Sex Education – Saison 2 : C’est bien mou !

Nos lecteurs assidus s’en souviennent certainement, nous avions été particulièrement enthousiastes concernant la première saison de Sex education, diffusée il y a tout juste un an sur Netflix. Enfin une série s’adressant aux adolescents paraissait intelligente, nuancée, décomplexée sans tomber dans le scabreux si facile dans ces cas-là, et surtout échappait à tout effet de récupération en trouvant le juste équilibre sur tous les sujets abordés, ce qui lui permettait de s’adresser à un public assez large, et de toucher à une véritable universalité. Nous y faisions la connaissance d’une galerie de personnages à priori stéréotypés, qui par la grâce d’une écriture fine et attentive au moindre caractère, échappaient systématiquement et presque miraculeusement, à tout cliché, en prenant des chemins de traverse véritablement séduisants. Attachants, proches de ce que tout un chacun avait pu ou pouvait encore vivre au quotidien, ils étaient enfin débarrassés de codes ayant largement été épuisés dans les innombrables films ou séries consacrés aux teenagers, ce qui donnait toute sa singularité à cette première saison. Comme souvent dans ces cas-là, le succès fulgurant rencontré par la série, la transformant en véritable phénomène culturel et générationnel, s’est avéré sans doute à double tranchant pour son instigatrice, car si le succès en soi est forcément source de contentement, l’obligation de répondre rapidement à la demande en se devant d’écrire une seconde saison rapidement est rarement concluante qualitativement parlant. Et pour couper court à tout suspense déplacé, on peut dire que l’on en fera ici l’amère expérience, tant le résultat semblera s’appliquer à s’asseoir sur toutes les fondations acquises, pour faire l’exact contraire de ce qui nous avait tant séduits dans la première saison. Que les choses soient bien claires, nous ne sommes pas des fans transis incapables d’accepter le moindre changement, mais il semble tout de même qu’il y ait eu ici vice de fabrication, et l’on se retrouve avec la désagréable impression que les scénaristes ont fait tout ce qu’il ne fallait pas faire, et que l’on craignait déjà au vu de ce qui précédait.

Pourtant, tout partait sur les chapeaux de roue, et l’introduction du premier épisode de cette nouvelle fournée en comportant 8 au final, réussit à retrouver ce qui faisait tout le sel et la décomplexion du programme, à savoir ce mélange de crudité et de tendresse assez irrésistible, et pour tout dire, carrément hilarant. Nous retrouvons avec plaisir nos personnages, tels qu’on les avaient laissés, et comme face à une Madeleine bien rassurante, nous sommes immédiatement conquis et prêts à savourer comme il se doit cette nouvelle salve.

Otis est toujours ce grand échalas se posant des questions sur tout, ayant bien du mal à passer le cap avec sa copine, car tout le monde le sait, lui le premier, il n’y en a qu’une et unique pour lui, et il s’agit bien évidemment de la belle Maeve, dont il a toujours été amoureux, et dont le retour dans son lycée va raviver de vieux sentiments difficilement enfouis. De son côté, Eric, le meilleur ami d’Otis, est partagé entre un Français nouveau au lycée, et Adam, son ex persécuteur avec qui il vit une relation particulièrement troublée. Aimée, quant à elle, va vivre une expérience traumatisante qui sera l’un des arcs narratifs moteurs de cette saison, et l’une des plus grosses sources de déception quant au traitement pour lequel les scénaristes auront opté. En bref, tous les personnages sont là, nous n’allons pas laborieusement tous les lister, et tous ont à priori un arc narratif n’appartenant qu’à eux, ce qui devrait en principe propulser cette saison vers des hauteurs qu’elle n’atteindra malheureusement jamais, faute de rigueur dans la tenue de toutes ces intrigues.

Si l’effet est garanti dans les premiers temps, plus par plaisir simple de retrouver ces personnages, comme s’il s’agissait d’anciens camarades perdus de vue que l’on reverrait avec grand plaisir, ce plaisir s’avère rapidement insuffisant pour tenir la distance d’une saison complète, dont on aperçoit très rapidement les limites dans les choix douteux qui seront faits tout du long de la saison. Entre les intrigues dignes d’un soap, les situations de plus en plus cliché, les dialogues parfois consternants de banalité, et l’incapacité presque inquiétante à réellement traiter certains de ses personnages, l’échec apparaît très vite patent, et embarrassant concernant une partie de l’intrigue. Comme dit plus haut, le personnage de Aimée, amie de Maeve, va subir un évènement perturbant dans le bus la conduisant au lycée. Personnage habituellement solaire, d’une naïveté presque enfantine, mais rafraichissante, toujours heureuse et sortant des réflexions candides avec une évidence qui la rend véritablement attachante, cet évènement va la transformer progressivement, sa joie de vivre et sa simplicité s’évaporant lentement, à notre grand désarroi. Étant donné la nature de ce qu’elle vit, cette évolution est tout à fait logique et aurait dû être traitée avec le plus grand sérieux, sauf que les scénaristes en ont décidé autrement, en cantonnant de manière fâcheuse cette dernière à son rôle de faire valoir uniquement là en fond, comme si ces derniers étaient embarrassés par leur audace et le potentiel subversif de ce qu’ils ont lancé, et se sentaient obligés de clôturer cette partie par un discours opportuniste surfant maladroitement sur le mode #MeToo, avec cet esprit girl power revanchard très moderne, et totalement contre-productif ! C’est vraiment dommage car que l’on ne s’y trompe pas, ce que cette partie de l’intrigue soulève comme questions est réellement préoccupant et méritait traitement plus subtil que ce triste règlement de comptes n’apportant pas de réponse, à part que tous les mecs sont guidés par ce membre trônant fièrement entre leurs jambes, et que donc « on les emmerde tous, on est plus fortes entre nous » ! Il n’y a rien de plus facile aujourd’hui que de tenir ce type de discours, n’importe quel tâcheron se sent obligé d’en glisser n’importe où, jusqu’à en être à côté de la plaque, mais on attendait un peu plus de subtilité dans le cas présent. Ce ne sont pas les discours faciles de ce genre qui font bouger la société et les mentalités, il faudrait peut-être commencer à bâtir un discours un peu plus nuancé et réfléchi sur les questions concernant les violences sexuelles, questions qui nous préoccupent tous, êtres humains,  pas seulement les femmes, et qui mériteraient d’aller plus loin que ces sentences bêtement définitives ne faisant au final qu’alimenter les tensions.

Au lieu de traiter sérieusement cette partie de l’intrigue, qui selon nous est le cœur de cette saison, les scénaristes ont préféré la jouer petits bras, en se focalisant comme redouté sur les questionnements hautement existentiels de chaque personnage, et leurs petites histoires de cœur, agrémentées de saillies verbales censément pimentées, afin de rester sur la lignée tracée précédemment. Mais on a au final l’impression d’une saison écrite trop vite, les scénaristes étant incapables de trouver le bon angle, et stagnant dans des intrigues inintéressantes, et surtout, écrites de façon systématiquement poussive. On a l’impression de se retrouver dans un mélange de Ryan Murphy dans cette obsession très petit bourgeois à donner la priorité aux sexualités « marginales » et aux personnages excentriques, et de Smallville pour les amourettes et les indécisions des personnages. Mais si, ne faites pas les innocents, vous vous rappelez forcément des scènes hautement philosophiques entre Clark Kent et Lana, ayant alimenté une grosse partie de la série consacrée à l’adolescence de Superman. « Lana, je  t’aime ! « « Clark, tu m’as déçu, je sais plus du tout où j’en suis, laisse-moi 3 ou 4 saisons pour m’y retrouver ! « Et bien sans exagérer, on est pas loin de ça ici, dans le  traitement de l’arc consacré à Otis et Maeve ! Va-t-il trouver le courage de rompre avec son actuelle copine qu’il n’aime pas, va-t-il enfin déclarer sa flamme à la seule capable de faire battre son petit cœur d’adolescent fragile et indécis ? Et bien il vous faudra patienter jusqu’à la fin de saison pour savoir ce qu’il en est, mais n’en attendez pas trop, car autant dire tout de suite que le cliffhanger de fin est digne de ceux de la série mentionnée plus haut, et que l’on ne pensait pas subir ce genre de conneries en 2020 sur Netflix. Consternés nous sommes !

Ce qui aurait pu être pris avec humour dans une série plus lambda, a du mal à passer concernant un phénomène ayant réussi à construire quelque chose de rare, et qui avait le champ libre pour continuer sur la voie qu’il avait lui-même tracée. Au lieu de ça, c’est celle de l’auto sabotage pour laquelle aura opté la créatrice de la série, avec une constance franchement consternante, car plus l’on avance, pire c’est, pour nous laisser à son issue, dans un état d’accablement et de colère qui a du mal à redescendre au lendemain, tellement l’impression d’avoir perdu son temps devant un programme reprenant les pires clichés du genre dont on pensait être débarrassés pour les remettre au goût du jour avec un mauvais goût suspect, un gros majeur fièrement dressé à notre encontre, se fait clairement prégnante. Alors que l’occasion de se débarrasser d’un arc narratif majeur présent dès les débuts de la série aurait pu être réglée dès le milieu de saison, ses scénaristes ont préféré stagner et rester prisonniers de clichés ringards.

Il est difficile actuellement d’affirmer avec certitude de quoi sera fait l’avenir de la série, et tout dépendra certainement de l’accueil réservé à cette seconde saison, mais si les retours étaient trop positifs, cela conforterait très certainement ses instigateurs dans leur voie, et l’on devrait donc encore subir les amourettes et autres ressorts scénaristiques à la ramasse, uniquement là pour retarder au maximum le moment tant attendu. Très honnêtement, on pourrait se dire que tout ceci est finalement bien anecdotique, et ce serait le cas concernant n’importe quelle autre série, mais ici, l’effet produit est franchement rageant et décourageant tant le potentiel était autre. S’effondrer aussi rapidement, il y a quand même quelque chose de profondément désolant.  

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