Bad Education : Le loup de Roslyn

Depuis plusieurs années, le festival de Deauville aime à accueillir dans sa sélection des films qui ont été diffusés sur HBO et qui bénéficient d’une certaine aura. Alors que ceux des années précédentes n’étaient guère marquants, Bad Education fait plaisir à voir, dévoilant très rapidement ses nombreuses qualités. Diffusé en avril dernier sur HBO et bénéficiant d’un sacré casting, le film sera disponible en DVD chez Warner le 16 septembre prochain.

Bad Education est basé sur une histoire vraie survenue en 2002 où le journal de l’école de Roslyn à New York a publié une enquête révélant les nombreux détournements de fonds perpétrés par une partie de l’administration. Frank Tassone et Pam Gluckin, qui ont pourtant toujours travaillé avec un rare investissement auprès de leurs élèves, sont en effet coupables d’avoir utilisé des millions de dollars de fonds public dans leur intérêt personnel : achats de maisons, de vêtements, de nouvelles voitures, vacances au soleil tout frais payés, le scandale est brutal et altère la confiance du pays dans son système public, facilement corruptible par des employés désireux de laisser leur marque mais frustrés de voir les membres du conseil d’administration s’en mettre plein les fouilles quand ce sont eux qui font tout le travail. Ce qui avait commencé comme un simple oubli de la part de Tassone est donc devenu une terrible habitude.

Habile, Bad Education décortique l’affaire en se centrant majoritairement sur Tassone, figure crapuleuse au cœur de ce scandale. Plutôt que de faire un portrait à charge du personnage, celui-ci est au contraire habilement écrit et nuancé. Il ne fait nul doute qu’il est coupable et que le soin quasi-maniaque qu’il apporte à son apparence cache des troubles plus grands. Mais son investissement auprès des élèves est réel puisqu’il tient à connaître le nom de tous ceux à qui il a affaire, qu’il soutient l’étincelle qu’il voit en eux (et ironiquement, ce sera sur un de ses conseils que l’élève travaillant au journal du lycée enquêtera et révélera l’affaire) et qu’il est bien conscient de la complexité des rouages nécessaires pour amener son école au plus haut. C’est donc un personnage trouble à qui nous avons affaire, merveilleusement incarné par un Hugh Jackman au sommet de sa forme, que l’on avait rarement vu aussi bon, à la fois détestable, pathétique et en même temps presque attachant.

Pour éviter de se reposer sur les mécaniques faciles du  »film à histoire vraie », Cory Finley (réalisateur du film Pur-sang en 2017) réussit à distiller une ironie bienvenue tout au long du film, déjà présente dans le scénario mais exacerbée par une mise en scène discrète mais bel et bien présente, regardant son sujet avec la bonne distance. Caustique et ironique, le scénario évite cependant de tomber dans la caricature et se méfie de tout sentimentalisme malvenu. Ainsi Bad Education, tout en auscultant les failles profondes du système éducatif américain et de ses représentants, n’en demeure pas moins un divertissement très plaisant où l’instructif se mêle au ludique avec un bel équilibre, sans facilités et sans porter de jugement trop dur sur ses personnages, le film préférant miser sur l’intelligence du spectateur pour mieux cerner, d’une façon ou d’une autre, le personnage de Tassone, crapuleux mais mémorable, révélé à nous dans toute sa complexité. Si tous les films basés sur une histoire vraie avaient le même recul et la même intelligence sur leur sujet, de nombreuses œuvres s’en porteraient mieux !

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