Deux : C’est pas avec ça qu’on remettra les personnes âgées au centre de l’attention

Concernant le cinéma, beaucoup de questions circulent et le 7ème art est une vitrine de nombreuses tendances observables à travers le monde. L’une d’entre elle fut de prétendre que la vieillesse n’existera plus à Hollywood et sur grand écran. Voire n’existe déjà plus, pour les femmes du moins. D’un côté car il y a cette envie perpétuelle de rester jeune et donc de se refaire le visage sans cesse jusqu’à ce qu’il paraisse le même que 30 ans auparavant. Et de l’autre à cause de cette technologie permettant au choix de rajeunir numériquement une actrice ou de la ressusciter tout simplement. Le débat mérite quelques réflexions, cependant, en France, sans forcément le savoir, un film en est une réponse directe. Il s’agit de Deux, film de Filippo Meneghetti mettant en scène Martine Chevalier, Barbara Sukowa et Léa Drucker.

Le film s’attache à raconter une histoire d’amour entre deux femmes âgées vivant leur idylle cachée des yeux de tous. Au travers de cet amour semble-t-il impossible, le réalisateur aborde beaucoup de questionnements et de thématiques très importantes. Celle de la place des personnes âgées au cinéma dans un premier temps et leur accessibilité à leur histoire d’amour. Viennent ensuite les thématiques d’homosexualité et les conséquences des traitements médicamenteux excessifs envers les personnes d’un certain âge que l’on drogue dans l’optique d’en faire des légumes dociles.

Le projet est très intéressant sur le papier et mériterait une visibilité nettement plus large. La place de Léa Drucker dans toute cette aventure en dit assez long sur la volonté d’agrandir sa portée et son public. Le casting est d’ailleurs plutôt bon. Les actrices croient à leur amour et paraissent extrêmement attendrissantes à l’écran. Un soutien mutuel entre les deux comparses donne le ton à ce long métrage. Leur entraide mutuelle et l’énergie qu’elles dépensent pour se protéger et s’enhardir force le respect. Léa Drucker quant à elle joue admirablement bien. Ce n’est pas une surprise mais le contraste de son personnage donne une bonne dynamique entre les relations dans l’ensemble.

Le problème étant l’histoire en elle-même. La volonté de remettre nos aînés au centre de notre intérêt et de nos histoires apparaît comme noble. Cependant difficile d’y trouver un intérêt concret ici. Les enjeux sont assez faibles et savoir si untel ou untel va réussir à sortir de l’hepad laisse rapidement une majeure partie du public sur la touche. Bien que les actrices marquent l’affect de cette production, on ne se sent pas vraiment investit par leurs problèmes ou leur situation. Le spectateur n’est attendri que par leur amour et leur compassion, difficilement par les enjeux du film. Soit on n’y croit pas, soit on ne s’y intéresse pas. C’est d’autant plus frustrant que l’histoire n’échappe pas à cette mode de systématiquement vouloir mettre un pied dans l’ésotérisme. La scène d’introduction, aussi incompréhensible qu’inexploitée montre l’incapacité des scénaristes à crédibiliser les histoires les plus simples. Un événement particulièrement mystérieux d’une disparition presque magique, abordé en trame de fond à divers instants, ne trouvera ni réponse ni développement. L’enjeu de cette disparition, qui semble avoir affecté nos deux protagonistes principaux alors qu’un seul a pu y assister, n’est qu’une coquille vide dénuée de sens. On vous trouvera certainement un millier d’excuses ou de théories mais non, il ne faut pas se voiler la face, c’est simplement une supercherie scénaristique de plus pour tenter d’attiser la curiosité du spectateur. On attend patiemment qu’une réponse se révèle à nos yeux, en vain.

Un autre point n’aidant pas la production réside dans sa mise en scène globale. Forcée sur certains points, très classique pour une production française, on a l’impression de voir inlassablement les mêmes plans déjà vus dans de vieux films des années 30. Pourtant l’idée d’avoir la majeure partie des événements se déroulant dans la cage d’escalier et les deux appartements se faisant face donnait une dimension assez intéressante aux décors et au lieu. Mais quand un plan se démarque un peu du lot, il s’agit d’un plan sur les pieds de nos deux protagonistes. Nul doute que ce dernier ravira quelques fétichistes, pour les autres il n’est qu’un élément de plus nous poussant à vivement espérer la fin de la séance.

Dommage que le résultat soit aussi pauvre et inintéressant quand les thématiques sont aussi touchantes et universelles. On restera dans notre frustration de n’avoir aucune réponse à nos attentes et de ne pas avoir eu le loisir de voir de vrais rebondissements. On prend notre mal en patience et on espère revoir les actrices dans une production qui sache les mettre en valeur autrement qu’en filmant leurs jolis sourires et la tendresse qu’elles inspirent. Et en espérant qu’un prochain film mette mieux en valeur les thématiques abordées qui pourraient vraiment offrir une autre vision dans le panel du cinéma français.

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