Kajillionaire : Un voleur avertit en vaut deux.

Kajillionaire est le troisième film de Miranda July, réalisatrice américaine qui nous avait présenté jusqu’à maintenant Moi, toi et tous les autres ainsi que The Future. Kajillionaire met en scène Richard Jenkins et Debra Winger dans la peau d’un couple de voleurs notoires. Ainsi que la grande Evan Rachel Wood, actrice très talentueuse et néanmoins discrète sur grand écran, dans la peau de leur fille, Old Dolio, pour le rôle titre.

Theresa (Debra Winger) et Robert (Richard Jenkins) ont passé les 26 dernières années de leur vie à éduquer leur fille aux arts du vol, de l’escroquerie et du détournement. Les affaires commencent à se compliquer pour eux pendant qu’ils font la connaissance de Mélanie (Gina Rodriguez), une jolie jeune fille qui va inopinément les suivre dans leurs larcins quotidiens. Cette nouvelle partenaire remet en question les certitudes et croyances de la jeune fille dont ses parents l’avaient protégé depuis sa naissance.

Avec Kajillionaire, Miranda July signe une œuvre particulièrement singulière. Tous les personnages semblent être des marginaux en puissance aux caractères très éloignés de ce que les standards de la société moderne nous ont habitué. De quoi faire voyager l’histoire dans une sorte d’univers parallèle. Un effet renforcé jusque dans les rôles secondaires, notamment les employés administratifs, qui semblent répondre aux besoins des clients sans grande contestation. Avec une bonne écriture de ses personnages et en traitant une histoire peu conventionnelle, la réalisatrice réussit à donner à son Kajillionaire un ton joyeux et décalé sans pour autant renier son caractère dramatique. On tombe vite d’affection pour ces personnages aussi troublant qu’attachant et la narration capte notre attention sur le bon déroulement des événements. La naïveté de certains personnages et leur innocence sur les relations les rends quasiment mystiques, à l’image de la scène de massage où Old Dolio manque tellement de gestes d’affection qu’elle n’arrive pas à se détendre et se laisser toucher. Enfin c’est la relation naissante entre Mélanie et Old Dolio en opposition à la relation et au caractère des parents de cette dernière qui marque le contraste le plus limpide de cette production.

Il faut noter que le casting de Kajillionaire a été parfaitement bien orchestré. Evan Rachel Wood dévoile toute l’essence de son personnage avec son style complètement distinct de son entourage. Elle force la compassion, la curiosité et l’admiration. D’autant plus lorsque l’on sait que l’actrice a fait de gros effort pour grossir sa voix et la rendre plus rauque. À ses côtés, c’est l’actrice Gina Rodriguez qui éblouit et captive notre regard. Resplendissante dans ce film et en totale opposition avec le style de ses camarades d’escroquerie, sa simplicité et son charme deviennent une corde à laquelle le spectateur peut se raccrocher. Elle devient le seul personnage à peu près normal et cohérent dans cet univers aussi improbable que possible. Et pour couronner le tout, une paire de parents dont on n’aimerait pas être affublés. Un père aussi perdu à chaque question existentielle de sa fille que s’il voyait un canard avec une paire de lunettes ou bien une mère ayant pris le soin minutieux de n’avoir jamais montré un quelconque signe d’affection à sa fille. On croirait évoluer au milieu d’un asile de fou dont l’organisation quotidienne est aussi précise que celle d’un régiment militaire. Il faut présumer qu’on n’a jamais aussi bien filmé les fous.

Le résultat est très étonnant. À bien des lieux d’être le film convenu auquel on aurait pu s’attendre. Kajillionaire est une véritable surprise, scotchante et captivante. Une histoire inattendue et soignée au milieu de personnages aussi décalés qu’attendrissants. Difficile de vraiment lire au travers de cette production et d’en saisir l’essence tant elle nous laisse facilement sur la touche. Mais la qualité d’écriture du scénario, la magnifique prestation des acteurs et la tendresse de certaines relations forcent un certain respect et une bonne dose de compassion face à la simplicité d’âme des personnages.

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