Nightfall – Poursuites dans la nuit : Film noir luisant

Pour qui aime le cinéma américain classique comme nous, vanter les mérites de Rimini Editions est devenue monnaie courante. En effet, rien que cet été, entre un Sidney Lumet indispensable (Point Limite) et un Robert Mulligan à découvrir (Le sillage de la violence), l’éditeur s’est assuré de faire passer aux cinéphiles un excellent moment. Et la sortie, en combo Blu-ray + DVD de Nightfall – Poursuites dans la nuit, depuis le 19 août dernier est une fois de plus l’occasion de vanter la qualité du travail de cet éditeur, le film étant disponible dans un master de toute beauté.

Quand il réalise Nightfall en 1956, Jacques Tourneur a déjà à son actif un immense classique du film noir, son superbe La griffe du passé. Son retour au genre se fait alors qu’il prépare Rendez-vous avec la peur, l’un de ses chefs-d’œuvre. Ce qui ne l’empêche pas de s’acquitter du tournage de Nightfall avec son talent habituel, infusant sa personnalité dans un scénario aux contours déjà bien définis par Stirling Silliphant d’après un roman de David Goodis. Une matière littéraire de premier choix, réunissant tous les ingrédients du film noir mais qui parvient pourtant à s’extirper des clichés usés jusqu’à la corde dans les années 40 pour un film atypique et inattendu.

A l’instar de La maison dans l’ombre (Nicholas Ray, 1951), Nightfall surprend par ses choix de décors, mélangeant l’incontournable ville urbaine fourmillant de pièges et de recoins sombres (où le héros peut se dissimuler) avec un paysage naturel offrant un fort contraste avec le genre. Ici ce sont les paysages enneigés du Wyoming qui, magnifiquement filmés, se montrent autant remplis de menace que la ville puisque c’est là que James Vanning, notre héros croisera la route de deux truands assassinant son ami. Officiellement accusé du meurtre, Vanning fuit la police depuis longtemps, en attendant que les neiges fondent afin que la route vers le Wyoming soit de nouveau ouverte. Il s’agit pour lui de retrouver le sac d’argent dérobé par les malfaiteurs afin qu’il puisse prouver son innocence. Il entraînera dans sa mésaventure une jeune mannequin et un enquêteur pour les assurances afin de contrer les deux truands.

Outre son changement de décor qui aère tout de suite le genre et qui constitue la grande originalité du film, Nightfall regroupe donc tous les éléments du film noir si l’on excepte la femme fatale, le personnage interprété par Anne Bancroft étant résolument positive. Cela dit, entre la structure en flash-back, l’engrenage infernal dans lequel est pris le héros et la tonalité générale sont de purs éléments de films noirs que Tourneur agrémente à sa sauce. Maître de la suggestion, le cinéaste s’est toujours refusé à montrer les choses. S’il est majoritairement connu pour le faire dans ses films fantastiques, il offre à Nightfall le même traitement. Peu montrée, la violence est surtout suggérée et ce au détour de quelques plans d’une efficacité implacable. Si l’écriture est classique, Tourneur capte tout au long du film la présence persistante d’une menace à travers quelques éléments simples : un puits de pétrole, des chaises vides, un chasse-neige. Autant d’éléments qui pourraient conduire Vanning à sa perte et qui montre combien il est dos au mur.

Soulignons d’ailleurs la justesse d’Aldo Ray dans le rôle principal. Acteur à la stature imposante, pas toujours à l’aise suivant les films, il se montre ici particulièrement excellent en type comme les autres, dépassé par la situation, tentant juste de sauver sa peau. Son jeu tout en finesse, complété à merveille par la douceur d’Anne Bancroft (leurs scènes ensemble sont fabuleuses et apportent la tendresse nécessaire à un récit autrement sec et concis) et la nervosité de Rudy Bond lui permet de faire de Vanning une figure largement estimable du film noir, d’ailleurs si estimable que Tarantino demanda à Bruce Willis de s’inspirer de sa performance pour composer Butch dans Pulp Fiction. Nightfall, en offrant aux amateurs de film noir et aux amateurs de Tourneur le meilleur de ces deux éléments, devient donc un morceau indispensable du cinéma, à découvrir de toute urgence.

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