La Dernière Vie de Simon : Rencontre avec Léo Karmann, réalisateur du film

Découvert le dernier jour du 27e Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, La Dernière Vie de Simon a été notre coup de cœur de cette édition 2020. Profitant d’une série d’interview dans le Grand Hôtel, nous abordons amicalement Léo Karmann pour le féliciter. Une rencontre s’improvise alors pour en savoir plus sur ce premier film au charme renversant en salles le 5 février 2020.

Comment est né le projet ? Qu’elle a été l’idée déclencheuse pour La Dernière Vie de Simon ? 

Avec Sabrina B.Karine, ma coscénariste, on a grandi avec le cinéma des années 80 conduit par Robert Zemeckis, Steven Spielberg ou James Cameron. Un cinéma qui te fait rêver où tu passes par toutes les émotions possibles pendant deux heures. Des émotions de ventre qui, quand tu sors de la salle, te repassent par la tête et te travaillent pendant des jours. Il y a des métaphores et tu y repenses encore et encore. C’est cela que l’on voulait faire avec Sabrina. Du coup, on a cherché une idée qui était possible de faire en tant que premier film et en France. Et de là est né ce personnage qui a la capacité de prendre la forme de toutes les personnes qu’il touche. Ce que nous pensions surmontable avec plusieurs acteurs interprétant le même rôle. Mais c’était à l’écriture. Nous sommes partis ensuite dans une aventure de 8 ans où on nous a dit « On ne fait pas cela en France. Le scénario est super, on l’aurait fait si le réalisateur était coréen ». Cela a été une suite d’absurdités comme ça. On n’a pas le droit au fantastique en France. On n’a plus le droit au cinéma de l’imaginaire. Nous sommes la culture de Jules Vernes, de George Méliès, de Jean Cocteau, mais le cinéma de l’imaginaire n’est plus pour la France. Ce qui est très grave. 

Le fantastique est un point de départ ou plutôt l’histoire d’amour qui adsorbe presque un tiers du film ? 

Le côté fantastique a été notre accroche puis le développement nous a dirigés vers l’adolescence de Simon. Avoir ce pouvoir est ce qui peut arriver de pire à un adolescent en quête d’amour. C’était intéressant dès le moment où il était un adolescent. Ensuite, l’histoire a dérivé vers une intrigue amoureuse. 

Quelles ont été tes références concernant le fantastique ? Comment as-tu orienté le fait du dédoublement du personnage central ?

C’était plutôt des références de ton, d’ambiance, de structure de récit, et non de fantastique pur. Dans ce film, on peut y voir E.T de Spielberg, Edward aux mains d’Argent de Tim Burton. Je souhaitais voir le pouvoir comme un handicap à défaut d’être super. Le traitement est plus poétique, la métaphore de l’adolescent qui n’arrive pas à se trouver lui-même, donc il vole l’identité des autres. Puis le traitement d’un fantastique intime nous intéressait beaucoup avant que tout explose au monde à la manière d’E.T. Simon est un petit garçon seul, sans famille. Il souhaite simplement que d’être aimé. Aimé par des parents puis par cette femme, il est en constante recherche d’amour. Mais il faut d’abord qu’il s’aime lui-même, s’assume puis les autres l’aimeront. 

Pour un premier film, tu ne t’es pas facilité la tâche en dirigeant d’emblée des enfants ?

C’était génial ! J’adore les films avec les enfants. Grâce à eux, tu peux accepter et t’évader dans l’imaginaire beaucoup plus facilement. Je ne te cache pas que c’était un réel défi avec beaucoup d’angoisse. Il fallait que les enfants soient bons, car si tu te tapes un tiers de film avec des gamins mauvais, tu n’as pas envie de continuer. J’avais totalement confiance en les acteurs qui jouent les adolescents, mais les gamins, il fallait les trouver. On a vu donc 200 enfants, j’en ai revu 10 sur les 30 sélectionnés pour en prendre finalement que 3. Cela a été un long processus. 

Léo Karmann sur le tournage du film.

Comment s’est formé le trio central du film ? 

Il n’y a pas franchement de stars dans cet âge-là en France. Donc on ne t’impose rien. J’ai vu une cinquantaine de jeunes hommes pour les deux apparences de Simon et idem pour le rôle de Madeleine. Camille pour ce rôle est passée en deuxième et je ne l’ai pas oublié pendant le reste du casting. Une actrice incroyable et ses essais étaient super. Pour Simon, j’ai très rapidement choisi Benjamin Voisin, qui va exploser, car il vient d’enchainer avec Un Vrai Bonhomme (en salles depuis le 8 janvier), puis il est le premier rôle dans le prochain film de François Ozon et le prochain long-métrage de Xavier Giannoli. Autant dire qu’il a une bonne année devant lui. Puis Martin, c’est mon frère. Il ne voulait pas passer les essais au départ, car c’était compliqué vu sa position. Je l’ai forcé et il a été formidable, le rôle était pour lui. 

Selon les choix des personnages, le film à la force de ne jamais installer le moindre malaise. Nous sommes en permanence en empathie avec Simon et ses choix, pourtant grave de conséquences.

Mais l’on comprend tellement son mal-être. Ce gamin a besoin d’amour, besoin de parents. Puis un moment il trouve un compromis en se disant que personne n’aura de peine, et lui aura ce qu’il veut. C’est pour cela qu’on le suit en dépit du fait que c’est un mauvais choix, qui va inexorablement se retourner contre un jour. Mais l’amour dépasse les cadres et tout le monde comprend ses raisons. 

La Dernière Vie de Simon est ton tout premier film. Il surprend par le fait d’être carré. La réalisation et le montage sont en concordance, l’équilibre est parfait, il n’y a pas de fautes, jamais de gras, d’erreurs manifestes… ça en devient surprenant, car il ne ressemble pas à un premier film.

Merci (rire). Je suis un jeune réalisateur qui prépare beaucoup. Je veux avoir une perspective en amont, savoir où je vais, ne pas enregistrer et ensuite couper/raccorder. J’ai été dans l’économie de plans en permanence pendant le tournage. Je n’ai donc rien de superflu, l’ours du premier montage durait deux heures et le film fait aujourd’hui 1h40. On n’a pas coupé grand-chose finalement. Avec le monteur, il a fallu juste trouver le tempo juste pour le film. Ça a été assez simple de communiquer avec lui dès le départ sur le rythme de montage. Puis c’est une question de feeling dans la salle de montage. Le monteur est un ami de longue date, assez jeune, mais avec déjà beaucoup d’expériences à tout juste trente ans. Il a monté déjà huit films, notamment les deux Babysitting, Alibi.com et toutes les dernières comédies à succès. C’est un ami d’école, on a le même feeling, les mêmes références. Donc finalement ce n’est que du ressenti et tu ajustes comme une pièce d’orfèvrerie. Tout est une question de sensation.

Le film se déroule en Bretagne. La région est un décor rare de cinéma.

C’est la région des contes. Mais c’est vrai qu’au cinéma, c’est rare. C’est absurde en même temps. Dans le scénario, le décor était plutôt vague. Puis ma coscénariste est partie en vacances dans la région de Crozon. Et c’était l’endroit comme on avait commencé à le dessiner dans le scénario : une forêt sur une falaise avec la mer. Je vais y faire des repérages et c’était l’endroit idéal pour le film.

Tu travailles déjà sur un second film ?

Je travaille sur plusieurs projets en parallèle. Mais celui qui est le plus avancé, on y travaille depuis presque 4 ans déjà. C’est l’histoire de Mileva Einstein, la première femme d’Albert Einstein, et celle qui avait le plus haut d’étude de son pays, la seule femme de polytechnique à l’époque. Ils s’y sont rencontrés et elle était une génie des mathématiques, alors que, toute proportion gardée, ce n’était pas le point fort de son mari. Albert Einstein a trouvé toutes ses plus grandes théories avec elle, qui l’a beaucoup aidé dans ses recherches, notamment dans les illustrations mathématiques. Albert était sur le point de trouver la Théorie de la relativité. Il n’était pas tout seul à l’époque à faire des recherches, Henri Poincaré aussi et d’autres. Mais l’atout d’Einstein fut sa femme. Sauf qu’Einstein n’était pas très fréquentable en privé et l’histoire d’amour finit plutôt mal. Ce serait donc un biopic en Anglais au début du XXe siècle, tout l’opposé de La Dernière Vie de Simon.

Propose recueillis le 1er février à Gérardmer pendant le 27e Festival International du Film Fantastique.
Remerciements à Léo Karmann pour sa disponibilité.

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