son sens de la manipulation de ses ouailles contre une volonté de fer, exécutant lui-même (bien aidé tout de même par sa frangine, jamais la dernière pour commettre des horreurs), ses méfaits, et avec savoir-faire s’il vous plaît ! C’est dans ces instants où la morale n’a plus droit de cité, où les pires actes se commettent dans la plus absolue impunité, que le film s’éloigne le plus frontalement de l’esprit finalement inoffensif du précédent bébé du cinéaste, pour s’aventurer dans des zones dangereuses où il vaut mieux être prévenu de ce que l’on va voir. Car malgré le cynisme dont il peut faire preuve, faisant mouche lors de certaines répliques d’une méchanceté hilarante, le tout menace à plusieurs reprises de basculer dans le torture-porn le plus incommodant pour le spectateur. Mais là où tant de films de la même période, se vautraient tout simplement dans la fange sans jamais réfléchir cette violence, celle-ci se suffisant en elle-même, avec comme seule et unique finalité que de faire dans la surenchère, la violence, chez Rob Zombie, n’a pas pour fonction à être distrayante. Si le spectacle est bien présent, et que derrière les multiples horreurs étalées à l’écran, il est tout de même permis d’être diverti par ce film sans limites, il n’en est pas moins sérieux dans son traitement de la sauvagerie, n’essayant surtout pas de glorifier plus que de raison ses protagonistes. Si les malheureuses victimes ne sont réduites qu’à des pantins malmenés à loisir par le scénario vicelard, leur souffrance palpable et le sadisme intolérable dont font preuve les bourreaux nous placent à la fois du point de vue de ces derniers exultant à faire subir tous les outrages à leurs victimes, que de celui de ces dernières dont on guette à chaque instant la possibilité d’une porte de sortie, tout en sachant pertinemment que leur sort est scellé d’avance. Une façon de regarder le mal bien droit dans les yeux, en évitant toute leçon de morale et en laissant le spectateur seul maître de ses pensées, complice malgré lui de ces bons gros salopards.

The devil’s rejects

Alors que le premier film était sorti directement en vidéo en France, c’est en salles que débarquera cette suite, aidée par une réputation acquise au fil de projections sans doute épiques en festivals. Une époque paraissant bien lointaine aujourd’hui, alors que le troisième épisode arrive par la petite porte du direct to vidéo aujourd’hui. Une époque où ce genre de pelloche sale, énervée et ne cherchant jamais à s’excuser de quoi que ce soit pouvait se frayer un chemin (timide, certes, mais tout de même) dans nos belles salles, au milieu de blockbusters délavés. Et on ne peut que fantasmer aujourd’hui, l’effet que cela devait produire de pouvoir contempler sur un écran de cinéma, au milieu de spectateurs « lambda » sans doute innocents et loin de se douter de ce qu’ils allaient voir, les visages de William Forsythe, démentiel en flic pourri jusqu’à l’os, dont le désir de vengeance le pousse à aller bien plus loin que ce que son insigne lui autorise, et à faire jeu égal avec les ordures qu’il pourchasse en terme de cruauté, ou bien encore de son trio de tête, et de bien d’autres encore, visages bien connus des amateurs de bis, desquels on peut retirer ce bon vieux Michael Berryman, Ken Foree ou bien entendu l’immortel Danny Trejo et sa gueule taillée au burin. Tout ça nous donne l’un des derniers grands films du genre, ode aux laissés-pour-compte, aux damnés de cette terre, dont il filme les derniers (vraiment?) souffles lors d’un final paroxystique au son de « Free bird » qui provoque l’orgasme rien qu’à son évocation. Du grand Art, et le ticket permettant à Rob d’acquérir ses galons de cinéaste respecté à qui le meilleur semble désormais permis.

Halloween

Le temps de Halloween est arrivé. Alors que la franchise se trouve au plus bas, abîmée par une succession de déclinaisons ayant peu à peu ridiculisé Michael Myers, Dimension Films compte toujours faire fructifier cette licence qui malgré la médiocrité des derniers épisodes, reste une valeur sûre. Alors que de nombreux projets se succèdent (dont un improbable Michael vs Pinhead), le nom de Rob Zombie arrive vite dans les discussions, les producteurs ayant conscience de l’aura grandissante de l’artiste suite au succès d’estime de The devil’s rejects. Le cinéaste accepte à condition de pouvoir raconter sa propre histoire, qui ne se résumerait pas à un banal remake, mais permettrait d’explorer l’enfance de Michael. Les exigences sont acceptées, et c’est donc en juin 2006 que le studio annonce officiellement le nom de Rob Zombie à la barre de cet opus scindé en deux parties : le prequel, et le remake à la sauce Zombiesque ! Avec son casting là aussi typique de l’auteur, mélangeant nouveaux venus, dont Daeg Faerch dans le rôle de Michael enfant, ou bien Scout Taylor-Compton dans le rôle de Laurie, à des vétérans déjà croisés chez Rob, desquels on peut citer William Forsythe dans le rôle du beau-père alcoolo, Danny Trejo en gardien compatissant, le génial Ken Foree, et on en passe, le film part sur de bons rails. Car au professionnalisme de ces acteurs adorés des fans du genre, c’est toujours un plaisir de découvrir de nouveaux visages, et à ce titre le jeune Daeg Faerch s’avère être une sacrée trouvaille, avec son visage inhabituel, pouvant à la fois laisser passer une certaine innocence propre à l’enfance, et un vide intersidéral qui est celui du Mal le plus absolu, comme ne cessait de le clamer à longueur de films le regretté Donald Pleasance dans la saga d’origine. Donald Pleasance remplacé ici par un excellent Malcolm McDowell, qui campe un Loomis légèrement hippie sur les bords, contrastant grandement avec l’interprétation de son prédécesseur. Citons également l’emploi de la très mimi Danielle Harris, qui ne débarquait pas dans la franchise, vu qu’elle campait la jeune nièce de Michael, Jamie Lloyd, dans les opus 4 et 5 de la franchise. Une Danielle Harris ici âgée de 30 ans, ce qui ne l’empêche pas d’incarner de manière crédible une teenager. Du côté du style, on constate rapidement un changement majeur de tonalité, l’esprit brut de décoffrage du réalisateur tranchant nettement avec le minimalisme de Carpenter.

Halloween

Ultra violent, le résultat aura forcément décontenancé une partie de la critique, ainsi que les fans de l’original, mais aura grandement satisfait les fans de Rob, ravis que celui-ci ne se laisse pas démonter par l’aura du film original. Celui-ci parvient donc à imposer ses partis pris à un studio pourtant guère réputé pour sa grande permissivité à l’égard de ses poulains (rappelons que ce sont les terribles frères Weinstein qui sont à la tête de Dimension) ! Et pourtant, du moins durant sa première moitié, le film étonne par son aspect sordide et d’une brutalité inhabituelle. Rob aime les personnages borderline, et ne se prive pas pour décrire avec toute la sauvagerie nécessaire l’environnement troublé dans lequel grandit le jeune Michael, ne cherchant pour autant pas à charger plus que nécessaire son milieu. Car même si les brutes de l’école et son beau-père à l’allure de loque humaine peuvent éventuellement avoir leur rôle à jouer, il est montré dès le départ que le jeune garçon a de sérieuses prédispositions pour le crime. Sa mère, quant à elle, campée par une Sheri Moon Zombie plus sobre qu’à l’accoutumée, et très touchante en mère dépassée, s’avère d’une bonne volonté qui accréditerait plutôt la thèse du Mal inné, inexplicable. Si cette première partie, se poursuivant jusqu’à la phase prison, s’avère très convaincante, avec ses scènes de meurtres à l’estomac, la partie remake, sans être déshonorante, se montrera plus fragile, ayant du mal à concilier les impératifs commerciaux au style frontal de Rob, à base de dialogues grossiers et de personnages white trash. Parfois maladroit, interminable sur le climax multipliant les poursuites laborieuses, le film peut au moins se reposer sur la prestation impeccable de Scout Taylor-Compton, très différente physiquement de Jamie Lee Curtis, mais possédant elle aussi ce côté fille banale que l’on pourrait tout à fait côtoyer, rendant l’identification très simple, et s’avérant plus que crédible dans les scènes où elle doit exprimer la peur panique.

Halloween 2

Suite au score satisfaisant obtenu par le film aux États-Unis, ce qui n’est pas le cas en France où il est distribué n’importe comment, et en dépit de critiques globalement moyennes, le studio compte toujours faire perdurer la franchise. Se tournant tout d’abord vers le duo Bustillo-Maury, qui sort alors du film À l’intérieur, s’étant très bien vendu à l’étranger, les Weinstein proposent au final le film à Rob Zombie, qui contractuellement, a signé pour deux films. Pourtant celui-ci n’est pas décidé à tourner une suite, ayant à la base prévu de proposer son projet Tyrannosaurus Rex, en guise de deuxième film pour le studio. Mais les producteurs refusent celui-ci, l’obligeant en conséquence à tourner ce deuxième épisode. Mais Rob Zombie n’étant pas du genre à se prostituer en faisant ce qu’on attend de lui, il va utiliser cette contrainte pour commettre ce que l’on pourrait presque qualifier de braquage du siècle, un gros majeur fièrement levé à l’encontre des frérots.

Halloween 2

En gros, il tourne ce que bon lui semble, ayant à coeur de réaliser le film le moins attendu possible au vu de la franchise. Revenant aux sources païennes de cette fête, oubliant après une scène d’ouverture tétanisante les bases de la suite originelle, pour partir totalement sur autre chose, il n’en fait qu’à sa tête, et livre un résultat totalement kamikaze, impossible à malmener en l’état. On imagine avec jubilation l’abject Harvey Weinstein, découvrant le résultat avec fureur, qui malgré sa réputation le précédant en matière de remontages sauvages, se rend compte que tous les remaniements du monde n’y pourront rien, tant le film, dans ses moindres détails, échappe à tout contrôle. Le film est là, punk à souhait, et à moins d’allonger le budget pour le retourner entièrement, il va bien falloir le livrer au public. Sorti en août 2009 aux États-Unis, le film réalise moins que le premier, mais réussit à se rembourser dans le monde, malgré un accueil pour le moins interloqué. Il faut dire qu’entre la vision d’un Michael Myers clochardisé, errant sur les routes d’une Amérique filmée sans aucune esthétisation, son Loomis devenu un véritable enfoiré opportuniste, se servant de la tragédie passée pour s’enrichir sans se soucier un seul instant de l’effet produit sur les gens qui en sont les premières victimes, en particulier Laurie Strode, ici en pleine crise existentielle, cheveux gras en mode grunge, et dont la découverte à mi parcours de son lien de parenté avec Michael la transforme du tout au tout ; toutes ces raisons font qu’il est tout à fait fait possible de comprendre le rejet de certains à l’encontre du résultat. Laurie vit désormais chez sa meilleure amie, toujours campée par Danielle Harris, et ces dernières vont devoir affronter leurs démons passés de la plus effroyable des manières.

Halloween 2

Mon tout est un geste punk d’une liberté folle, dans lequel on perçoit toute la rage du créateur en parfaite cohésion avec celle de son personnage de tueur en série, dont le scénario explore toute la folie, ici hanté par sa mère lui apparaissant accompagnée d’un cheval blanc et de lui-même enfant, interprété par un autre que Daeg Faerch, ce dernier ayant trop grandi dans l’intervalle. Des visions surréalistes anticipant celles du film suivant du cinéaste, où l’on perçoit le besoin de liberté artistique absolue visée par celui-ci. Cela se traduit dans le cas présent par une rage difficilement canalisée, explosant lors de scènes de meurtres d’une bestialité qui laisse tétanisé sur son siège (on n’oubliera pas de sitôt le sort réservé durant les premières minutes à Octavia Spencer, qui pour le dire de manière brute, prend véritablement très très cher) ! D’une violence quasiment inédite dans le genre, le résultat est de nature à ébranler jusqu’aux esprits les plus solides, il faut le dire pas nécessairement préparés à un tel déferlement de haine dans un film de cette franchise. Pour toutes ces raisons, il est tout à fait aisé de comprendre pourquoi le film n’aura pas convaincu grand monde, et n’aura même pas eu droit à une sortie salles par chez nous. Il est d’ailleurs à noter qu’à partir de ce film, plus aucun film de Rob ne sera distribué dans les salles françaises, signe que la liberté va rarement de pair avec la reconnaissance. C’est le prix à payer pour cette absence de compromis, mais il est difficile de nier l’impact durable qu’a le film sur les esprits, s’imposant encore aujourd’hui comme le digest absolu de l’esprit Rob Zombie, son grand film monstre, certes blindé de défauts, mais d’une audace et d’une richesse thématique qui en font peut-être son film majeur, avec The devil’s rejects bien entendu.

The haunted world of El Superbeasto

Après ce déferlement de folie furieuse, il était évident que le cinéaste remonté n’allait pas se reposer sur ses lauriers et qu’un cap avait été franchi. Plus question pour lui de se laisser attraper par des studios castrateurs, et son avenir artistique passera par une indépendance absolue, quitte à sombrer peu à peu dans une indigence budgétaire qui rendra ses films de plus en plus « bruts » visuellement parlant. Mais avant d’en arriver à ce renouveau artistique, il nous offrira ce qui peut s’apparenter aujourd’hui à une accalmie dans sa filmographie, une pause ouvertement inconséquente assumant sa gentille bêtise lui permettant à peu près toutes les outrances. Ce projet, c’est The haunted world of El Superbeasto, dessin animé produit en parallèle de Halloween 2, qui sortira la même année directement en vidéo, et que l’on peut voir en France sur Outbuster. Délire volontairement puéril et vulgaire, le film se base sur la bande dessinée du même nom créée par Rob Zombie, en nous entraînant aux basques d’un catcheur mexicain et de sa sœur, dans leur confrontation au docteur Satan. Véritable pot pourri réunissant toutes les marottes de l’artiste, où l’on peut tout à fait retrouver au détour d’un plan Otis, juste le temps de massacrer rapidement un personnage, le film est aussi con que rigolo, mais s’oublie très rapidement, ne cherchant jamais à se faire passer pour autre chose qu’une récréation dont le format autorise tous les excès visuels ou verbaux.

The lords of Salem

Le véritable nouveau film de l’auteur depuis Halloween 2, ce sera The lords of Salem, hommage du cinéaste à tout un pan du cinéma psychédélique, évoquant particulièrement les audaces de Ken Russell. Un cinéma typique des 70’s, ne correspondant pas franchement à une idée moderne de l’horreur, en tout cas pas de la manière dont les gros studios et le public actuel l’envisagent. Mais de tout ça, Rob n’en a cure, et ce qui l’intéresse ici est d’explorer une horreur plus souterraine, de celle qui vous envahit progressivement pour s’avérer ensorcelante. Inspiré par Le locataire de Roman Polanski, il parvient à imposer ses choix esthétiques aux studios qui lui laissent carte blanche, le résultat étant le fruit de la collaboration entre Zombie, Jason Blum et Oren Peli, ces derniers sortant alors du succès monstre de Paranormal Activity. S’inspirant du procès des sorcières de Salem survenu au XVIIème siècle, le récit se déroule cependant de nos jours, s’attachant à une DJ d’une station de radio, interprétée par l’épouse de Rob, qui reçoit un jour un mystérieux vinyle, qu’elle décide de jouer à l’envers, ce qui, pour les adeptes du Malin, serait censé servir d’incantations. Il se trouve que sa vie va se retrouver plongée dans le cauchemar, celle-ci se retrouvant assaillie de visions perturbantes…

The lords of Salem

À travers un style visuel très travaillé, explorant une épouvante psychédélique, le cinéaste s’éloigne totalement de ses précédents travaux. Là où jusqu’à présent, il cherchait avant tout à faire ressortir le chaos de la violence à travers une caméra agitée et un style frontal éloigné de tout formalisme, il prendra ici le chemin inverse en essayant de trouver la bonne atmosphère, multipliant les lents mouvements de caméra dans des couloirs, qui ne dépareilleraient pas dans une production A24 ! Assurément plus posé et envoûtant que ses précédents films, le résultat recèle de moments hypnotiques et dérangeants, s’incrustant durablement dans notre esprit. Bercé par la musique incantatoire littéralement obsédante, le spectateur finit dans le même état d’hébétude que le personnage principal, au point de véritablement fusionner avec les images étranges et malaisantes concoctées par un Rob qui se faisait ici esthète de l’horreur.

31

Comme dit en entame de cet article, la passion première de Rob aura été le hockey. Il se trouve que suite à The lords of Salem, un projet sérieux concernait un film sur les Broad Street Bullies, fameuse équipe de hockey de Philadelphie qui régna durant les années 70 , dont la réputation se basait essentiellement sur un jeu physique et brutal. Un projet intrigant et excitant, car à priori éloigné de son style habituel, mais qui par le milieu dépeint et l’époque à laquelle il est associé, aurait pu constituer le projet de transition parfait pour une évolution de carrière cohérente. Malheureusement, le film tombe à l’eau et on en arrive à 2016, avec la sortie de 31. Le film pré-cité aurait du constituer un renouveau dans la carrière du cinéaste, on devra au final se contenter de ce gros bazar bancal et mal foutu, réunissant toutes les obsessions du metteur en scène, mais sans la fougue des débuts, et cette impression de voir débarquer un cinéma réellement incarné et nouveau. Ici, difficile d’y voir autre chose que le geste désespéré d’un artiste obsédé à l’idée de ne pas sombrer dans le néant, et de faire perdurer sa petite musique le plus longtemps possible, quand bien même on aurait fait le tour de cette dernière depuis un moment. Film réalisé pour les mauvaises raisons, le résultat s’en ressent, jamais totalement mauvais car tout de même porté par une vision particulière, et recelant de ces moments génialement blasphématoires où tout est balancé en vrac, pour le simple plaisir du geste. Rien n’a de sens, la vacuité est assumée, le montage est sacrément bordélique, les personnages outranciers (le nain nazi, pitié), mais surnagent à l’intérieur de tout ça de vrais bons moments, que l’on doit en grande partie au stupéfiant Richard Brake, physique inquiétant, charisme indéniable, dont le premier plan le dévoilant plein cadre laisse tout de suite espérer des sommets pour la suite, qui ne viendront pas. On se console en se disant que l’on vient d’assister à la naissance d’une nouvelle gueule du cinéma horrifique, et par des moments épars où la fureur Zombiesque parvient encore à faire effet, dans son insistance à filmer la barbarie de la façon la plus cash possible. Le final sur fond de Aerosmith fera son effet, empêchant de rejeter totalement le résultat. Il n’empêche, on a vraiment l’impression d’être arrivés au bout d’un cycle, et Rob en a sûrement conscience également. Pourtant, au lieu de redéfinir totalement les bases de son cinéma, il reviendra ensuite avec cette suite tant redoutée de son diptyque culte. Nous nous épancherons sur celui-ci dans un article unique, car quoi que l’on en pense, il justifie bien un texte propre.

3 From Hell

Ce que l’on peut dire pour conclure ici, c’est que Rob Zombie, malgré une carrière en dents de scie ayant bien du mal à se refaire une seconde jeunesse, et semblant aujourd’hui réellement chercher ce qu’il a à raconter, reste encore à ce jour une voix importante du nouveau cinéma d’horreur. N’ayant jamais plié face au moindre impératif commercial, même lorsqu’il officiait à l’intérieur du système, ayant à travailler avec les pires personnes possibles pour la liberté artistique, il sera resté jusqu’à maintenant cet artiste total, s’épanouissant dans toutes les disciplines qu’il lui était possible d’approcher, dans le seul but d’être libre. Même si sa musique aura eu tendance avec le temps à basculer de plus en plus vers un blues rugueux, son état d’esprit général se retrouvant dans son cinéma, restera bel et bien cette punk attitude, le poussant à dire fuck à tout compromis, et préférant travailler avec les budgets les plus restrictifs, uniquement pour le plaisir de continuer à emmerder son monde. Difficile, au vu des ses deux derniers films, de savoir où cela va le mener pour la suite, mais nul doute qu’il continuera à explorer les poubelles de l’Amérique avec cette rage qui l’a toujours caractérisé, sans s’excuser de rien, pour la simple beauté du geste. Et ça, par les temps qui courent, ça n’a pas de prix.

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