Tire, Django, Tire ! : Escapade chez les anti-héros

S’il y a bien un western que nous affectionnons par-dessus tout, c’est Django de Sergio Corbucci. Sorti en 1966, ce chef d’œuvre avec Franco Nero a longtemps traîné la réputation de western le plus violent jamais réalisé, au point d’être interdit de diffusion dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni qui ne l’a réhabilité qu’en 1993. Immense succès au box-office, il n’en fallut pas moins pour que les producteurs rentabilisent le nom de Django pour leurs futurs projets. Entre 1966 et 1976, on dénote pas moins de 38 westerns ayant capitalisé sur le nom de Django dans leur titre. Ils n’avaient de lien avec le film de Corbucci que le nom de son héros…et encore, uniquement pour faire vendre sur une affiche puisque le héros ne s’appelait (presque) jamais Django. La seule suite officielle, avec le retour de Franco Nero dans le rôle titre, est sortie en 1987 et s’intitule Django 2 : Il Grande Ritorno, et, honnêtement, il est préférable de s’en tenir au premier opus (ainsi que l’adaptation très libre de Tarantino en 2012). Tout cela pour dire que notre film du jour, Tire, Django, Tire ! n’a rien à voir avec une quelconque aventure du héros de Sergio Corbucci. Réalisé par Bruno Corbucci (le petit frère de Sergio), nous suivrons un héros dont le nom est Stark (bien qu’il réponde au nom de Django en VF).

Fraîchement évadé de prison, Django se fait attraper par Guttierez, un riche propriétaire terrien. Contre une somme d’argent et la promesse de le libérer, il l’oblige à aller chercher son fils, Fidel, parti rejoindre une bande de malfrats. Django se lance sur sa piste, dans le désert mexicain, et devra en découdre avec les bandits, avant de se rendre compte que les intentions du père ne sont pas des plus bienveillantes.

L’histoire et l’amour des aficionados ont plutôt retenu Le Grand Silence, autre très grand western de Sergio Corbucci, sorti la même année que Tire, Django, Tire ! Il faut dire que Le Grand Silence est notre second western favori, et il serait impardonnable de ne pas le citer parmi les meilleurs westerns de tous les temps (désolé monsieur Leone, mais vos films ne viennent qu’après dans notre cœur). Pourtant, sous sa réputation d’outsider, le film de Bruno Corbucci possède absolument tous les atouts qui font un bon western spaghetti. Pour comprendre les points forts du film, il faut se pencher sur le talent de Bruno Corbucci. Réalisateur d’une cinquantaine de films, dont principalement des comédies parmi lesquelles nous retiendrons surtout le succulent Les Superflics de Miami avec Terence Hill et Bud Spencer, il a un sens de la comédie incontestable. Scénariste hors-pair également, il a écrit pour son frère, notamment les scénarios de Django et Le Grand Silence, il possède un sens de l’écriture indiscutable. Par la suite, il connaîtra également une casquette de producteur assez florissante également puisqu’on lui doit d’avoir participé à Blade Runner, rien que ça ! Autant d’atouts qui font de Bruno Corbucci un artisan parfaitement légitime. Film au budget dérisoire, commande d’un producteur qui comptait rentrer dans ses frais sentant l’échec de son film précédent, Bruno Corbucci a du composer avec très peu d’éléments. Entièrement tourné en Espagne, dans le désert de Tabernas, Corbucci compose des cadres riches et joue avec le peu de décors à sa disposition afin d’offrir une vraie identité aux différents lieux qu’il désire faire exister. Et on ne s’y perd absolument pas. Corbucci a un vrai sens de la mise en scène et on en prend plein les mirettes d’une bien belle manière. Il va sans dire qu’il s’est allégrement inspiré du travail de Leone pour sa trilogie du dollar afin de composer ses cadres.

Côté casting, on en a pour notre argent également. Le héros est campé à merveille par Brian Kelly (oui, oui, le héros de la série Flipper, le Dauphin). Il compose un personnage de pistolero intrépide équipé d’un fouet et d’un chapeau qui ne manqueront pas de rappeler Indiana Jones avant l’heure. Anti-héros comme on les affectionne, il habite littéralement l’image et est superbement secondé par Fabrizio Morini (aperçu dans Le Guépard de Visconti). Le duo offre à Tire, Django, Tire ! un air de buddy movie qui marche sur les plates-bandes du road movie. Le reste du casting n’est pas à blâmer pour autant. On retiendra surtout le Major Charlie Doneghan, campé par un délicieux Keenan Wynn. L’ensemble des acteurs est vraiment convaincant, on passe un vrai bon moment. Il y a de vraies gueules au casting. Ajoutez à cela des séquences légères à l’humour bienvenu, des bourres-pifs que n’auraient pas renié Terence Hill et Bud Spencer, d’innombrables affrontements au pistolet, et vous aurez un joli panel de ce que savait faire Bruno Corbucci. De plus, Artus Films proposent une édition restaurée en 2K. L’image et le son sont au rendez-vous. Tout est réuni pour apprécier le film dans les meilleures conditions. On appréciera, comme toujours, une présentation du film par un spécialiste du genre en la personne de Curd Ridel. La section bonus sera également étoffée d’un court-métrage intitulé The Dead West réalisé par les apprentis du département MMI (Métiers du Multimédia et de l’Internet) de l’IUT de Béziers. Un joli petit métrage qui rallonge le plaisir qu’aura procuré la séance du film de Corbucci.

Tire, Django, Tire ! est le dernier venu dans la collection Western Européen de chez Artus Films. Un film oublié qu’il serait dommage de rater compte tenu de ses innombrables qualités. Un western spaghetti dans les codes de l’art qui regorge de malice, d’inventivité et d’action que nous vous conseillons fortement.

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