La Cravate : «Est-ce que je suis un connard du coup ?»

Le film raconte l’histoire d’un jeune homme qui, en enfilant la cravate, espère pouvoir faire évoluer sa vie. Pourquoi est-il ensuite obligé de retirer cette cravate malgré lui ? Et comment plus tard, la revêt-il comme un uniforme de combat ?
La Cravate suit Bastien, entamant tout juste la vingtaine, militant FN depuis cinq ans, pendant toute la durée des présidentielles de 2017. Marine Le Pen va réaliser le score surprenant que l’on connaît, mais la démarche des deux réalisateurs, Étienne Chaillou & Mathias Théry, est ailleurs. Scruter l’évolution d’un jeune militant, un politique futur, présent discrètement, mais sûrement dans le parti de Marine Le Pen. Bastien, ils le rencontrent pour un documentaire précédent, Le Sociologue et L’Ourson. Au départ, rien n’est filmé, juste des rencontres audio qui serviront de roman conducteur relu par Bastien face caméra et en voix-off, celle de Mathias Théry, pour conter le film.

Un documentaire au passé simple et à la troisième personne. Le film se fait le document de Bastien et non de la campagne électorale. Elle n’est que le décorum de l’histoire d’un jeune homme aux convictions bien assisses, mais volontiers ouvert à la discussion et aux échanges des idées. Bastien est un jeune homme intelligent qui prend conscience des choses rapidement. Comme de la politique par exemple, un petit monde d’hypocrites en costard trois-pièces qui ne sont là que pour l’argent et non pour les convictions…Enfin en grande partie.
Les pensées de Bastien reviennent de loin. Le film ne cherche jamais à l’excuser, mais à comprendre l’homme. Pourquoi excuser quelqu’un de militer pour le Front National ? Autant excuser les personnes de gauche ou du centre tant que l’on y est. Bref, il n’y a pas grandes questions de politique dans ce documentaire singulier et passionnant. Il y a question d’un homme, ses convictions, sa vie et ses drames. Un parcours torturé qui amène au présent et à son futur, les images que nous découvrons ayant déjà trois ans. Il est loin ce Bastien qui revête une cravate et un costard pour descendre sur Paris en ne payant pas le métro. 

Bastien est toujours en arrière, au contraire de son ami Eric, bien plus imposant et ambitieux. Ce dernier a l’œil vif et tout l’attirail du politique ambitieux qui souhaite se placer pour réussir. Au final, ce que prend conscience Bastien du monde qui l’entoure au fil du film et dont il rejette l’opportunisme sans vergogne. Mais c’est son ami, et il est là avec lui, puis le suivra vers d’autres horizons. Bastien colle des affiches, milite beaucoup et ne politique que rarement. Il reste en fond tel un garde du corps avec ses cheveux ras et sa carrure ramassée, mais imposante. Son passé fait que le garçon ne se laisse jamais faire avec un calme olympien. Comme le soir où deux gars l’attendent à la sortie de son travail.
La preuve que l’on échappe de la politique avec le film, mais jamais de l’homme et ses pensées. La politique n’est que le fond d’une vie d’un homme aux envies diverses, menant un parcours associatif précis et occupant un travail qui le passionne. Bastien, ce n’est qu’un gamin de 12 ans sous pression, malmené et perdu, dont le chemin l’a mené à ce présent et ce futur. Comme il le dit face caméra, il n’aurait pas eu ce parcours dramatique, il ne serait peut-être là aujourd’hui.

La Cravate est un roman portrait d’un vif intérêt sur un jeune militant, un homme en construction avec comme fond le militantisme politique en province. L’évolution d’un jeune homme de vingt ans qui évolue face caméra avec, au cœur du film, l’élection présidentielle de 2017. Un document qui vient indirectement compléter le film d’Audrey Gordon, Première Campagne, focalisé sur le parcours d’une jeune journaliste au cœur de cette même élection. Deux documentaires à voir d’urgence donc.

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