Bad Boys For Life : What you gonna do ?

Il y a des films incontournables lorsqu’on évoque le sujet du buddy movie. Si les puristes ne jureront que par 48 Heures ou l’Arme Fatale, le genre aura créé une pléiade de films d’action aux qualités relatives, mais qui ont toujours eu le même dénominateur commun : il faut que le spectateur s’amuse. Plus le duo est éloigné, plus il fonctionne. Michael Bay ne s’était pas trompé en 1995 lorsqu’il a sorti son premier long-métrage, Bad Boys. D’un côté, nous avions le jeune flic, tête brûlée et inconscient. De l’autre, nous avions le père de famille, réfléchi et gaffeur. Un duo cliché, mais qui fonctionnait grâce à la superbe alchimie des deux héros. En plus de lancer la carrière de Michael Bay, le film révélait à la fois Will Smith et Martin Lawrence sur le grand écran. Si le premier n’a jamais cessé d’étoffer sa palette de jeu, le second s’enfermera vite dans le même type de rôles, ce qui ne lui apportera pas la même chance qu’au premier. De ce succès fulgurant, Michael Bay avait remis le couvert en 2003 avec une suite nettement plus excentrique et explosive. C’est, d’ailleurs, à partir de Bad Boys 2 que l’on a commencé à identifier les gimmicks chers à son réalisateur. Cette suite faisait honneur à son modèle, tout en appliquant le principe « bigger & louder » que ne renierait pas un certain James Cameron. C’est aussi ce principe qui perdra quelque peu Michael Bay avec ses suites de Transformers où, à partir du troisième opus, il frôle la nausée. Mais là n’est pas le sujet. Pour ce troisième opus, le projet a longtemps été en gestation. Bay annonce en 2008 qu’il aimerait mettre en scène un troisième Bad Boys. Le budget envisagé est un frein et stoppe net la production, notamment en raison du salaire trop important demandé par Will Smith. Les rumeurs sur l’écriture du film et le lancement du projet dureront dix ans. Dix années pendant lesquelles Joe Carnahan fut envisagé afin de co-écrire et réaliser le film. Il sera écarté du projet pour divergences artistiques. Il y subsistera quelques résidus de son écriture dans le produit final, notamment du point de vue de la violence, si bien qu’on en viendra presque à regretter qu’il n’ait pas réalisé le film (on y reviendra ci-dessous). Bad Boys For Life est confié au duo belge Adil El-Arbi et Bilall Fallah et sort dans nos salles début 2020.

Isabel Aretas, veuve du pivot du cartel Benito, s’échappe d’une prison mexicaine avec l’aide de son fils, Armando. Isabel envoie ce dernier à Miami, lui demandant de récupérer une importante somme d’argent que son père, Benito, avait cachée, ainsi que d’assassiner les personnes responsables de l’arrestation de son père et de sa mort en prison. Isabel exige qu’Armando tue le détective Mike Lowrey en dernier. Ainsi débute la traque entre la police de Miami et les vestiges du cartel Benito.

Des propres aveux de Will Smith, il a évoqué lors d’une interview qu’il reprendrait son rôle de Mike Lowrey uniquement si l’histoire était bonne. Toujours de la bouche de Smith, il a déclaré que ce troisième opus était de loin son préféré. Si l’on a appris par la suite que son cachet exorbitant avait été l’une des causes du refus du film en 2008, il est possible de croire que Smith dise la vérité. En effet, Bad Boys For Life lui offre la possibilité de faire avancer son personnage. Si les deux premiers opus offraient une évolution à Marcus (Martin Lawrence) dans son rôle de père et ses envies de vie de famille bien rangée, Mike ne bougeait pas d’un iota. Mike était resté au stade du flic impulsif qui collectionne les coups d’un soir et les belles voitures. L’idée de percer à jour ses failles dès les 20 premières minutes de Bad Boys For Life permet à Smith de faire avancer Mike dans une direction différente. Marcus, quant à lui, continue son train de vie et évolue dans la voie qu’on lui destinait dès le premier opus.

Bad Boys For Life remplit son cahier des charges dignement. Il y a des fusillades en pagaille, le film ose une violence plus frontale et moins cartoonesque (encore que…), et l’humour fait toujours mouche. S’il n’est pas une déception, difficile cependant d’en sortir totalement rassasié. On ne va pas se le cacher, l’absence de Michael Bay derrière la caméra manque cruellement. Le duo El Arbi et Fallah aligne les plans avec justesse, mais il n’y a jamais ce grain de folie qui rendait les films d’avant (surtout le deux) à part. Le produit final ressemble à un film d’action quelconque comme il en pleut des dizaines chaque année. Peu, voire pas, de personnalité ne se dégage de la réalisation. On sent les réalisateurs crispés derrière leur caméra, comme si filmer deux acteurs qu’ils apprécient les aurait rendu incapable d’oser aller plus loin. Les deux amis belges ont probablement grandi avec ces films (c’est certain, vu leur jeune âge) et n’osent pas froisser ni triturer l’imagerie que représente Bad Boys dans l’inconscient collectif. Seulement, à trop essayer de se demander ce qu’aurait fait Michael Bay à leur place, ils s’en retrouvent presque dépossédés de leur film. Bad Boys For Life ressemble à un film d’action Netflix sauce Tyler Rake. Ce n’est pas forcément négatif en soit, mais on en attendait un peu plus au vu de ce que les deux premiers films nous avaient proposé. Avec Joe Carnahan aux commandes, pour sûr que le film aurait eu une autre consistance, surtout vu l’ampleur de la violence qui sort du scénario.

En parlant du scénario, l’idée de transmettre l’héritage n’a rien de bien original, mais il lui permet d’insuffler du sang neuf et de gommer quelque peu l’essoufflement de Martin Lawrence. L’acteur, que l’on n’avait plus vu sur grand écran depuis des années, traîne des pieds. S’il incarne bien le papa-gâteau trop vieux pour ces conneries, il est absent dans chacune des séquences musclées. Heureusement que la jeune équipe prête main forte à Will Smith, sans quoi, le film souffrirait diaboliquement. Parmi les nouveaux venus, on saluera la performance de Paola Nùnez qui offre une jolie plus-value et un véritable cachet au film. Bad Boys était terriblement machiste dans ses deux premiers épisodes, il manquait la présence solide d’une femme avec un caractère bien affirmé. A ce jeu là, elle remplit parfaitement la mission et est d’autant plus soutenue par Vanessa Hudgens qui convainc parfaitement les armes à la main. Notons aussi Alexander Ludwig qui troque son costume de Bjorn de la série Vikings pour venir apporter la touche geek et musclée qui manquait au tableau. Bad Boys For Life se la joue donc Expendables 3, ça fonctionne, mais ça reste assez paresseux pour pleinement nous sustenter. D’autant que le twist final sent le forcing et transpire l’opportunisme à plein nez. On le sait qu’un film de cette envergure va marcher en salle, nul besoin de placer des pions pour une suite éventuelle. La fin, sous ses airs de faux héritage, nous laisse craindre le pire comme cela est devenu presque coutume ces dernières années. Il y a fort à parier que le filon va être exploité et rongé jusqu’à la moelle. On vous le dit tout net, on en rage d’avance.

Que retenir donc de ce Bad Boys For Life ? Le capital sympathie l’emporte sur les problèmes soulevés ci-dessus. La séance se déroule sans encombre. On est content de retrouver des personnages que l’on a apprécié. L’alchimie entre Smith et Lawrence est toujours présente. La nouvelle équipe est convaincante. La violence graphique est de bonne augure. Autant de points positifs qui cachent les défauts et qui nous font valider le film. Attention, toutefois, à la possible overdose qui risquerait de débarquer sur nos écrans d’ici quelques années…

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