Radioactive : Une femme d’exception … pour un film bien lisse

Avant toute chose, il est utile de rappeler que le film se rattache totalement au courant du biopic, genre toujours en vogue à Hollywood et ailleurs, mais pas franchement le plus reluisant d’un point de vue cinéphile. En effet, comment adopter un vrai point de vue, et injecter la dose de cinéma nécessaire, lorsque le scénario se limite la plupart du temps à de l’hagiographie bien ronflante façon fiche Wikipédia ? Il y a bien quelques contre-exemples, mais il s’agit dans la majorité des cas de cinéastes aux univers bien affirmés ayant consciemment choisi de faire dans l’anti biopic (on pense notamment à Todd Haynes avec son I’m not there, autour de la figure de Bob Dylan). Quoi qu’il en soit, Marjane Satrapi cochait à priori les cases pour réaliser un film un tant soi peu personnel, surtout autour d’un personnage aussi fort que Marie Curie, dont on pouvait espérer quelque chose de flamboyant, à l’image de l’univers très graphique de l’artiste à l’origine de Persepolis, dans ses versions papier et cinématographique, ainsi que de Poulet aux prunes, itou (et un film à réhabiliter d’urgence) …

Née Maria Sklodowska, celle qui deviendra Marie Curie après son mariage avec Pierre Curie, aura été une pionnière sur bien des aspects. À l’origine de la découverte du radium, elle aura été la première femme à obtenir le prix Nobel, et encore à ce jour, la seule à l’avoir obtenu deux fois. Passionnée et en avance sur son temps, on peut sans problème la définir comme l’une des premières féministes, à savoir à revendiquer ouvertement une indépendance d’esprit, affranchie des diktats de la société, et voulant être reconnue pour ses travaux, ce qui est bien évidemment fort logique. Sa vie aura été parcourue par son lot d’évènements marquants, parfois tragiques, comme la mort de son époux de façon horrible, ainsi que la guerre. En bref, si l’on veut vraiment synthétiser, on dirait que sa vie était en soi un roman et qu’il était donc inévitable que le cinéma s’y penche un jour ou l’autre. En réalité, ce n’est pas le premier film à mettre son personnage en scène, mais lorsque l’on se penche sur ceux l’ayant précédé, on se rend compte qu’aucun n’a eu de réel retentissement. Tout était donc là pour donner un beau moment de cinéma, avec la personnalité elle aussi très marquée de sa réalisatrice. Mais les vieilles habitudes ont la peau dure, et l’on se rendra vite compte (à peu près au bout de 2 minutes) que l’on aura droit à tous les tropismes du genre.

Nous commençons donc par Marie Curie au crépuscule de sa vie, Rosamund Pike se retrouvant affublée d’un maquillage bien voyant et pas bien subtil. Ensuite, pour donner un semblant de dynamisme à l’ensemble (en réalité totalement absent), nous basculerons sans cesse entre les époques, avec quelques tentatives finalement assez louables mais malheureusement ratées de flash forwards sur des évènements précis (mais nous n’en dirons pas plus). On sentira à chaque instant l’envie de Satrapi de donner des couleurs au biopic traditionnel, par des élans de poésie et d’esthétisme, particulièrement sur des scènes de rêves. Mais justement, on ne finit par ne plus voir que cette bonne volonté finalement assez écrasante, car jamais ces envies de cinéma ne parviennent à s’incarner réellement dans son sujet. On a comme une impression de voir deux films en un, jamais ces instants ne semblant appartenir à son sujet de base. Consciente des limites du genre, comme cloisonnée à l’intérieur d’un dispositif académique, elle ne réussit pas selon nous à s’en départir et à proposer une mise en scène qui paraisse cohérente par rapport à son sujet. Nous avons donc d’un côté le biopic classique, un peu mou du genou et pas bien passionnant si on cherche un peu de cinéma, et de l’autres quelques fulgurances plastiques donnant l’impression de n’avoir rien à faire là, surtout qu’on est quand même souvent dans une esthétique carte postale pas bien glorieuse. Au milieu de tout ça, il y a la performance louable, mais trop visible de Rosamund Pike, se donnant beaucoup de mal pour avoir l’air très impliquée, tombant parfois dans l’outrance, à côté de laquelle nous préfèrerons la retenue de Sam Riley, solide et plutôt touchant.

Il est dommage de voir ainsi un film se désagréger sous nos yeux, alors qu’il y avait un potentiel autre. Au final, malgré le talent de Marjane Satrapi, que l’on espère revoir s’épanouir rapidement, il n’y a pas grande trace de celui-ci dans ce film, et l’on se dit qu’il aurait en réalité pu être réalisé par n’importe qui d’autre, que cela n’y aurait pas changé grand-chose. Boursouflé, handicapé par son tournage en anglais façon europudding, le résultat s’oubliera quasiment en temps réel, comme la majorité des représentants de ce sous genre assez barbant.

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  1. Oussekine : Aucun changement en 36 ans -

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