Le chien, Le Général et Les Oiseaux : Les graines nostalgiques d’une véritable animation de cinéma

C’est l’histoire d’un vieux Général russe qui fait encore et toujours des cauchemars de la Grande Bataille qu’il mena face à Napoléon à son arrivée pour conquérir la Russie. Pour repousser l’ennemi, le fameux Général enflamma les oiseaux de la ville propageant ainsi les flammes et déclenchant un incendie monstre. Sonnant la retraite, Napoléon était vaincu, mais les oiseaux avaient disparu.
Plusieurs années après, le Général vit avec ses remords d’avoir sacrifié les oiseaux qui lui en veulent toujours en le plombant de fientes lors de ses promenades quotidiennes. Mais une rencontre avec un chien abandonné va lui changer la vie, mieux même, va lui permettre de se racheter.
Ainsi est le pitch de ce savoureux film d’animation réalisé par Francis Nielsen en 2003. Il ressort en salles dans une version restaurée le 22 janvier 2019, idéal pour (re)découvrir le film en famille.

Le Chien, le Général et les Oiseaux n’est pas un produit de consommation commun. Il est un film exigeant, parfois adulte, faisant appel à une naïveté surréaliste pour nous conter une histoire simple, mais ahurie. Une histoire qui relève de deux faits réels dans la Russie du 18e siècle. La première est inspirée de la vie du père de la Comtesse de Ségur, le comte Fédor Rostoptchine (1763-1826). En 1812, il était gouverneur de Moscou lors de l’entrée de la Grande Armée. Malgré l’opposition des propriétaires des plus belles demeures, il aurait organisé le grand incendie qui obligea Napoléon à sonner la retraite de ses troupes. En dépit de la réussite de son plan, il se retrouve dans une situation si inconfortable qu’il s’exila dans plusieurs pays dont la France en 1817. Il revient vivre ensuite en Russie jusqu’à sa mort.
Le deuxième fait est une histoire racontée par un ami russe à Tonino Guerra, auteur et scénariste du film. Un jour, en lui parlant de Saint-Pétersbourg, il lui a raconté un tas de choses curieuses et d’anecdotes à propos de la ville survenues pour la plupart aux XVIII et XIXe siècle. Il a été particulièrement sensible à l’une d’entre elles, qui lui semblait à la fois merveilleuse et fantastique. Elle avait trait à un chien qui, avec l’aide d’un général, avait entraîné la libération des oiseaux emprisonnés dans les cages.
Ce qui lui donnera la trame pour l’histoire s’intitulant Le Chien Bonaparte, dont le film est une adaptation. C’est Tonino Guerra qui adapte son propre texte sous le dessin incroyable de Sergueï Barkhin.

Incroyable est le mot retranscrivant parfaitement notre sensation face à ce film. L’introduction du long-métrage, narrée par la voix prenante de Philippe Noiret, est saisissante dans la retranscription du drame de Saint Petersbourg à l’arrivée de Napoléon. Ce n’était qu’un des rêves du Général, mais l’on capte parfaitement la sensation qui l’a envahi depuis toujours. Puis nous déambulons au cœur d’un film réalisé avec une technique d’animation pas comme les autres, déboussolé puis charmé par la magie d’un savoir à contre-courant des tendances imposées par les studios américains. Point de 3D, mais du papier découpé mêlé avec de la gouache, du pastel et du crayon. Cela donne une imperfection dans les formes, une irrégularité du crayonné et une perspective faussée pour mieux apporter une douce poésie à l’atmosphère chaude par les couleurs alors que la mélancolie de l’hiver règne au cœur de l’histoire.
La composition est sublime rappelant le travail du peintre Chagall, une note qui colle au film, mais celui-ci s’en détache pour mieux être une singularité dans le genre qui détonne et va chambouler les plus jeunes.
Les adultes vont retrouver le plaisir des divertissements de leurs enfances, une texture de caractère, le film vit avec une véritable personnalité qui marque les esprits et invite à y revenir. Le Chien, le Général et les Oiseaux est un long-métrage plein de charme et de relief, en dépit d’un rythme laborieux. On se perd dans la deuxième partie du film à rêver d’espoir et subir un brin d’excentricité alors que jusque-là, le film était plus terre à terre.
À force de rêver, on ne sait plus trop où s’accrocher alors on profite du spectacle. Car Le Chien, le Général et les Oiseaux est un spectacle enchanteur, un conte qui nous transporte à Saint-Pétersbourg pour libérer des oiseaux avec un vieux général et des chiens qui se mobilisent pour la cause. Un cinéma rêveur d’une singularité rare, jamais on ne reverra un tel film sur nos écrans et/ou rares sont les propositions du même acabit, qui ne prennent pas son spectateur pour une truffe. Il n’est pas l’heure de battre en retraite, mais de foncer en salles et profiter d’un véritable moment de cinéma.

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