Le Colocataire : Passion confinée

Présenté l’année dernière au festival Chéries Chéris où il a raflé pour son acteur Gaston Re le prix d’interprétation, Le Colocataire débarque enfin en salles chez nous. L’occasion de découvrir ce film argentin réalisé par Marco Berger, auscultant le désir s’emparant de deux hommes habitant ensemble, mais qui n’assument pas leur relation, celle-ci risquant d’être mal vu par leur bande de potes et par la société argentine en général. Une société argentine décidément traversée par la question gay comme en témoigne de plus en plus de films produits récemment à l’instar du très beau Fin de siècle, lui aussi présenté au festival Chéries Chéris 2019.

Le Colocaire nous conte donc l’histoire de Gabriel qui travaille dans une scierie pour gagner sa vie et pouvoir envoyer de l’argent à ses parents qui s’occupent de sa fille dont la mère est décédée. Attendant le moment où il pourra emménager avec sa fille, Gabriel doit pour le moment se contenter d’un modeste appartement en colocation avec Juan. Celui-ci est quelqu’un à la sexualité débridée, multipliant les conquêtes, mais affichant un désir certain pour Gabriel, désir partagé. Alors que la tension sexuelle monte entre les deux et qu’ils couchent ensemble, Juan continue de traiter Gabriel comme un simple ami à qui il ne montre aucun signe d’affection en public. À Gabriel de se faire à la situation sans rien dire, lui qui voudrait plus. Tout au long de son récit, le film va jouer sur cette attente sans cesse déçue de Gabriel, qui voit bien que Juan ne s’empêche en aucun cas de continuer à voir d’autres gens quand bien même il affirme vouloir continuer à coucher avec lui.

Marco Berger capte avec une certaine tendresse cette attente et ce désir, sans avoir peur de filmer en gros plans les entrejambes et les corps nus. Malheureusement, le personnage de Gabriel est bien trop hermétique et l’on a du mal à comprendre ce qui l’anime et pourquoi il reste aussi passif face à une situation aussi intenable. S’il ne manque pas de tendresse dans sa mise en scène, Marco Berger se repose néanmoins bien trop sur un scénario plat, venant difficilement transcender l’enjeu premier du film et se reposant sur le même questionnement durant 1h50 en refusant les artifices scénaristiques qui pourraient donner un peu de corps au récit. Si c’est tout à son honneur, sa chronique intime vire rapidement à l’ennui à mesure que le spectateur comprend bien avant Gabriel que Juan ne changera jamais en dépit des baisers et des relations sexuelles partagés.

Difficile donc de complètement s’intéresser au trouble que le film raconte (dans le même genre, un film comme Fin de siècle est plus réussi et plus passionné) et c’est seulement sur sa fin que Le Colocataire affiche le cœur de son récit, situé sur le regard des autres et surtout dans la relation entre Gabriel et sa fille. À ce titre, la scène finale vient enfin apporter l’émotion nécessaire au film, mais il aurait fallu qu’une telle émotion se distille beaucoup plus longtemps en amont du scénario pour vraiment infuser. Reste néanmoins la belle interprétation de Gaston Re, justement récompensé au festival Chéries Chéris par son infinie subtilité, offrant au personnage de Gabriel une certaine complexité peu affichée dans le scénario. À lui seul, il permet de donner un peu d’épaisseur à un film qui aurait vraiment gagné à être plus ample dans son émotion.

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