Bluebird : « Certaines personnes ne changeront jamais … »

Le polar belge moderne, on commence à en connaître la couleur. Noire, naturaliste, tournée vers ce que l’humain peut avoir de plus sordide, bref pas du genre à rigoler et évoquant plutôt le film de genre Scandinave des années 2000, celui des débuts de Nicolas Winding Refn, avec ses petites frappes sans envergure face aux grands méchants loups. Bref, si dans les premiers temps, on pouvait trouver une certaine fraîcheur (si tant est que ce mot soit adapté pour des films aussi glauques) dans ce cinéma brut de décoffrage, force est de constater que depuis quelque temps, on a un peu l’impression que tous ces films se ressemblent, et ce n’est malheureusement pas celui-ci qui va révolutionner quoi que ce soit, même si le résultat ne sera pas raté pour autant, ayant quelques petites cartes à jouer pour mettre le spectateur dans sa poche.

Avec son personnage central taiseux, taulard en liberté conditionnelle, n’aspirant qu’à rester dans son coin bien éloigné des emmerdes, on est en terrain connu. Ce type-là, on sait qu’il ne rigole pas, il n’a pas besoin de hausser le ton ou de parler de ce qui l’a mené en taule pour qu’on sente cette violence tapie en lui, dont le moindre petit grain de sable peut suffire à la faire surgir de manière terrible. Dans l’hôtel où il dort, contraint d’y être présent sur un créneau horaire précis sans quoi c’est le trou direct, il lie connaissance avec la fille adolescente de la gérante, jeune femme en manque d’affection paternelle, ce dernier étant également en prison. Il est donc naturel que dans ces conditions, l’ancien taulard au comportement d’ours sauvage, fasse figure de père de substitution, quand bien même celui-ci ne chercherait aucunement le moindre lien quel qu’il soit, comme pour rester sur ses gardes. Jusqu’à ce que tout bascule un soir, lorsque cette dernière se fait violer dans une voiture …

Pitch minimaliste, caractérisation simple mais efficace, tout est en place pour un petit polar de série B à la structure imparable, à savoir la mise en place chargée de nous attacher aux protagonistes, dont le passif est rendu limpide par des dialogues justes n’en disant jamais trop ou pas assez, ensuite l’élément perturbateur qui entraîne inévitablement un déferlement de violence cathartique. En soit, rien de honteux à ça, et ici le point positif s’appelle Roland Møller. Avec son charisme naturel qui bouffe tout sur son passage, tout le mystère du personnage passe naturellement sans qu’il n’y ait besoin de sur-explication ou d’une performance trop voyante de sa part. Tout passe par des regards, une démarche d’animal blessé, ne cherchant pas les embrouilles, mais que celles-ci viennent inévitablement trouver. Difficile dans ces conditions de ne pas compatir un minimum à sa descente aux enfers, quand bien même ses brusques accès de violence, même motivés par l’honneur d’une jeune femme, paraîtraient tout de même un poil démesurés. Pas besoin de nous expliquer ce qui l’a mené en prison, on voit rapidement de quoi il est capable.

Là où le bât blesse, c’est finalement dans la structure même du récit, qui aurait du en rester aux fameux 3 actes, mais qui donne plutôt l’impression d’une mise en place s’étalant sur presque l’heure et demi de film, semblant ne jamais réellement décoller, même lorsque l’on pense que cela va enfin être le cas. Prendre son temps pour nous attacher à des personnages, ce n’est absolument pas un souci, et la première partie jusqu’à l’agression est tout à fait recevable, claire, fluide. Mais il arrive un moment où sans attendre une déflagration d’action, il faut tout de même passer la seconde, chose qui n’arrive jamais vraiment ici. Alors on regarde le film sans difficulté, on est pris malgré tout, mais on attend sagement, avec un ennui poli, qu’il se passe réellement quelque chose. Jusqu’à un climax assez abrupt, donnant l’impression que le réalisateur ne savait pas trop comment achever son film.

Au final, si l’on n’en voudra pas trop au jeune cinéaste de faire preuve de simplicité narrative, on sera un poil déçu tout de même du manque d’envergure du film, malgré quelques beaux éclats, et cette métaphore toujours efficace de l’animal tapi à l’intérieur du protagoniste central, ici littéralement un chien abandonné ne voulant pas être caressé sans doute par crainte d’être blessé. Cet homme au passé qu’il voudrait oublier, a peur du moindre contact humain, et pense ne pas mériter d’être aimé. La fin du film ne dit que ça, peut-être de manière trop abrupte une fois encore, pour réellement porter au-delà du visionnage.

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