Greenland – Le dernier Refuge : La famille, y’a que ça de vrai.

Depuis la réouverture des salles il y a un peu plus d’un mois, les cinéphiles peuvent souffler et retrouver ce plaisir incomparable du grand écran, après trois mois de diète forcée ayant pas mal joué sur les nerfs. On pourra dire ce qu’on veut des nouveaux modes de consommation des films, mais rien ne vaut ce plaisir de se poser sur un fauteuil de cinéma et de savourer un film, bon ou mauvais, dans les meilleures conditions possibles. Ceci posé, force est de constater que cet été cinéphilique est tout de même assez spécial, et que l’absence totale de blockbusters décourage pas mal de monde d’y retourner. Ce qui est au moins l’occasion pour certains distributeurs de tenter des coups, face à l’absence de concurrence. Avec Greenland – Le Dernier Refuge, on se situe dans ces films de l’entre-deux, pas des budgets-monstres issus de gros studios, mais pas non plus du cinéma indépendant connoté auteur. On est dans de la série B de luxe, avec la promesse d’un film catastrophe comme il en fleurissait dans les 90’, lorsque Twister et autre Deep Impact débarquaient sur les écrans, parfois avec grand succès. Avec en plus notre Gérard Butler adoré, il n’y avait aucune raison de ne pas saisir l’occasion de découvrir ce film, en espérant avoir notre lot de testostérone un brin bas de plafond …

John Garrity est un ingénieur dont le couple connaît des moments difficiles. Le film débute alors que ce dernier retourne au domicile alors que l’on ne connaît pas encore leur situation exacte. Divorcés, en période de transition ou simplement en conflit ? C’est en tout cas le moment où les chaînes d’information commencent à marteler la population sur la présence d’une comète en direction de la Terre, même s’ils tentent de faire croire que tout ceci ne présente aucun danger, et qu’il s’agira d’un phénomène unique auquel assister dans une vie. Pourtant, très rapidement, notre père de famille reçoit sur son portable un message l’informant qu’il fait partie des élus, avec sa famille, pour pouvoir embarquer dans un avion qui les conduira dans un abri. Petit à petit, la réalité des faits, et du cataclysme imminent dû à un fragment plus gros que celui ayant décimé les dinosaures, se fait jour, et la fuite deviendra une obligation, dans un monde très rapidement livré au chaos …

Thème classique, archi-rebattu, et vu l’acteur principal, on se préparait déjà, la bave aux lèvres, à un monument nanardesque, digne des téléfilms catastrophe diffusés sur M6 il y a quelque temps. Pourtant, force est de constater que dans un premier temps, on sentira une réelle envie de construire un univers crédible, où l’enchaînement des évènements dramatiques ne serait pas improbable, et dont les personnages agiraient de manière réfléchie. On a donc la bonne surprise, pendant une bonne partie, d’assister à un spectacle somme toute honnête, aux personnages un minimum fouillés, et dont le protagoniste principal est incarné avec conviction par un Gérard Butler réellement charismatique et sympathique. Un comédien plus profond que ce que certains veulent encore croire, certes abonné aux rôles bourrins dans des films de seconde zone, mais un vrai acteur néanmoins, capable d’exprimer des émotions, loin de certains monolithes de ce type de films. Il est donc ici un père de famille cherchant à rattraper ses fautes et à sauver ce qui peut l’être dans un monde en perdition. Des enjeux certes classiques, mais toujours efficaces pour nous happer.

L’idée que les gens, dans un monde sans règles où la seule loi qui subsiste est celle de la survie pour la survie, puissent perdre facilement tout sens civique, n’est pas nouvelle, mais elle s’avère toujours crédible, surtout en ces temps troublés où l’on constate chaque jour qu’il en faut peu pour que les bonnes vieilles habitudes à peine enfouies refassent surface. On nous annonce une épidémie potentiellement dangereuse ? Les magasins sont dévalisés, sans aucune espèce de réflexion et d’attention aux besoins de tous. Seul l’instinct de survie et de préservation prévaut, et l’on ose imaginer ce que ce serait si l’on nous annonçait une catastrophe de l’ampleur de celle du film. Alors les scènes de pillages de magasins, et de monde livré à la violence de certains sont plutôt efficaces, avec quelques pics de tension très bien gérés.

Pendant une bonne heure, il y a de quoi être satisfait, mais comme le dit la maxime, chassez le naturel, il revient au galop. On ne peut refaire les Américains, ceux-ci sont irrécupérables, et les défauts inhérents au genre ne tardent pas à refaire leur apparition, jusqu’à un point de non-retour. Malgré notre bonne volonté, difficile de garder son calme face au déluge de sentimentalisme gluant, de valeurs familiales assénées avec un sérieux papal, à ce premier degré rapidement oppressant là où un peu de conscience de son statut de B-movie n’aurait pas été de trop. Et surtout, à une nappe musicale présente du début à la fin qui engloutit dans son sillon toute tentative de mise en place d’enjeux un peu sérieux. On n’entend plus que ça, et même en attendant pas de miracles, il y a un moment où ça devient tout simplement insupportable.

Les dialogues moralisateurs nous expliquant pourquoi le couple battait de l’aile, les tentatives du mari de se racheter, dans un bel élan d’affliction judéo-chrétienne, et une succession de potentielles scènes de fin qui n’en finissent pas, l’heure restante se transforme quasiment en chemin de croix. On pourra choisir, faute de mieux, de voir le verre à moitié plein, se focalisant sur les bons moments du film, et il y en a. Mais il sera surtout permis de se désoler que les américains n’apprennent jamais de leurs erreurs et ne puissent s’empêcher, depuis des décennies, de nous infliger leur vision réductrice et prosélyte de l’existence, alors que dans ce type de films, le spectacle devrait toujours rester le principal. Alors on entendra bien que le budget n’étant pas celui d’un Marvel, il aurait été risqué de chercher à faire un pur film à effets spéciaux, les rares scènes à SFX s’avérant assez laides visuellement, et on constate d’ailleurs dans l’ensemble du film une photo trop sombre. Mais cela n’empêche pas de sortir un peu des sentiers battus et d’essayer, pour une fois, d’être mesurés. C’est visiblement trop leur demander, et on ne compte plus les scènes impossibles, dont les passages avec Scott Glenn sont sans doute les plus parlants concernant ce qui ne va pas ici.

On gardera à l’esprit le bon petit film qu’on aurait pu avoir, si celui-ci n’avait pas sombré par pêché d’orgueil. 25 minutes en moins, et on aurait pu tenir le film pop corn de l’été, avec une petite dose de réalisme en plus. On devra se contenter d’une moitié de film, sabotée par ce qui suit. À chacun de voir.

3 Rétroliens / Pings

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