Tootsie : Hermaphrodite, mon amour…

Scoop : le 17 juin 2020 ressort du placard le prestigieux Tootsie de Sydney Pollack, comédie phare des années 80 remastérisée par les éditions Carlotta dans un coffret édition limitée à 3000 exemplaires… occasion pour les cinéphiles de re-découvrir ce qui restera très certainement la plus grande performance de Dustin Hoffman, performance hissant résolument l’acteur au rang des plus grands de sa génération au même titre que Al Pacino et Robert de Niro. Déjà remarquable dès ses premières prestations (Le Lauréat, Les Chiens de Paille ou encore Kramer contre Kramer – film pour lequel il fut couronné d’un Oscar du meilleur acteur en 1980) Dustin Hoffman s’essaye avec Tootsie à la pure composition dramatique, se transformant aussi bien physiquement que psychologiquement pour le rôle-titre. Le résultat fut, est, et restera une formidable réussite, conférant au film de Sydney Pollack le statut d’œuvre culte générationnelle et – in extenso – culturelle.

Qu’est donc Tootsie, et que raconte t-il sur le monde qu’il dépeint avec malice, bienveillance et causticité durant près de deux heures ? Rien de moins que le parcours du résistible Michael Dorsey (Dustin Off-man), acteur à la petite semaine et au gros caractère cachetonnant passablement tout en arrondissant les fins de mois en prodiguant des cours d’art dramatique pour les copains ; dépité par la concurrence et peu estimé par le milieu (Sydney Pollack pousse l’ironie jusqu’au bout en incarnant lui-même l’agent du comédien) Michael verra en la personne de Dorothy (Dustine Wo-man…) le prétexte idéal à une carrière digne de ce nom : Tootsie est l’histoire de cette imposture, formidable comédie satirique annonçant La Valse des Pantins scorsesienne dans sa tonalité tour à tour désenchantée et sophistiquée, tout en préfigurant nombre de codes de la comédie romantique des années à suivre…

En bon film de studio généreux et mainstream dans le même mouvement de panache, Tootsie est – de fait – un vrai plaisir de cinéma aux intentions clairement énoncées dès les premières minutes : en filmant un protagoniste humainement médiocre évoluant dans un monde qui ne l’est pas moins (cruelle réalité des agences de casting, sexisme des acteurs et des producteurs, pressurisation des réalisateurs par les dirigeants télévisuels et rush professionnel de rigueur…), Sydney Pollack porte un regard critique sur la figure masculine et son ascendance sur le milieu artistique sus-cité ; montrant d’abord les femmes comme d’insipides nunuches uniquement là pour faire office de faire-valoir (l’épatante Teri Garr – habituée aux seconds rôles et future groupie de Griffin Dunne dans le After Hours de Martin Scorsese trois ans plus tard – incarne de ce point de vue le personnage de Sandy avec un soin impeccable), le cinéaste finira de plus en plus par inverser les rôles au fil des séquences, sublimant Jessica Lange (d’abord en partenaire de jeu de Dorothy dans un pathétique feuilleton télévisuel, ensuite en amie dupée par le coup tordu de Michael et son transformisme calculé) et densifiant sa figure principale doublement représentée par Dustin Hoffman…

Peinture de genre(s), petit morceau de cinéma queer (in)avoué, Tootsie est avant tout un grand spectacle sociologique s’achevant presque sur le happening de Michael/Dorothy tant attendu dès l’objectif annoncé par Sydney Pollack : ainsi Michael ne pourra finalement assumer sa véritable condition qu’en enlevant son masque aux yeux de tous, lors du tournage en direct du soap pour lequel il prétendait au seuil du récit… En résulte une satire éloquente portée par les épaules de Dustin Hoffman, dont la prestation est – osons le répéter – proprement impressionnante. Un classique à voir et à re-voir !

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