Guns Akimbo : La générosité, supplément hémoglobine !

Netflix s’est désormais imposé comme le premier refuge de vidéo à la demande utilisé en France. Avec ses productions originales, de qualité alternative selon qui est aux commandes, il devient difficile de rivaliser avec la plate-forme qui grandit de plus en plus. Pourtant, suivant difficilement derrière, il y a Amazon Prime qui commence à tirer son épingle du jeu. Quelques séries qualitatives sont désormais aux compteurs de l’annexe vidéo du géant du commerce en ligne. Dans son catalogue vidéo encore très perfectible, on peut y dénicher, depuis le 23 mars dernier, le second film réalisé par Jason Lei Howden (Deathgasm). Présenté lors du festival international du film de Toronto en septembre 2019, Guns Akimbo n’a bénéficié d’une sortie salle qu’en Nouvelle-Zélande (pays d’origine du réalisateur) avant d’être destiné au marché de la VOD. Projet aussi fou que son réalisateur, Guns Akimbo est pourtant le genre de film qu’on aurait adoré voir en salle. Bien que son sujet tourne autour des réseaux sociaux et de la web tv, ce qui légitime quelque peu sa présence en VOD, Guns Akimbo est un film d’action survitaminé qui balance ses multiples références aussi finement que Schwarzenegger qui fait tout exploser à la fin de Commando. Un produit calibré fait par et pour les amoureux de yakayos en tout genre. Un film qui, même s’il ne le mentionne pas directement, s’adresse aux enfants des années 80.

Dans une réalité alternative pas très éloignée de la nôtre, une émission clandestine hyper violente, Skizm, cartonne sur le dark web. Retransmise en direct, elle consiste à montrer en live un jeu mortel où des inconnus et des criminels s’entre-tuent. Le meurtre est devenu un concept de divertissement, ce qui ne choque personne, sauf un développeur de jeux-vidéos raté, Miles. Sur le forum de l’émission, il insulte violemment les nombreux spectateurs. Ses critiques ne passent pas inaperçues et il se retrouve aussitôt agressé à son domicile par les développeurs de Skizm. À son réveil, il découvre qu’on lui a cloué un pistolet sur chacune de ses mains et qu’il va devoir affronter une redoutable adversaire, Nix. Il a 24h pour la tuer sans quoi il perdra la vie.

S’amuser et rire de la violence est devenu une marque de fabrique chez les réalisateurs néo-zélandais qui arrivent à percer par delà leur contrée. Peter Jackson étant le maître incontesté et incontestable en la matière puisque ses trois premiers films ont marqué de manière considérable les cinéphiles qui s’y sont confrontés. On peut mentionner l’arrivée sensationnelle de Taika Waititi qui, avant son incursion chez Marvel pour Thor Ragnarok qui était détonnant, nous avait régalé les zygomatiques avec l’irrévérencieux Vampires, En Toute Intimité. Plus anciennement, bien que ses films étaient d’une violence plus frontale, nous avions eu Lee Tamahori qui s’était fait remarquer également. La violence, institution oblige chez les néo-zélandais qui désirent conquérir Hollywood ? C’est en tout cas le chemin que semble suivre Jason Lei Howden. Deathgasm était un premier film fun et décomplexé qui marchait fièrement sur les plate-bandes du Peter Jackson des débuts afin de nous offrir une bande de métalleux qui affronte une horde de morts-vivants. Crétin et généreux en tout, Deathgasm était le film idéal à voir entre potes un samedi soir. Et la générosité collera encore à la peau de Howden pour Guns Akimbo. Si les années 80 avaient connu une ère technologique similaire à aujourd’hui, pour sûr que Guns Akimbo aurait été le film ultime, le porte-étendard de toute une génération. Malheureusement, internet, les jeux-vidéos et les multiples projets artistiques aux ambitions créatrices moindre auront raison de Guns Akimbo qui n’aura pas la visibilité suffisante pour ravir les amateurs. Film de niche donc ? Qu’à cela ne tienne !

On se souvient encore du catastrophique Hardcore Henry, véritable bouse intersidérale qui aurait dû rester au stade du court-métrage. C’est d’ailleurs de l’ombre de ce film, qui a sacrément fait mal au cinéma d’action testostéroné, que doit sortir péniblement Guns Akimbo. La mise en scène furieuse nous y ramènera directement. Pensé et construit comme un shoot ’em all immense, le film de Jason Lei Howden va puiser sa mise en scène dans tout ce qui s’est fait de meilleur depuis Matrix. Caméra virevoltante, bullet time à foison, explosion de crâne dans tous les sens… Si le fond et la forme demeurent les mêmes que Hardcore Henry, Guns Akimbo a le mérite, lui, de ne pas prendre le spectateur pour un con. Jason Lei Howden est un grand enfant qui se met à rêver à un jeu de massacre grandeur nature en y incluant tout ce qui a construit sa culture. Et quand un réalisateur arrive à digérer ses classiques pour venir toucher notre propre corde sensible, ça matche forcément.

L’appartement de Miles ressemble à celui que nous nous sommes idéalisés adolescents. Entre les figurines collectors de ses jeux-vidéos préférés, les affiches de Rambo et Commando sur les murs, ou encore la console dernière génération, cet appartement est vraiment celui que le gamin qui sommeille en nous désirait. Et cette générosité présente dans la décoration de l’appartement, elle se retrouvera dans chacune des scènes du film. Les méchants qui semblent sortir du tournage de Mad Max 2, les fusillades dans des entrepôts cradingues à mi-chemin entre un clip de métal du début des années 2000 et Domino de Tony Scott, sa bande-son rock et rentre-dedans, les répliques débiles assénées avec la subtilité d’un marteau-piqueur et puis surtout Daniel Radcliffe qui s’amuse comme un gosse. Guns Akimbo est un concentré pur jus de gaudrioles et de cinéma bis.

S’il avait réussit à casser son image d’enfant à la sortie des aventures de Harry Potter en enchaînant des rôles aussi tortueux (Horns) que complètement fous (Swiss Army Man), il étonne une fois de plus dans la peau de ce geek loser balancé avec pertes et fracas en chaussons et caleçon dans une guerre qu’il n’a pas souhaité. Valeur sûre et totalement emblématique, il trouve ici un rôle en passe de devenir culte pour toute une communauté d’adeptes de cinéma décomplexé. Mais là où le film aura réussi à arracher définitivement toute notre admiration c’est lors de son combat final. Jason Lei Howden nous sort la chanson du générique de fin de Kickboxer afin de ponctuer son dernier affrontement. Il n’en fallait pas moins pour susciter notre amour total. Oui, le film est vraiment généreux. Il a arraché notre cœur de Van Damme addict et nous a totalement ensorcelé. Il nous est difficile d’être objectif tant le plaisir ressenti en fin de métrage nous a fait bondir de joie dans tous les sens. Guns Akimbo est une énorme plaisanterie gourmande de 90 minutes qui balancera un épilogue à faire trembler Keanu Reeves où Daniel Radcliffe laisse entrevoir une possible succession à John Wick, rien que ça. On peut être taillé comme une chips et pourtant en imposer de manière aussi classieuse que Keanu. Grand Dieu que ce film est généreusement jouissif !

Vous l’aurez compris, Guns Akimbo est généreux (oui, c’est le maître-mot qui lui colle à la peau). S’il n’apporte rien de nouveau dans l’univers des yakayos et autres actioners sauce 80’s ou 90’s, il a le mérite de divertir honnêtement en montrant une vraie connaissance et un total respect des codes du genre. L’humour bas du front et le déferlement de violence aura son lot de réfractaires, c’est certain. Mais pour les amateurs de ce genre de film, foncez dessus sans attendre. Guns Akimbo est un énorme gâteau succulent, généreux et sucré à souhait…on peut avoir du rab ?

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