Slalom : Dérapages à contrôler

Après Les Misérables l’année dernière, c’est cette fois-ci Slalom, sélectionné à Cannes, mais présenté à Deauville qui a reçu le prix d’Ornano-Valenti récompensant un premier long-métrage pour ses indéniables qualités. Le choix de décerner ce prix au premier film de Charlène Favier ne surprend guère tant Slalom s’avère être une belle réussite, audacieuse et traitant son sujet avec une puissance qui ne se dément pas.

Slalom nous conte l’histoire de Lyz, 15 ans qui vient d’intégrer une prestigieuse école de ski. Elle rêve de championnat et veut être la meilleure. Avec un père écarté du paysage et une mère très absente, Fred, son entraîneur exigeant, s’impose très vite comme une figure paternelle naturelle. Ancien champion, il voit en Lyz un énorme potentiel et se montre dur avec elle tout en la prenant sous son aile. Lyz est ravie de l’attention mais leur relation prend une tournure malaisante quand Fred exprime pour sa protégée du désir sexuel…

Très vite, Charlène Favier surprend par sa capacité à prendre son sujet à bras-le-corps, sans tabous, en prenant le soin de montrer comment la relation entre Lyz et Fred, d’abord touchante devient rapidement toxique. Tandis qu’elle commence par s’accrocher, Lyz réalise très vite combien Fred est un sportif frustré, projettant à travers elle ses désirs de championnat sans voir l’humain et les fragilités qu’il y a derrière cette adolescente. Il faudra que Lyz s’en détache, seule car Slalom a l’immense qualité de ne pas alourdir sa situation de départ inutilement. Si ce qu’il se passe entre Lyz et Fred est soupçonné par un personnage, rien ne viendra éclater au grand jour, venant mêler parents, journalistes ou police à l’histoire. Le récit est resserré sur ses deux personnages, sur leur relation et sur la façon dont Lyz va devoir s’émanciper de cette emprise malsaine.

On admirera ainsi de voir un portrait d’adolescente aussi bien croqué, dans ses moments de bravade comme dans ses failles avec une véritable désir de la part de Charlène Favier d’inscrire le tout dans un souci de réalisme. Certes, cela ne l’empêche pas de soigner sa mise en scène avec quelques plans nocturnes magnifiquement travaillés et des séquences de ski sacrément nerveuses, mais c’est cette volonté d’authenticité et d’inscrire ses scènes dans une durée presque insoutenable (les deux scènes intimes entre Lyz et Fred sont ahurissantes de vérité et s’inscrivent dans une temporalité palpable) qui rend Slalom vite fascinant.

Ce portrait de jeune femme qui s’émancipe, incarnée avec force par une Noée Abita déployant tout son talent (face à un Jérémie Renier qui ne démérite pas, se montrant impeccable et nuancé dans un rôle difficile) surprend en cassant de nombreux codes du genre, ne sombrant pas dans les travers racoleurs que le récit pourrait impliquer. Ce qui compte ici, c’est uniquement la relation entre Lyz et Fred, au cœur du scénario sans jamais être parasitée, sans jamais tomber dans les clichés. Slalom en ressort alors avec une puissance que l’on n’avait pas soupçonnée et s’impose comme une belle réussite, de celles qui sont discrètes sur le coup mais qui restent fortement en tête par la suite pour marquer nos esprits de cinéphiles.

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