L’extraordinaire Mr. Rogers : Un ami que tout le monde voudrait

Sorti en novembre dernier aux États-Unis, L’extraordinaire Mr. Rogers devait également bénéficier d’une sortie salles en France (initialement sous le titre Un ami extraordinaire) mais l’épidémie de Covid-19 en a décidé autrement. Initialement prévu pour une sortie cinéma le 22 avril dernier, c’est finalement à cette date que le film est devenu disponible en VOD avant une arrivée sur Amazon Prime le 14 mai et une sortie vidéo le 17 juin prochain. Nous avons donc pu voir le film comme prévu malgré des conditions différentes et c’est avec surprise que nous découvrons un très beau récit, sans fioritures, capable de nous émouvoir en un rien de temps.

On pensait que nous aurions le droit à un biopic classique sur Fred Rogers, animateur vedette d’une émission pour enfants intitulée Mister Rogers’ Neighborhood. Cette émission, immensément populaire aux États-Unis a été à l’antenne de 1962 à 2001 avec au total 912 épisodes ! Épisodes dans lesquels Fred Rogers, aidé de ses marionnettes et de quelques chansons, s’adressait aux enfants sans pour autant les prendre pour des benêts, abordant parfois des thèmes aussi lourds que la gestion de la colère ou la mort. Personnage totalement bienveillant, qui prenait le temps avec chaque personne qu’il rencontrait, Mr. Rogers avait de quoi fasciner le cinéma hollywoodien dans tout ce qu’il a de plus balourd, à renfort de guimauve et de bons sentiments. On avait tout faux car le scénario écrit par Micah Fitzerman-Blue et Noah Harpster, rehaussé par la mise en scène de Marielle Heller (à qui l’on doit le très bon Les faussaires de Manhattan) opte pour une approche détournée, à la fois plus singulière et plus pertinente.

L’extraordinaire Mr. Rogers se concentre en effet sur Lloyd Vogel, journaliste pour Esquire un brin désabusé, cynique face à l’état du monde et en froid avec son père. Quand on le charge de rédiger un portrait de Fred Rogers, il rechigne et ne tarde pas à vouloir percer la façade bienveillante du personnage, persuadé que toute la bonté de Rogers n’est qu’une façon pour lui de se donner en spectacle et d’assurer sa popularité. Il ne tarde pas à réaliser la profonde humanité d’un homme prêt à reconnaître ses défauts, qui ne se rengorge pas de son succès et qui, au contraire, aime à passer du temps près des autres. Rogers pousse même Lloyd à se confier sur ses tourments, inversant de façon totalement inopinée les rapports entre le journaliste et l’interviewé. Et si Lloyd en sortira avec un superbe article (le personnage a été inventé pour les besoins de la fiction mais l’article en question existe vraiment et est disponible en ligne), cette rencontre va surtout lui permettre de surmonter la profonde colère qu’il entretient à l’égard de son père (le trop rare Chris Cooper) pour trouver la force de lui pardonner.

C’est donc à travers le parcours émotionnel de Lloyd que le film approche Fred Rogers, laissant penser que ce qu’il fait pour Lloyd n’est qu’une étape de plus dans une vie passée à être proche des gens, à se pencher sur leurs problèmes et à réfléchir sur des façons simples d’appréhender les obstacles du monde. Difficile dès lors de ne pas s’émouvoir de l’écriture subtile du scénario et de ne pas souhaiter rencontrer un jour l’équivalent d’un Fred Rogers. Dans ce rôle d’une telle bienveillance, difficile d’imaginer quelqu’un d’autre que Tom Hanks, acteur au capital sympathie inépuisable, capable de faire preuve de sacrées nuances dans son jeu pour aller au-delà d’un simple trait de caractère écrit dans le scénario. Son Fred Rogers est à la fois profondément débordant d’amour et de compréhension mais également parfaitement insaisissable, le rendant merveilleusement complexe. Face à lui, Matthew Rhys est également impeccable en journaliste sceptique, trouvant la bonté naturelle de son interlocuteur difficile à accepter.

En évitant les sentiers balisés du biopic et en faisant le portrait de Fred Rogers via sa rencontre avec un autre personnage, L’extraordinaire Mr. Rogers se pare donc d’un très beau message universel et d’une approche intelligente, confirmés par la mise en scène de Marielle Heller qui va jusqu’à reproduire l’esthétique de l’émission Mister Rogers’ Neighborhood pour mieux nourrir son récit et faire vibrer l’enfant qui se trouve encore au fond de nous et qui voudrait être aimé, tout simplement.

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