The Way Back : Une belle histoire, tout simplement …

Découvert en France avec son très beau polar urbain Le prix de la loyauté, que l’on vous conseille fortement si vous ne le connaissez pas, puis ayant confirmé avec le magnifique Warrior, où Tom Hardy et Joel Edgerton en frères ennemis réglaient leurs comptes sur un ring dans un tournoi de MMA (Mixed Martial Arts), Gavin O’Connor semble s’être attaché à perpétuer les bases d’un cinéma Américain classique dans le sens le plus noble du terme, où les sentiments et les drames de la vie sont exprimés avec une sobriété de mise en scène n’excluant par une certaine exaltation lorsque les enjeux en viennent à se resserrer. S’il s’était quelque peu fourvoyé en venant à la rescousse du projet Jane got a gun, western avec Natalie Portman à la production houleuse, pour un résultat mollasson et oubliable, puis avec le thriller hybride Mr. Wolff, avec Ben Affleck en petit génie autiste utilisé par les organisations mafieuses pour accomplir leurs basses besognes, au point de nous faire douter de sa solidité, il revient aujourd’hui par la petite porte de la VOD pour un résultat néanmoins convaincant l’asseyant définitivement en artisan à l’ancienne au classicisme bienvenu par les temps qui courent.

Projet visiblement conçu pour Ben Affleck, il s’agit d’un film au sujet typiquement américain, puisqu’il mixe ce fameux parcours du combattant d’un homme ayant perdu ses proches à cause de son addiction, tentant de remonter la pente difficilement, au film de sport n’ayant jamais pris par chez nous, mais ayant occasionné de nombreux films plus ou moins cultes de l’autre côté de l’Atlantique. Affleck y est donc Jack, ancien champion de basketball, qui suite à une tragédie personnelle, a sombré dans une dépression lui ayant coûté sa femme et l’ayant entraîné dans un alcoolisme le laissant de plus en plus affaibli physiquement et moralement. Lorsque l’occasion se présente d’entraîner l’équipe d’un lycée catholique n’ayant pas la moindre victoire à son actif, il ne peut hésiter bien longtemps, y voyant l’occasion de s’accrocher à un petit espoir pouvant le sortir de sa solitude et lui redonner un peu confiance en lui. Mais bien entendu, les vieux démons étant du genre tenaces, tout ne se passera pas forcément pour le mieux dans le meilleur des mondes …

Vu comme ça, on craint le drame moralisateur et larmoyant comme les Américains en sont malheureusement assez coutumiers, où la tentative de remontée du protagoniste central ne serait qu’un prétexte à peine voilé pour exalter les valeurs de l’église dans un prosélytisme forcément assez problématique pour peu que l’on ne partage pas ce type  de vision de la vie. Heureusement, il n’en sera rien, et la raison en est simple, le film peut compter sur la présence très impliquée de son acteur principal, dont le propre vécu a forcément infusé de manière intime celui de son personnage.

S’il n’a pas vécu, heureusement, de drame initial semblable à celui de son personnage, Ben Affleck a néanmoins dû faire face à un alcoolisme du genre tenace, et il se trouve qu’il sortait tout juste d’une cure lorsqu’il a entamé le tournage de ce film. Et cela se sent de la première à la dernière image. Marqué, doté d’un charisme inédit et surtout d’une densité de jeu assez remarquable, il semble se livrer à cœur ouvert, nous touchant forcément sans mal et livrant sans doute la meilleure prestation de sa carrière. Car il ne semble jamais être dans la composition voyante d’un acteur voulant se racheter une respectabilité critique, il élève ce qui ne pourrait être qu’une énième leçon de vie assénée lourdement, à un niveau plus qu’honorable, semblant jouer sa propre rédemption par son incarnation.

Heureusement, il n’est tout de même pas le seul atout au final, et la mise en scène à juste distance de Gavin O’Connor prend admirablement le relais de cette prestation. Jamais dans la démonstration, évitant de tirer la couverture à lui, il cherche, tels les artisans à l’ancienne, à raconter son histoire de la façon la plus honnête possible, en ne se plaçant jamais au-dessus de ses personnages. Il les aime profondément, et tente toujours de déceler le peu de lumière qui peut rester, afin de ne pas les enfoncer davantage dans leur malheur. Ce regard sensible finalement assez rare dans le cinéma actuel, est la preuve d’un véritable point de vue, et nous réserve quelques beaux moments d’émotion simple, sachant toujours s’arrêter au bon moment, avant que la machine à provoquer les larmes ne se mette en marche.

Toujours sobre et juste dans ses effets, il est tout simplement efficace, et ce qui peut passer pour un banal argument se révèle pourtant la meilleure façon de décrire un film ne prétendant jamais être plus que ce qu’il est. Si sa modestie et sa façon de se construire entièrement autour de son comédien l’empêchent tout de même d’atteindre la grandeur de Warrior, son plus beau film à ce jour, qui atteignait des sommets bouleversants d’émotion dans sa dernière heure, il peut au moins prétendre nous prendre par la main de la façon la plus délicate possible, en tentant à chaque instant d’offrir des possibilités d’élévation à son personnage. Si l’on ne cherche pas un film qui redéfinira la grammaire cinématographique, mais que l’on regrette un certain cinéma des 90’s, où aurait pu s’illustrer un certain Robin Williams, alors on est à la bonne adresse.

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