The Gentlemen : Gare aux dandys

Beaucoup pensaient avoir perdu Guy Ritchie lorsqu’il a signé l’adaptation live d’Aladdin pour Disney. En dépit d’un film classique comme pas deux, nous y retrouvions néanmoins une certaine verve, une empreinte qui essayait de s’exprimer au beau milieu du cahier des charges extrêmement strict de la firme aux grandes oreilles. Guy Ritchie n’était pas perdu avec ce film, il l’était depuis longtemps ! Si le papa du film de gangsters moderne s’était brillamment illustré dans le genre avec ses deux premiers longs-métrages (Arnaques, Crimes et Botanique en 1998 et Snatch en 2000), il y avait déjà un essoufflement certain dès son quatrième film, Revolver. En 2008, RocknRolla avait fait des émules, mais était loin de nous avoir convaincu. Parodie ringarde de ses deux premiers films, RocknRolla était éreintant, décousu et bordélique à souhait. Ses deux adaptations de Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr. lui ont permis d’affûter sa réalisation. Les films débordaient de bonnes intentions, mais il y avait toujours ce côté « bigger and louder » qui ne fonctionnait pas. A croire que Ritchie ne saurait jamais faire mieux que Snatch ? Et pourquoi s’évertuer à poursuivre dans une voie qui ne convainc plus ? Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas de ceux qui ont couru en salle pour aller voir The Gentlemen. Nous avons attendu sagement sa mise à disposition en VOD pour vérifier si, effectivement, Guy Ritchie était bel et bien de retour comme le clamaient moult critiques.

L’Américain Mickey Pearson est devenu un important baron de la drogue à Londres. Il a bâti une solide entreprise, implantée dans tout le Royaume-Uni. Après plusieurs années dans le business de la marijuana, il évoque plus ou moins la possibilité de se retirer. Cela va mettre la ville en ébullition : chantages, complots, trahisons, corruption et enlèvements. De nombreuses personnes vont tenter de convaincre Mickey afin de devenir propriétaires de ses affaires très lucratives.

« Guy Ritchie est de retour ! Guy Ritchie est de retour ! » Grand Dieu que nous avons entendu beugler cette exclamation dans tous les sens en février dernier lorsque le film est sorti dans nos salles. The Gentlemen possède tous les atouts qui ont fait la réputation de Guy Ritchie : un casting haut en couleur, des dialogues acérés, une réalisation au cordeau, un humour britannique grinçant. Cela suffit-il à porter aux nues ce onzième long-métrage ? La réponse est indubitablement NON ! Au risque de nous faire des ennemis, The Gentlemen ne réussit jamais à transcender ce qui faisait la force de Snatch.

Plusieurs raisons s’accordent à notre déception. La première : une narration qui ne cesse de briser le quatrième mur pour cacher des digressions scénaristiques incongrues. A vouloir jouer d’une narration enveloppant un film dans un film dans un film, Guy Ritchie perd tout notre intérêt. Dès lors qu’une situation commence à nous paraître grotesque et illogique, il brouille les pistes. Il use de flashbacks et flashforwards comme s’il en pleuvait si bien qu’on passe le plus clair de notre temps à essayer de comprendre ce qu’il se passe à l’écran plutôt que d’en apprécier pleinement la substance. De plus, Guy Ritchie ne cesse de s’auto-citer et de montrer bêtement du doigt ses œuvres moins aimées (Agents Très Spéciaux : Code UNCLE et Le Roi Arthur en tête) comme pour nous sermonner d’avoir été idiots de ne pas aimer. Avec une subtilité proche de zéro, il tombe dans l’auto-suffisance la plus atroce. Qu’il vienne saboter son propre travail, c’est une chose. Seulement, le bat blesse lorsqu’il amorce ses hommages totalement prévisibles (et ratés) aux films de Scorsese et Tarantino (pour ne citer qu’eux). Trop gentillet pour oser côtoyer la violence des films qu’il cite, The Gentlemen est un film de dandys gangsters aussi plat qu’une bouteille d’Evian.

Si la narration foutraque est le gros point noir du film, le gâchis de son casting vient en second temps. On ne peut pas blâmer les acteurs, ils s’en sortent tous à merveille. Seulement, le scénario ne leur permet jamais de transcender leurs personnages. Si ce n’est Charlie Hunnam qui possède à la fois les meilleures répliques et les meilleures scènes. Il excelle en bras droit fidèle et froid, et son accent anglais est très appréciable et sied à merveille au personnage. Il représente toute l’idée que nous nous faisions du gangster en smoking que nous avions imaginé avant de lancer le film. Notons également une mention honorable pour Colin Farrell qui décrochera quelques rires francs. Pour ce qui est du reste, les personnages sont inintéressants au possible. Matthew McConaughey ne croit pas une seconde en Mickey. Il arpente les scènes en tirant une tête de déterré, comme s’il nous suppliait de mettre fin à son calvaire. Jeremy Strong fait pitié en jouant les vilains petits canards. Henry Golding campe un chinois très méchant…et c’est tout. Rien de nuancé, rien de fin…juste du racisme ordinaire bien dégueulasse. Un racisme ordinaire que Guy Ritchie prenait un malin plaisir à descendre dans Snatch (oui, encore lui) pour appuyer son comique de situation. Voilà ce qui rendait Snatch aussi brillant qu’amusant, il y avait des idées, et des bonnes ! Et pour finir, Hugh Grant. S’il y a bien un acteur qui n’a besoin de rien faire à part laisser agir son charisme, c’est bien lui. L’idée de voir Hugh Grant sortir de sa zone de confort et venir nous livrer un personnage à des années du britannique romantique qui lui colle à la peau était la meilleure idée du film. Que lui offre-t-on ? Un rôle de journaliste/maître-chanteur qu’il joue divinement grâce à sa diction si particulière. Que fait-on de ce personnage ? Absolument rien, à peine un pion présent à divers moments de l’histoire. Ce fantasme de voir Hugh Grant casser des bouches aura été bien vain. Même s’il n’est pas tout rose, son personnage est aussi lisse que la mort de Marion Cotillard dans The Dark Knight Rises était crédible.

Vous l’aurez compris : The Gentlemen est un gâchis monstrueux. S’il s’offre quelques envolées lors de séquences vraiment savoureuses (on pense à la scène de l’appartement ou encore la confrontation avec un chef de gang chinois) et nous arrachera un sourire au détour de quelques dialogues bienvenus, il n’en reste pas moins un foutoir abracadabrantesque. Guy Ritchie n’est pas de retour ! D’ailleurs, il ne s’en remettra probablement jamais de ses deux premiers succès coup sur coup. Deux films qui lui ont permis de se faire un nom. Un nom qu’il entache chaque fois qu’il essaie de renouer avec ses gloires passées. The Gentlemen, ou le nouveau sabordage dans les règles de son auteur. Que c’est triste !

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