Sons of Philadelphia : Une histoire comme une autre

Écrivain et scénariste prolifique (avec 4 romans et près de dix scénarios à son actif), Jérémie Guez a passé le cap de la réalisation en 2018 avec Bluebird, arrivé seulement cette année chez nous en vidéo. Par chance pour lui, Sons of Phildadelphia, son deuxième film, basé sur un roman de Pete Dexter aura les honneurs du cinéma et sortira en salles le 30 décembre prochain. Présenté en avant-première au festival de Deauville, nous avons pu le découvrir, alléchés par l’idée de se retrouver devant un bon petit polar.

Le film se déroule, comme son titre l’indique, à Philadelphie. Issu d’une famille irlandaise avec un lourd passif, Peter est le bras droit de son cousin Michael, truand tenant une partie de la ville à sa botte. Mais alors que des rivalités brutales surgissent avec des italiens, Peter réalise que Michael est de plus en plus imprévisible, pris dans un engrenage de violence qui semble sans fin. Face à la menace qui pèse sur lui, Peter devra agir pour éviter que la tragédie ne le frappe de nouveau… Une histoire tout ce qu’il y a de plus classique donc et c’est bien là le plus gros défaut du film. Alors que l’on attendait Jérémie Guez sur un terrain plus personnel, le cinéaste a finalement bien des difficultés à se sortir du chemin qu’il a lui-même balisé en écrivant le scénario dont la redondance est une grande faiblesse.

Avec tous ces archétypes du genre, Guez aurait pu en faire quelque chose. Mais le scénariste et réalisateur, comme s’il avait peur de s’écarter du droit chemin et d’oser rivaliser avec ses modèles, ne propose rien de neuf et nous livre un récit au dénouement tout tracé. Difficile en effet de s’émouvoir devant l’œil torve et la démarche lourde de Matthias Schoenaerts qui semble coincé dans le même rôle depuis Bullhead. L’acteur a beau avoir du charisme et être impeccable dans ce registre, il ne semble pas vouloir en sortir et crée immédiatement une certaine lassitude face à cette énième variation d’homme à la carrure massive torturé par ses démons. Et ni Joel Kinnaman, cabotinant, ni Maika Monroe, de plus en plus réduite à faire de la figuration de luxe dans sa carrière, ne viennent arranger le tout. Seule grande réussite de Sons of Philadelphia, sa capacité à émouvoir par ses flash-backs habilement enchâssés au reste du récit, venant lui donner une ampleur d’autant plus bienvenue que Ryan Phillippe s’y montre très convaincant.

Pour le reste, difficile d’accrocher totalement au film quand celui-ci se contente de faire le minimum syndical avec les figures du genre. D’un côté le scénario se tire une balle dans le pied quand il se montre répétitif : on ne compte plus le nombre de scènes faites pour montrer combien Michael est imprévisible et dangereux, finissant par ruiner totalement la crédibilité des personnages. Car plus Michael apparaît dangereux, plus nous avons l’impression que Peter est apathique et aucun des deux personnages n’en sort grandi, chacun apparaissant au contraire comme une coquille vide.

La mise en scène ne fait rien pour améliorer le tout, Jérémie Guez ayant bien du mal à insuffler un style ou une tonalité semblant bien à lui. On se souvient encore en 2018 de Galveston de Mélanie Laurent, également présent à Deauville qui convoquait des archétypes du film noir mais qui savait en faire quelque chose via une réalisation personnelle avec un vrai regard sur son sujet et ses personnages. Guez semble faire tout l’inverse, menant son film comme n’importe qui d’autre aurait pu le faire. Ce qui ne fait pas de Sons of Philadelphia un mauvais film loin de là mais ce qui le rend tout de même très banal. Et en 2020, à l’heure où l’on a déjà lu et vu énormément d’œuvres du même registre dont on sait qu’elles existent et qu’elles sont meilleures, c’est une erreur qui ne pardonne pas.

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