Édito – Semaine 8

On vous disait récemment tout le bien que l’on pense de La dernière vie de Simon, premier film de Léo Karmann, véritable réussite en matière de cinéma fantastique français, proposition audacieuse et maîtrisée. Pour sa deuxième semaine d’exploitation, le film voit ses séances diminuer de manière drastique et à Paris, seul l’UGC des Halles le propose en continu dans la journée. Dans tous les autres cinémas de Paris ou de province, le film est relégué parfois à des séances tardives (22h15 au MK2 Bibliothèque !) qui, évidemment, ne lui font que du tort.

Ce problème d’exploitation du cinéma de genre, soulevé par Léo Karmann ou Fabrice Du Welz (bonne chance désormais pour voir Adoration en salles !) dans nos rencontres avec eux à Gérardmer est constant et soulève des questions cruciales en termes de distribution. Autre exemple, international cette fois avec Waves, coup de cœur de ce début d’année pour la rédaction et qui doit désormais se contenter à Paris d’un seul horaire au Publicis. A quoi bon sortir un film si c’est pour ne pas le soutenir ? Une sortie technique pour Waves, c’est certes permettre aux cinéphiles de foncer le découvrir mais c’est aussi le condamner à ne pas être vu par le plus grand nombre.

A l’heure où le cinéma français semble enfin prêt à bouger (la démission collective de l’Académie des Césars a fait beaucoup de bruit), il serait grand temps de réévaluer tout le système d’exploitation pour permettre aux films plus  »fragiles » disons, d’avoir le temps d’exister. C’est d’autant plus alarmant que dans le cas d’un film de genre comme La dernière vie de Simon, un échec peut non seulement nuire à la carrière du réalisateur mais aussi au genre en général, les producteurs n’ayant aucun scrupule à pointer du doigt cet échec pour justifier le fait qu’ils ne veulent plus produire de cinéma fantastique.

Comment dans ce cas-là, expliquer que ça ne s’applique pas à la comédie ? Au moins une fois par semaine chez nous sort une comédie à la con ressemblant à toutes les autres, avec son affiche sur fond bleu ou fond blanc et sa mise en scène fadasse. Et pour un succès comme Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?, on ne compte plus les gamelles que ces comédies interchangeables se prennent, qu’elles soient tenues ou non par des têtes d’affiche bankables (les échecs de Bienvenue chez les Malawas et Le Lion en témoignent). Pourtant, bon an mal an, en dépit des échecs successifs, des producteurs se disent régulièrement qu’il faut produire des comédies pour obtenir un succès. Alors qu’avec le cachet que prend un Dany Boon, on pourrait financer au moins deux films aussi audacieux que La dernière vie de Simon et soutenir des cinéastes avec une vraie vision. Peut-être qu’un jour le cinéma français, en prenant conscience de ça, pourra enfin réparer ce tort injustement commis à tous ces réalisateurs qui veulent faire autre chose que du drame social ou de la comédie, peut-être qu’un jour on se rappellera que le cinéma français de la grande époque savait mêler comédies, polars âpres, réalisme poétique et grands drames humains. On l’espère sincèrement. Sinon on pourra toujours faire ce que nous conseille Léodagan dans Kaamelott : tout cramer pour repartir sur des bases saines.

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