Temps sans pitié : Time is the enemy

Cinéaste passionnant, Joseph Losey est de ceux dont l’on découvre les films avec un intérêt vif et constant, notamment ces dernières années grâce aux nombreuses ressorties dont il a eu les honneurs (Cérémonie secrète, M ou même Eva). N’échappant pas à la règle, Temps sans pitié, distribué par Carlotta Films, ressort en salles le 4 mars 2020 dans une superbe copie restaurée. L’occasion de (re)découvrir ce film charnière dans la carrière de Losey, qui lui permit une belle reconnaissance en France puis à l’international, le faisant sortir de l’ombre du Maccarthysme qui l’avait forcé à fuir en Angleterre.

À voir Temps sans pitié aujourd’hui, on comprend aisément pourquoi le film a tant marqué les critiques de l’époque tant son rythme ne faiblit jamais. En un peu moins d’une heure et demie, Losey réalise là un film noir désespéré dont il nous fait sans cesse ressentir l’urgence. Il faut dire que le sujet s’y prête : écrivain alcoolique sortant tout juste d’une cure de désintoxication au Canada durant laquelle il n’avait pas accès à son courrier, David Graham apprend que son fils a été accusé de meurtre et qu’il va se faire exécuter. De retour en Angleterre, David n’a que quelques heures pour trouver une preuve tangible afin d’innocenter son fils. Commence alors une course contre la montre éperdue, plongeant David dans un tel état de nervosité que sa sobriété en est menacée…

Voilà un film qui porte bien son titre, Joseph Losey nous scotchant dès le début (la scène de meurtre inaugurale révélant même le visage du coupable) avec une mise en scène sans ambages, d’une efficacité redoutable, collant au plus près de son personnage dont l’avancée dans le récit use les nerfs, jusqu’à le pousser à commettre une action désespérée… Film noir étonnant suant le désespoir par tous les pores de la peau de son personnage principal (Michael Redgrave, impeccable), Temps sans pitié parvient à mêler un certain goût pour le réalisme (social et judiciaire) tout en n’ayant pas peur d’une mise en scène hautement stylisée, dont la photographie est concoctée par Freddie Francis avant qu’il ne commence sa carrière de réalisateur à la Hammer. Le goût de Losey pour les miroirs et les zones d’ombres est évidemment présent, servant à montrer les vices rongeant les personnages, qu’ils soient bien intentionnés ou non.

S’opposant d’ailleurs à un Michael Redgrave de plus en plus désemparé, le personnage de patron tout-puissant incarné par Leo McKern (le plus savoureux des Numéro 2 dans la série Le Prisonnier) représente le capitalisme dans toute sa splendeur destructrice. McKern, dans un numéro d’acteur plein de rage, incarne un véritable salaud se pensant intouchable, capable de mettre tout le monde dans sa poche à grandes allonges d’argent et de promotions. Le constat que fait Losey sur la société est implacable et seul David Graham, pourtant alcoolique, se bat pour la vérité. Noir jusque dans son dénouement brutal, Temps sans pitié est un film nous prenant à la gorge et l’on a rarement senti de manière aussi intense l’urgence d’un récit, que Losey fusionne avec la perte de contrôle de David. La réussite du film tient aussi bien dans la mise en scène presque baroque de Losey que dans l’agencement du scénario, permettant de rapidement faire oublier le visage de l’assassin aperçu dans la première scène au profit du périple de David dont on colle sans cesse de plus près jusqu’à la dernière scène. Une véritable leçon de rythme et de mise en scène dont on vous conseille urgemment la découverte !

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